Chapitre 1
Will
Un voyage à Boston.
Un dîner de répétition pour mon mariage. Une soirée mouvementée avec les garçons.
Un mariage demain et une future épouse endormie… au bout du couloir.
Je sentais bien que cet arrangement n’allait pas durer. Hanna déteste dormir seule au moins autant que moi, et nous avons trop souvent été contraints de nous passer l’un de l’autre ces derniers temps. La faute à ses nombreux entretiens aux quatre coins du pays pour son futur poste à l’université. Bien évidemment, la veille du mariage, sa mère nous a réservé deux chambres séparées pour respecter la tradition, pour faire monter le suspense ?
Foutaises.
Ça ne risquait pas de durer.
Je tends la main derrière moi, fais gonfler les oreillers et m’étire dans l’énorme lit king-size.
Mon téléphone vibre sur la table de nuit, je ris en lançant dans la chambre vide « je le savais ! » avant de répondre.
– Hanna, mon amour.
Elle coupe court aux salutations :
– Je suis nerveuse.
Je souris.
– Bien sûr que tu es nerveuse. Tu vas bientôt jurer de m’obéir et d’être mon esclave sexuelle pour le restant de tes jours. Tu sais que je ne t’épargnerai pas.
Contre toute attente, elle ne réagit pas.
– Je peux venir dans ta chambre ?
– Bien sûr. J’espérais que tu viendrais…
– Non ! s’exclame-t-elle soudain. Non, c’est impossible. C’était un test, Will. Tu es censé me dire que ça porte malheur.
– Mais je suis athée ! Je ne crois pas aux superstitions. Je crois à la volonté. Je crois aux découvertes. Je crois au sexe avant le mariage. En réalité, je crois que tu te trouves à trois portes de ma chambre, en train de péter les plombs, alors que tu pourrais me retrouver pour parler. Je promets de ne pas te toucher, et notre mariage sera toujours le mariage le plus merveilleux de…
– Mes seins ont l’air énormes dans ma robe de mariée.
Je grogne en plaquant une main sur mon visage.
– Tu essaies de m’achever ?
– Je voulais te prévenir. (Sa voix est un peu étouffée, elle doit se mordiller nerveusement un ongle.) Je trouve ça un peu trop voyant. Je voulais que ça reste un truc entre nous – ton obsession pour mes seins, notre mariage, je veux dire, tu…
Je la coupe :
– Hanna. Je te promets de faire de mon mieux pour ne pas te tripoter devant l’autel.
– Ce n’est pas ce que je veux dire.
– Prune. Respire. (Je l’entends inspirer profondément et puis expirer lentement.) Parle-moi. Que voulais-tu dire ?
– Juste que… et si j’ai l’air…
Je suggère :
– Parfaite ?
Elle soupire dans le combiné et avoue rapidement :
– Vulgaire, comme une mariée vulgaire aux gros seins.
Je retiens un éclat de rire, parce que même si c’est ridicule, je sais que ça ne l’est pas pour elle.
– Est-on vraiment en train d’avoir cette conversation ? C’est ta crise de panique prénuptiale ? Tu as peur que tes seins soient trop époustouflants demain ?
Hanna a géré les préparatifs du mariage avec un calme olympien, en laissant sa mère se charger des derniers détails tandis qu’elle allait d’entretien en entretien. Elle a été recrutée par des universités dans tous les États-Unis et a enchaîné plus d’une fois deux rendez-vous dans la même semaine.
Je ne l’ai jamais entendue se plaindre de son emploi du temps effréné de ces derniers mois. Je savais que mon Hanna était relax, mais – Seigneur – après tout ça, je m’attendais à… quelque chose. Une crise pendant que nous faisions nos bagages, peut-être ? Mais non, nous nous sommes lancés dans une bataille hilarante de vêtements et nous avons fini par baiser dans le couloir. Une petite dispute de dernière minute sur la route de Beantown ? Mais non, elle m’a sucé. Un petit caprice en arrivant à l’hôtel ? Non. Elle a souri, m’a embrassé et s’est exclamée : « Nous y sommes ! »
Je parcours la chambre vide du regard :
– J’ai l’impression que je m’en tire facilement.
Son petit grognement me fait sourire, mais je me raidis en l’entendant aussi angoissée :
– Et si ma robe montre trop mes seins et que tu es le seul à ne pas trouver ça obscène ?
– Si tu avançais seins nus dans l’allée, ça me conviendrait. Mon opinion est la seule qui comptera demain.
– Alors pourquoi avons-nous invité cent soixante-quatre personnes en dehors de nous deux ?
– Hanna, tais-toi maintenant. Viens dans ma chambre pour te faire baiser.
Elle raccroche. Quelques secondes plus tard, j’entends des pas dans le couloir, une longue pause et un coup discret sur la porte.
– Ferme les yeux, s’écrie-t-elle.
J’avance les yeux fermés et lui ouvre la porte. Elle ordonne :
– Garde les yeux fermés.
Je la serre dans mes bras sans lui désobéir.
Ses mains glissent dans mon cou, effleurent mon visage, tremblantes de nervosité. Elle finit par réussir à m’attacher un bandeau sur les yeux. Puis elle se calme. Je ne peux pas la voir, je ne peux pas la sentir.
Je tends la main, trouve sa taille, l’attire contre moi.
– Dis-moi ce qui se passe vraiment.
– Je n’avais pas envie de passer la dernière nuit avant notre mariage sans toi, souffle-t-elle dans mon oreille. J’ai besoin de toi.
À l’aveuglette, je caresse son ventre, remonte sur ses épaules et dans son cou, puis prends son visage entre les mains. Je sens de la soie sous mes doigts et réalise qu’elle s’est bandé les yeux.
Elle aussi. Oh, celle-là !
Je ris et l’embrasse sur le front.
– Reste avec moi.
Elle grogne.
– Cette tradition est nulle, mais je sais que si je dois en respecter une, c’est celle qui nous permettra de réussir ce mariage. Nous ne pouvons pas nous voir avant demain.
Les mains sur ses joues, j’incline sa tête pour l’embrasser. Mes lèvres commencent par effleurer son nez avant de trouver sa bouche.
– Tu ne vas pas tout gâcher, c’est impossible. Même si nous n’étions pas sur le point de nous marier, tu es l’amour de ma vie. Je resterai avec toi jusqu’à notre mort quand j’aurai cent ans et toi quatre-vingt-treize.
Elle semble se calmer, ses mains cessent de trembler sur ma poitrine.
– Tu t’es brossé les dents ?
Quoi ?
– Euh oui.
– D’accord.
Elle me fait tourner sur moi-même, me guide jusqu’au lit et m’y allonge avec précaution. Ensuite, elle me grimpe dessus.
Je lui demande, taquin :
– Tu as les yeux ouverts ?
– J’ai soulevé le bandeau une seconde, mais je viens de le remettre. Quelqu’un devait nous guider sans accident.
– Hanna, il me semble que la règle stipule que le futur marié ne peut pas voir la mariée. Toi, tu as le droit de me regarder.
Elle se fige.
– Vraiment ?
– Ouais, Prune.
Après une courte hésitation, j’entends un froissement de tissu. Elle retire son bandeau et inspire profondément.
– Voilà. (Elle m’effleure la poitrine, le cou, dessine les contours de ma bouche du bout du doigt.) Mari et femme. C’est fou, non ?
Ma peau brûle soudain de désir.
– Hann…
Elle me fait taire d’un baiser. Ses lèvres sont mouillées, gonflées, elle descend mon boxer sur mes hanches. Elle me lèche le cou, ses cheveux effleurent ma peau tandis qu’elle descend sur mon torse, mon ventre…
– Ça porte bonheur de tailler une pipe avant le mariage, je confirme quand elle saisit mon sexe dans sa main, lèche la base et fait glisser la langue sur mon gland. Donc nous sommes sur la bonne voie.
Ses gloussements vibrent contre moi, elle m’embrasse, me suce, lèche ma queue aussi dure que de la pierre dans sa main.
Je murmure en me redressant :
– Seigneur. Prune, ce bandeau… ta langue. Putain.
Elle me titille juste assez pour me faire tressaillir sur le matelas, puis elle se décale, relève sa petite nuisette et s’installe à califourchon sur moi.
Elle chuchote dans mon oreille :
– Ne m’attrape pas les seins trop fort.
Je réplique dans un souffle :
– Tout ce que tu voudras. Mais n’arrête pas.
– Tu as le don de me faire des bleus sur les seins. Ma robe montre mes seins.
– Tu l’as déjà mentionné.
– Si tu me fais un bleu, je ne te suce pas pendant un an.
Même si elle plaisante sûrement – enfin je crois ? –, l’idée me glace.
Je répète avec conviction :
– Je le promets.
Elle attrape mon sexe, me fait coulisser sur la peau glissante et parfaite de son entrejambe. Elle s’agrippe aux draps.
Je demande, essoufflé :
– Hanna ?
Elle s’immobilise.
– Ouais ?
– Je peux t’attraper par les hanches ?
Elle se fige et éclate de rire.
– Quel genre de robe pourrait montrer mes hanches ?
– Désolé, désolé, je réplique en riant. Je suis incapable de réfléchir correctement. Putain, Prune, fais entrer mon sexe en toi.
Mais elle ne s’exécute pas. Je sens sa chaleur, si proche, elle s’écarte lentement et se rassied sur mes cuisses, en me caressant le torse.
Je lui demande, en m’asseyant dans le lit et en cherchant son visage à tâtons :
– Ça va ? Tu paniques encore à cause de la robe ?
Je tente de glisser subrepticement mes doigts sous ses yeux pour m’assurer qu’elle ne pleure pas, mais elle s’écarte.
– Je ne pleure pas.
J’acquiesce, soudain silencieux. Il faut que je la joue fine.
– Je suis juste nerveuse.
Ma poitrine se contracte.
– Tu sais, ce n’est pas parce que nous nous marions que les choses changeront entre nous. Nous sommes toujours Will et Hanna. Nous sommes toujours nous.
– J’ai l’impression que c’est déjà différent.
Elle pose les doigts sur mes lèvres quand j’ouvre la bouche pour protester, et elle ajoute rapidement :
– Pas de manière négative. Enfin… c’est comme si c’était plus profond. Plus important. Avant, je regardais ton corps et je pensais : « Waouh, je peux jouer avec ça et oh mon Dieu, si quelque chose lui arrivait un jour et… »
– Hanna. Respire, fais-je doucement sous ses doigts.
Elle inspire calmement, me caresse le cou comme si elle suivait la ligne des battements de mon cœur.
– Je n’ai que vingt-cinq ans. Et je sais que ma vie serait détruite si je te perdais.
L’idée me bouleverse.
– Tu ne me perdras jamais.
Elle ne répond pas, caresse mon torse d’un air absent.
– Voyons, Prune. On prend déjà tellement bien soin l’un de l’autre. C’est juste une manière de rendre notre amour officiel.
Maintenant, elle tripote mes lèvres. Mon cœur bat la chamade.
– Je prends soin de toi ?
– Oui. Et quand tu ne sais pas comment, tu demandes.
Après quelques instants de silence, elle dit :
– Comme maintenant ?
J’apprécie et je déteste l’obscurité dans laquelle me plonge le bandeau. J’aimerais voir son visage mais, rien qu’en l’entendant, je peux imaginer son expression : elle doit se mordiller légèrement les lèvres, me fixer du regard avec une intensité incroyable. C’est comme ça que tout a débuté. Elle m’a demandé quoi faire, je l’ai guidée.
– Tu ne sais pas comment prendre soin de moi maintenant ?
– Je suis juste angoissée ce soir, murmure-t-elle. Ça m’aide quand tu me dis quoi faire.
Mon cœur se recroqueville puis explose. Ça fait un moment que nous n’avons pas joué à ce petit jeu-là.
Je lui ordonne d’une voix rauque :
– Viens par là.
Je la sens bouger, sa chaleur brûlante revient contre ma queue. Je ravale un grognement.
– Empale-toi. Lentement. Laisse-toi un peu désirer.
Elle attrape mon sexe d’une main, se place sur moi en se frottant contre mon gland puis en descendant, centimètre par centimètre.
Bon Dieu de merde.
Je suis à deux doigts de me laisser aller.
– Comme ça. Comme ça.
– Will…
Nous avons fait l’amour plus de mille fois. Peut-être même plus. Et je suis toujours aussi étonné de devoir compter jusqu’à dix et de distraire pour ne pas jouir à la seconde où je suis en elle.
– Descends et remonte. Sans hésiter. Je veux te sentir.
Son souffle est brûlant dans mon cou, ses cheveux effleurent mes épaules, elle fait exactement ce que je lui demande. Elle aurait pu me prendre en elle d’un coup. Elle était aussi trempée que l’océan.
C’est tellement intense que mes pensées dérivent, et puis tout me revient en pleine figure. Nous nous trouvons à un tournant de notre folle aventure – et je n’ai jamais rien désiré avec autant d’intensité de toute ma vie.
Hanna va et vient, se frotte contre moi, de plus en plus sûre d’elle, oubliant ses préoccupations, je me concentre sur cette vérité. Combien de gens parviennent à trouver la personne qu’ils ne peuvent s’empêcher de toucher, sans laquelle ils ne peuvent pas respirer, leur âme sœur ? Combien de gens épousent leur meilleure amie, la personne qu’ils admirent le plus dans le monde entier ?
J’écarte mon bandeau, regarde son visage au moment où elle s’abandonne : les yeux fixés sur moi, les lèvres ouvertes dans un gémissement silencieux. Le soulagement la submerge quand nos yeux se rencontrent – elle avait besoin de le voir, de me voir, que mon regard l’apaise. Et je sais qu’elle lisait dans mes pensées tout comme je déchiffrais les siennes.
Ne respecte pas la tradition qu’on nous impose, je pense, en sentant mon corps se tendre, la jouissance s’approcher. Fais-moi confiance. Fais-nous confiance, nous trouverons notre propre voie.
Le désir et le plaisir me submergent, brûlants et pressants. Je m’agrippe à ses hanches, je la fais bouger plus vite et plus fort jusqu’à être tout près de l’orgasme. Elle murmure j’adore te voir jouir, je ne peux plus me retenir.
Je jouis en elle dans un grognement brutal, les yeux désespérément plongés dans les siens.
– Demain, c’est une formalité, murmure-t-elle, le visage en sueur qu’elle blottit dans mon cou. J’ai l’impression que nous venons de nous marier.
– Demain, c’est une formalité depuis que tu m’as branlé pendant une fête étudiante.
Sous moi, elle glousse.
~
Quand je me réveille, Hanna est partie. Je trouve un petit mot écrit à la hâte sur l’oreiller – on se voit à deux heures ! – et j’éclate de rire dans la chambre vide.
Ma fiancée : quelle romantique, putain !
La matinée est bien occupée : déjeuner avec les témoins, accueil des invités à l’hôtel, ma mère et mes sœurs qui passent leur temps à me demander confirmation sur des détails, des instructions de livraison et des problèmes de musique. En sentant que j’ai juste envie de prendre une douche et de me préparer pour mon mariage, Jensen les dirige vers le Général en Chef (la mère d’Hanna, Helena) qui s’est fait un plaisir de déléguer le travail toute la journée.
Une douche chaude, un rasage de près, trois tasses de café plus tard, j’entends qu’on frappe à ma porte. Hanna ? Impossible, elle aurait dû échapper à sa sœur, Liv, à sa mère, à George et à Chloé et Sara. Jensen les surnomme « la meute », comme s’ils étaient des lions. Si elle avait réussi, il y aurait des cadavres partout, et me voir avant la cérémonie serait le cadet de nos soucis.
– C’est moi, lance mon presque beau-frère.
Je laisse entrer Jensen dans ma suite. Il est déjà prêt et porte un smoking pour l’occasion, il a l’air tiré à quatre épingles. J’ai passé toute la journée avec lui hier, mais dans la frénésie de la répétition, je n’avais pas remarqué qu’il a dû perdre dix kilos depuis la dernière fois que je l’ai vu.
– Tu fais du sport ? Tu as l’air en forme, mec.
– Tu épouses ma sœur. Ne me taquine pas aujourd’hui, s’il te plaît.
J’éclate de rire et me tourne vers le miroir pour faire mon nœud papillon.
– Épouses, répète-t-il, en sifflant.
– Je sais.
Elle sera ma femme. Je la présenterai comme ça.
Hanna, ma femme.
Je n’arrive pas à cesser de penser à ce mot. Femme. Ça sonne juste. Ça sonne vrai. Et ça me donne envie de lui monter dessus et de le répéter encore et encore dans son oreille, de le tatouer dans ses pensées.
Tu es ma femme, Prune.
Jensen me tire de mes pensées en me tapant sur l’épaule.
– Marié, Will.
Je lui jette un coup d’œil en répliquant avec un sourire intrigué :
– Je sais, Jensen.
– Avec ma petite sœur. (Il plisse les yeux en me désignant du doigt.) C’est bizarre, non ?
Nous avons déjà eu cette conversation une fois : en dînant, juste après avoir été surpris par Jensen dans la cuisine, Hanna étendue sur le comptoir, sa vieille robe de pom-pom girl remontée jusqu’au nombril alors que je la léchais. Heureusement, il n’a pas vu grand-chose… mais certainement assez pour deviner de quoi il était question. Dans le genre typique Hanna, elle a enfilé une paire de baskets et nous a obligés à sortir dîner chez Pho pour dissiper la gêne entre nous. Jensen a été étonnamment impassible jusqu’à ce qu’il laisse soudain tomber ses baguettes dans son bol et lance :
– Bordel. Tu vas devenir mon frère.
Nous savions tous les deux que ça arriverait un jour, mais nous n’étions pas prêts. À ce moment-là, nous avons éclaté de rire à l’unisson. Nous sommes prêts maintenant, c’est sûr.
Jensen avance vers l’une des chaises en cuir près de la fenêtre et s’assied.
– As-tu déjà imaginé ce jour ? Le jour de ton mariage, tu te prépares avec moi, elle se prépare au bout du couloir avec la meute ?
Je hausse les épaules.
– Je pensais que je trouverais la femme parfaite pour moi ou que je ne me marierais jamais. Je n’y ai jamais vraiment réfléchi. (Je m’examine dans le miroir.) Maintenant, je ne peux plus imaginer ne pas avoir rencontré Hanna, même dans un univers parallèle. Et si elle ne m’avait jamais parlé ? Et si je n’étais jamais allé courir avec elle ? (Je me tourne vers lui.) Seigneur, c’est horrible.
Il aurait pu me taquiner en m’entendant faire cette remarque très sentimentale, mais il se retient.
– Je peux t’assurer que ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête quand je lui ai conseillé de t’appeler. (Il se frotte nerveusement le front.) Mais nous y sommes. La prochaine fois que tu la verras, ce sera dans l’allée.
Je lui jette un coup d’œil. Je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’il ressent. Hanna et moi nous marions dans le même parc où Jensen a épousé son amour d’université. Et où la sœur aînée d’Hanna, Liv, a épousé son mari Rob. Malheureusement, le mariage de Jensen, après neuf ans de relation, n’a duré que quatre mois.
Jensen me tire de mes pensées avant que j’aie trouvé une réponse.
– Tu te demandes comment ça va se passer ?
– Bien sûr. Je me demande si elle trébuchera dans l’allée ou s’arrêtera à mi-chemin pour faire un câlin à quelqu’un qu’elle n’a pas vu depuis des années. Hanna m’a toujours surpris.
– Ou bien elle décidera de courir jusqu’à toi. (Il rit calmement.) Je ne me remettrai jamais de t’entendre l’appeler Hanna.
– Je n’arrive plus à l’appeler Ziggy. (Je frissonne.) Ça fait un peu pervers.
– Parce que c’est le cas. Tu avais dix-sept ans quand elle en avait dix. Quand ma petite sœur avait dix ans, tu couchais avec la mère de l’un des membres de ton groupe.
Je lui jette un regard dégoûté.
– Tu essaies de me traumatiser ?
– Ouais.
Il rit, se lève pour me taper sur l’épaule au moment où Bennett et Max tambourinent à la porte de ma chambre.
Chapitre 2
Hanna
Je recule d’un pas et me contemple dans le miroir.
– Ça fait… beaucoup de blanc, je marmonne en faisant tournoyer ma robe.
Derrière moi, Liv et ma mère ont le souffle coupé. L’émotion.
– Êtes-vous sûres que je n’aurais pas dû opter pour du bleu ? Du rouge ? Quelque chose qui laisse entendre que je baise avec ce mec tous les jours et non que je me réserve pour le mariage ?
Ma mère me réprimande d’un sourire :
– Hanna !
– Quoi ? Personne ne pourra regarder Will en smoking et croire une seule seconde que je n’ai pas… (Je m’arrête en pleine phrase en apercevant Chloé derrière moi.) Es-tu… Seigneur, Chloé. Tu… pleures ?
Chloé attrape une boîte de mouchoirs – il y en a partout dans la suite nuptiale – et en extirpe un pour essuyer délicatement ses yeux parfaitement maquillés.
– Non, lance-t-elle. J’ai une poussière dans l’œil.
Liv se fige, le fer à friser à la main, puis se retourne pour regarder derrière elle.
– Je sais que je suis nouvelle dans votre groupe, mais quelque chose me dit que ce n’est pas normal.
Je dois retenir un éclat de rire. Ma sœur chérie connaît Chloé depuis seulement six heures mais elle sait déjà que les larmes de joie ne sont pas son genre.
– Oh, mon cœur, non, acquiesce George. (Il effleure mes anglaises.) Un jour, à Times Square, nous avons vu un troupeau de bébés faons se faire écraser par un camion poubelle. Elle n’a pas versé une larme.
– Oh mon Dieu, quoi ? halète Liv, horrifiée.
– George, le sermonne Sara, de l’autre côté de la pièce.
– Ok, il s’agissait de la salle de pause et quelqu’un a écrasé deux cafards avec un énorme bouquin de finance. Mais tout de même. Contrairement à Chloé, j’ai été horrifié par la scène. Arrêtez de vous moquer de moi. Vous êtes des monstres.
– D’une : je t’ai dit que je ne pleurais pas, espèce de raclure, réplique Chloé. De deux : pourquoi suis-je en train de te parler ? Je t’ai viré ce matin, non ?
J’ajoute :
– Deux fois. Tu l’as viré de la part de Sara dans l’ascenseur ce matin quand il t’a appelée la Maîtresse des Forces du Mal devant le prêtre et une deuxième fois quand il a proposé de sucer Jensen dans le couloir.
Ma mère laisse échapper un petit hoquet de surprise.
– Tu es toujours aussi aimable, Hanna, merci, minaude George en tirant intentionnellement sur l’une de mes mèches. Et, pour ma défense, il avait l’air très tendu. Je voulais simplement l’aider, désolé d’être aussi altruiste. Je pense aussi que vous auriez dû me prévenir que le frère d’Hanna était aussi sexy parce que vraiment ? Grand, scandinave et célibataire ? Quand on y pense, c’est moi la victime.
Liv se penche et me regarde dans le miroir.
– Tes amis sont bizarres.
– Si par « bizarres » tu veux dire « géniaux », alors oui. (Je lui souris avant de jeter un coup d’œil à Chloé.) Et sérieusement : que t’arrive-t-il, Chlo ? Du liquide coule de tes yeux, je n’ai jamais observé un tel phénomène chez toi.
Chloé se tamponne les yeux et renifle.
– C’est clairement… une fuite du visage ou quelque chose comme ça. Seigneur, que m’arrive-t-il ?
– Peut-être la même chose qu’au Grinch, quand son cœur s’est mis à grossir un peu plus chaque jour. Waouh, Chloé, un cœur serait-il en train de pousser dans ta poitrine ?
– George, je vais te frapper à coups de marteau si tu continues, réplique-t-elle en lui lançant un regard noir. Même dans ce costume chic.
– Tu sais, je ne crois pas t’avoir déjà vue pleurer, ajoute Sara en se penchant pour examiner Chloé avant que cette dernière ne la repousse.
– Sache que je n’hésiterai pas à déchaîner ma colère contre toi aussi. (Elle jette le mouchoir en boule sur la table.) Ne crois pas que ta quinzième grossesse m’arrêtera.
– La quinzième ou peut-être juste la seconde, la corrige Sara en se laissant aller dans le canapé, les yeux levés au ciel. À moins que tu arrives à me convaincre que c’est la pleine lune ou quelque chose dans le genre, j’appelle Bennett. (Elle sort son téléphone et le pointe dans sa direction.) Parce que tu commences vraiment à m’inquiéter.
– Tu n’as pas intérêt à appeler Bennett. Seigneur. Je suis juste… émotive aujourd’hui.
– Eh bien, quelle que soit la raison de ta fuite soudaine, je ne suis plus nerveuse, donc tu peux craquer tranquille.
Je tends des pinces à chignon à ma sœur.
– Pourquoi diable serais-tu nerveuse ? demande Liv en prenant une pince et en la plaçant dans mes cheveux. Will t’adore, c’est évident.
– Hanna, déclare George, si un homme me regarde un jour comme Will te regarde, je le demande en mariage et je lui propose de porter ses enfants tout de suite. Au passage, ton frère veut des enfants ?
– J’ai du mal à croire que je sois d’accord avec George, mais l’obsédé sexuel a raison, renchérit Chloé. Je suis surprise que Will ne t’ait pas convaincue de t’enfuir à Vegas.
– Ma mère lui aurait coupé les couilles, explique Liv.
– Oh oui, confirme ma mère, à une distance raisonnable de George et de ses histoires de pipe.
George lève une main d’un air autoritaire.
– J’ai bien peur de devoir m’interposer. J’ai accepté de laisser Hanna épouser l’homme de mes rêves aujourd’hui, à condition qu’elle me raconte leur vie sexuelle. Nous avons besoin de ses couilles.
Je me marie aujourd’hui. Moi.
Je devrais me pincer, mais si c’est un rêve, je n’ai pas envie de me réveiller, jamais.
Je jette un coup d’œil en direction de la porte, en direction de la chambre de Will, et je ressens le même élancement dans la poitrine qu’hier soir.
– Est-ce que votre destination de ce soir est toujours une surprise ? demande Sara.
– Oui… Tu es au courant ?
Je la regarde intensément, mais elle secoue la tête.
– Oh non, répond-elle en souriant. Même si j’étais au courant, ce qui n’est pas le cas, tu ne pourrais pas me tirer les vers du nez. N’est-ce pas toi qui lui as demandé de te surprendre ?
– Oui mais… L’idée de la surprise est bien plus amusante que l’attente.
Organiser le mariage a été relativement facile, c’est la lune de miel qui a été un sujet assez épineux. Nous avions tout planifié – une semaine dans une magnifique maison du Maine, aucun vêtement pendant tout notre séjour –, avant que j’apprenne que j’avais des entretiens d’embauche dans tout le pays et que je réalise que je n’avais aucune idée de l’endroit où je voudrais travailler. Après de longues discussions et une centaine de débats, nous avons décidé de reporter notre lune de miel et de passer notre nuit de noces à Boston. Mon prochain entretien est dans deux jours, nous devrons profiter à fond de notre nuit ici… et rentrer à la maison le lendemain matin.
Tout se passera bien. Nous avançons à petits pas – entretien par entretien – et ça fonctionnera. Nouveau job, nouveau défi, nouveau mariage. J’ai juste besoin de respirer. Will et moi serons ensemble. Où et comment sont des détails auxquels une autre Hanna réfléchira plus tard.
Je suis sur le point d’épouser l’homme de mes rêves. Tout le reste finira bien par s’éclaircir.
~
Un mariage.
Une mariée bavarde et empotée. Un marié souriant aux anges, les yeux brillants.
Deux alliances de platine en place.
Beaucoup d’amis ivres.
Et nous sommes mariés.
Comme je l’imaginais, le mariage et la réception se sont déroulés dans un brouillard. Après les « je le veux », nous avons déambulé dans le parc surplombé par des arbres immenses, décorés de guirlandes de lumières, au son des hourras de nos familles et nos amis. J’ai tellement souri que j’en ai mal aux joues. Je resserre la pression sur la main de Will, certain qu’il est la seule chose qui m’ancre sur Terre et que sans sa main puissante, je me serais envolée, j’aurais disparu dans la nuit comme un ballon.
Je suis heureuse d’avoir écouté les gens qui me disaient que dans vingt ans, je ne me souviendrais que de lui. Parce que c’est vrai : depuis que j’ai descendu l’allée, il ne m’a pas quittée des yeux si ce n’est quand il me serrait contre lui, et ses mains prenaient le relais par des caresses rassurantes. La réception tout entière ressemblait à des préliminaires. Au moment où j’ai jeté le bouquet, je n’en pouvais plus d’attendre d’être seule avec lui.
C’est seulement dans le taxi, en route vers sa surprise, que nous pouvons enfin respirer.
Je lance avec un sourire éclatant :
– Je n’arrive pas à croire que j’aie survécu à cette journée sans avoir tout foutu en l’air.
– La journée n’est pas finie, me taquine Will avant de me donner une petite tape sur le bras. C’était une plaisanterie. (Il m’attrape le menton et m’oblige à tourner la tête vers lui.) Ne t’ai-je pas dit que tout serait parfait ? Que tu serais parfaite ?
– Si. (Je me laisse aller contre lui.) Et je t’aime tellement, tu es le seul à pouvoir me calmer.
– Nous sommes là l’un pour l’autre, c’est normal.
Il m’embrasse sur les lèvres, comme pour me le rappeler, et nous nous embrassons avec de plus en plus de passion, jusqu’à ce que le chauffeur s’éclaircisse la voix sur le siège avant. Je m’écarte en riant. Je ne compte pas me laisser aller à l’arrière d’une voiture, j’ai toute la nuit devant moi. Je projette d’en savourer chaque instant.
– Je crois que Jensen a bu beaucoup de champagne.
Mon frère aîné se donne des airs de frère responsable, mais après tout, adolescent, il a joué dans le groupe de Will. Je suis à peu près sûre que le Jensen adulte n’est pas aussi innocent qu’il le laisse entendre.
– Je l’ai vu parler à la rousse qui travaille dans ton labo, ajoute Will en acquiesçant. Je pense qu’il ne rentrera pas seul ce soir. (Il m’embrasse sur la joue, avant de déposer un baiser dans mon cou.) Je ne serai peut-être pas le seul à passer une nuit agréable.
Je grimace.
– Je vais faire comme si tu ne venais pas de sous-entendre que mon frère a une vie sexuelle. (Même si je brûle de désir pour lui, je me retiens de le caresser. Will rit dans mon cou, son souffle brûlant me donne des frissons.) Nous savons tous les deux que mon frère ne baise pas parce que c’est dégoûtant. (J’essaie de me retenir de bafouiller, peine perdue.) Tant que tu y es, tu pourrais me faire remarquer à quel point mon père avait les mains baladeuses avec ma mère ce soir.
Will s’écarte un peu et me dévisage, l’air amusé :
– Et toi ? Combien de coupes de champagne as-tu bues ce soir ? demande-t-il, une main sur ma taille. Tu ne t’es pas endormie dans un coin, donc je pense que tu as été raisonnable.
– Liv m’a empêchée de boire après la première coupe. Elle m’a dit que ce serait son cadeau pour toi et que tu pourrais la remercier à Noël.
Will éclate de rire et nous nous tournons tous les deux vers la vitre. La voiture ralentit puis s’arrête. Il m’adresse un sourire radieux :
– Tu es prête ?
Je me demande si ces deux mots ont un jour eu une signification aussi forte.
Suis-je prête ? Jamais de la vie. Je suis tout juste capable de gérer Will Sumner au quotidien, alors dans une chambre d’hôtel, dans un smoking, pendant notre nuit de noces, avec ce regard…
Il me contemple comme s’il était sur le point de me dévorer.
Je n’ai aucune chance.
La portière s’ouvre et Will en sort, en m’offrant sa main. Je le suis et me trouve en plein Rowes Wharf, le quartier du port de Boston.
– Bravo, je lui dis en regardant les bateaux avancer dans le port et les gratte-ciel illuminés devant nous. Tu as réussi à garder le secret, petit coquin.
Il sourit.
– Tout à fait. Tu m’as dit de te surprendre.
– Comment as-tu… ?
Je secoue la tête. Une vague de nostalgie me submerge, j’en perds mes mots. Quand j’étais petite, je suis allée au Boston Harbor Hotel et, depuis, j’ai toujours eu envie d’y retourner, mais comment l’a-t-il su ?
– Ma mère t’a aidée ? Elle t’a parlé de cet endroit ?
– Eh bien, les filles m’ont un peu aidé à organiser la soirée, mais ta mère ne m’a rien dit. C’était toi.
Il pose une main sur mes reins et avance vers la porte d’entrée.
– Je te raconte approximativement trois cents anecdotes par jour. Je ne sais pas comment tu fais pour en retenir même le centième.
Nos sacs ont été envoyés un peu plus tôt dans la journée, une fois que nous avons récupéré nos clés, nous nous dirigeons directement vers les ascenseurs.
Will appuie sur le bouton et m’embrasse sur la joue.
– Ton père t’a emmenée ici pour prendre le thé quand tu avais huit ans et ta mère t’a forcée à porter une robe affreuse et des collants – je vais essayer de restituer le style inimitable d’Hanna – qui ont grattouillé tes parties intimes ? Je paraphrase peut-être, bien sûr.
– Peut-être. (Je souris en y repensant.) Je détestais cette robe. Elle appartenait à Liv, je te l’avais précisé ? (Il acquiesce, mon ventre se réchauffe.) Il y avait des pétales de rose sur les nappes.
– Roses, si je me souviens bien.
J’acquiesce en plongeant mon regard dans le sien avant de regarder sa bouche parfaite. J’ai envie de l’embrasser, de le goûter, de m’allonger sur le lit géant et de me laisser dévorer. Nous avons fait l’amour hier soir, mais ça fait déjà trop longtemps.
– J’ai l’impression d’avoir à peine eu l’occasion de te parler aujourd’hui. C’est bizarre, non ? Il s’agit de notre mariage, et c’est comme si on avait passé la journée séparés.
– J’ai eu la même impression. Entre les invités et les photos, ta famille, ma famille et les mecs qui m’ont volé des danses, j’ai à peine pu profiter de mon Hanna. J’ai passé toute la soirée à te regarder.
Je l’attire contre moi pour l’embrasser et sens tout son corps vibrer.
– Tu as envie de profiter de moi maintenant ? J’aimerais te prouver à quel point j’aime ta surprise.
– Comment refuser une telle proposition ?
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent, nous entrons en nous serrant sur le côté pour faire de la place aux autres qui nous sourient et marmonnent leurs félicitations.
Chaque fois que je me rappelle que Will est mon mari maintenant, de petites bombes éclatent dans ma poitrine.
Je blottis mon visage dans son torse, inspirant son odeur. Il sent tellement bon, la fragrance d’orchidées de la réception est restée sur lui. Je suis étourdie. Toute forme d’angoisse disparaît, il ne reste plus que le désir pur qui court dans mes veines.
Je regarde autour de moi pour vérifier que personne ne nous écoute avant de me hisser sur la pointe des pieds et de lui murmurer à l’oreille :
– Je sais que nous rentrons tôt demain matin. (J’appréhende déjà l’alarme qui retentira à huit heures du matin pour nous permettre d’atteindre l’aéroport à temps.) Donc nous devons profiter au maximum. Lit, sol, canapé… je veux que tu me prennes partout. (Je me tais avant d’ajouter encore plus doucement.) Et je veux que tu me pénètres partout.
Will se redresse et halète en regardant tout autour.
– Seigneur, Hanna.
– Quoi ? Je chuchote.
Will se retient de rire.
– Tu t’es déjà entendue chuchoter ? On dirait que tu fais semblant de chuchoter et que ton objectif est que tout le monde soit au courant.
Je secoue la tête.
– Impossible. Je suis un Ninja.
Will éclate de rire, les portes s’ouvrent au deuxième et tout le monde se décale pour laisser passer un couple. J’ai beau refuser de l’admettre, si les regards des gens sont une indication fiable, Will a peut-être mis le doigt sur quelque chose.
L’ascenseur se remet en marche. Will se penche et colle sa bouche à mon oreille.
– Je ne te dis pas ça parce que j’ai un problème avec ton plan, Prune. Je peux te l’assurer.
Un frisson m’étreint. Il savait pertinemment l’effet que me feraient ses paroles.
– Nous disposons de huit heures avant que l’alarme ne se déclenche. Je n’ai pas envie de perdre la moindre seconde.
– J’aime l’idée.
J’acquiesce.
– J’ai fait une liste pour m’assurer de ne rien oublier.
– Tu as fait une liste ?
Je le dévisage en clignant des yeux.
– Pas toi ?
– Hanna, dit-il en riant. Tu es merveilleuse.
Un tintement nous apprend que nous sommes arrivés à notre étage, et les portes s’ouvrent. J’ai à peine le temps d’avancer d’un pas qu’il me soulève dans ses bras et rit en m’entendant laisser échapper un cri de surprise.
– Tu me portes maintenant ? (Je passe les bras autour de son cou.) Je pourrais m’y habituer.
– Bien sûr. Nous venons de nous marier.
J’entends ses pas assourdis par le tapis épais, mais je suis incapable de le quitter des yeux.
– Les mecs ont-ils toujours l’air aussi arrogants quand ils portent leur jeune épouse dans leurs bras ?
Je suis fascinée par sa bouche, ses cils, ses cheveux sous mes doigts.
– Ou en te prenant partout ? taquine-t-il. Prune, j’ai obtenu tout ce que j’ai toujours voulu – pourquoi n’aurais-je pas le droit d’être arrogant ?
– C’était mignon. Tu vas être impossible à vivre, je le sens.
Will s’arrête devant une porte, il parvient à glisser la carte dans le lecteur et tourne la poignée, ouvrant grand la porte.
– Eh bien, Madame Sumner-Bergstrom, j’imagine que c’est une bonne chose que nous soyons mariés maintenant, parce que tu es coincée avec moi.
Il m’embrasse rapidement sur la bouche comme pour marquer le moment et passe le seuil en me tenant toujours dans ses bras.
Ça me frappe à nouveau : nous sommes mariés. Will est mon mari – mon mari – et je suis à peu près sûre que je ne me lasserai jamais d’entendre ces mots.
Aujourd’hui, je me suis répété que c’était un jour comme les autres, dont je ne me souviendrai pas pour toujours dans tous ses détails. Mais ce n’est pas l’essentiel. J’ai déjà du mal à me remémorer les fleurs, le plan de table de la réception, ce que nous avons mangé, le déroulement même de la cérémonie. En revanche, je me souviens de l’expression de Will quand je l’ai vu à l’autre bout de l’allée, qui m’attendait. Je me souviens du bonheur peint sur son visage quand j’avançais vers lui. J’ai tout oublié – ma robe, mes seins, être devant tous ces gens – quand je me suis plongée dans son regard. J’aurais couru nue dans l’allée s’il me l’avait demandé. Sa voix a tremblé quand il a prononcé ses vœux, et je n’oublierai jamais les larmes dans ses yeux quand il a dit : « Je le veux. »
– Je suis prête à baiser maintenant.
Je ne suis pas sûre d’être capable d’attendre une minute de plus.
Will me sourit et secoue la tête, avançant vers la chambre de la suite nuptiale.
– La vie ne sera jamais ennuyeuse avec toi, Prune.
Je suis sûre que notre chambre est magnifique – moquette épaisse, grandes fenêtres, meubles élégants, tout comme le reste de l’hôtel – mais je ne regarde rien, je suis incapable de décoller mes lèvres de son cou depuis qu’il m’a allongée sur le lit. Ma robe se froisse entre nous.
Will se penche pour allumer la lampe de cristal à côté du lit puis revient sur moi.
– Je t’aime.
– Je t’aime aussi.
Je suis prête pour ma nuit de noces… mais il ne bouge pas.
J’attends, en regardant sur le côté avant de planter mon regard dans le sien.
– Tout va bien ?
– Tout est parfait, putain.
Quelques minutes s’écoulent. Je remarque son sourire tendre, son regard sur mon visage, sur ma bouche.
– Alors… tu fais quoi ?
– Je te regarde. Je regarde ma femme.
– C’est mignon, mais ce n’est pas très excitant.
Will rit et secoue la tête.
– Nous sommes mariés, Hanna.
Il semble s’en émerveiller, lui aussi…
– Ah tiens, je me demandais ce que tu faisais en smoking. (J’enroule sa cravate autour de mon poignet et l’attire contre moi.) À moins que tu ne sois du genre à te mettre sur ton trente et un tous les jours. Mais il y a aussi cette alliance à ton doigt…
– J’ai envie d’être tendre avec toi, dit-il en me caressant l’épaule puis la poitrine. (Le poids de sa main, la pression de ses doigts me prouvent l’intensité de son désir, malgré la douceur de sa voix.) J’ai l’impression que je devrais être tendre ce soir.
La lumière tamisée dessine des ombres sur son visage, je tire sur sa cravate, jusqu’à ce que sa bouche arrive au niveau de la mienne.
– Tu es toujours tendre avec moi, Will. Tu me donnes l’impression d’être aimée, respectée, chérie chaque jour. J’adore ça chez toi.
Son sourire s’élargit, j’entends à sa voix qu’il est amusé :
– Je sens qu’il y a un « mais » quelque part, Prune.
– Mais… tu pourras être tendre la deuxième fois.
C’est tout ce qu’il avait besoin d’entendre.
Regarder Will se laisser aller, c’est comme regarder une mèche s’enflammer. Il me serre contre lui. La chaleur de son corps irradie le mien, je grogne en l’aidant à enlever sa veste.
Je marmonne entre les baisers, le goût de sa langue et les petites morsures :
– Vêtements. Déshabille-toi.
Je tire sur sa chemise, mes doigts hésitent sur les boutons et sa cravate, à la recherche de sa peau.
Will acquiesce, m’aide à le libérer de sa chemise avant de me faire asseoir pour ouvrir ma robe et la retirer. Je voudrais lui dire de faire attention, lui rappeler le nombre d’heures pendant lesquelles j’ai dû supporter ma mère dans les boutiques de robes de mariée, lui dire que le tissu est délicat et qu’il risque de se déchirer. Mais je me fiche pas mal de cette robe. Je me sens soudain frénétique, comme quand je travaille trop et que je sens que mes muscles pourraient éclater si je ne sortais pas pour courir, si je ne bougeais pas.
En combinant nos efforts, Will finit par réussir à m’extirper du carcan de soie blanche. Je me mets à genoux, cherche sa peau des lèvres et tente de l’attirer contre moi de mes mains avides. Je murmure en l’embrassant :
– Je t’aime si fort. Aujourd’hui, tout a été tellement parfait, et ça… ce soir… tout. Toi.
Il sourit contre ma bouche, notre baiser est presque maladroit, nos dents s’entrechoquent, nos murmures se mêlent. Nous sommes heureux d’en être arrivés là, tous les deux.
– J’attends ce moment depuis si longtemps, tu n’as pas idée…
Il prend mon visage entre ses mains.
– Depuis la nuit où tu es venu chez moi ?
Il secoue la tête.
– Plus tôt encore. Peut-être depuis le jour où nous sommes allés courir ensemble. Tu portais le sweat de ton frère et…
– Et mon affreux soutien-gorge ? (Je ris.) C’est tellement drôle, tu as dû demander à Chloé de m’emmener faire du shopping. Ça devait être mortifiant.
– Tu devais tenir tes seins en courant, ça me rendait triste pour eux. J’aurais voulu te proposer de les maintenir pour toi – leur offrir mon soutien –, leur présenter mes excuses pour le traitement que tu leur réservais.
Il fait glisser un doigt sur mon téton.
– Seigneur, j’aurais perdu la tête.
Mes gloussements deviennent un gémissement quand il accentue la pression. Il m’embrasse aux deux coins de la bouche avant de laisser vagabonder ses lèvres dans mon cou.
Ses lèvres embrassent mes épaules… soudain, il jure en voyant ce que je porte. Il effleure la dentelle délicate qui couvre à peine ma poitrine. Je lance, sans autre explication :
– Chloé.
Il déglutit et s’essuie le front avant de prendre une grande inspiration, les yeux fixés sur mes seins mis en valeur par l’étoffe délicate.
– Rappelle-moi cet instant quand ce sera son anniversaire.
– C’est déjà noté dans mon agenda.
– Parfait.
Il me plaque contre le lit. J’écarte les jambes, il s’agenouille entre mes cuisses, je distingue sa silhouette et les grandes fenêtres derrière lui. Je le contemple, frappée par la différence de taille entre nous, ses larges épaules, son dos musclé qui font écran aux lumières de la ville qui scintillent au loin.
J’effleure la bosse sur son pantalon et serre sa queue, fort, juste comme il aime.
Il grogne, baisse la tête, me lèche dans le cou. Le plafond se brouille, je ferme les yeux, perdue dans la sensation de sa bouche, de ses dents, le frottement de sa barbe, la pression de ses doigts en moi.
Je halète, me cambre dans le lit et plante les ongles dans ses épaules, dans son dos, fort mais pas trop. Je ne suis pas sûre qu’il y soit prêt. Will aime que je lui fasse mal parfois, il me le demande. C’est ce qui le fait jouir quand il est si près de l’orgasme qu’il n’arrive pas à reprendre son souffle, réfléchir ou même me murmurer ce qu’il veut. Il sait juste qu’il en veut plus.
Will doit lire la question dans mes yeux, il avale sa salive et reprend son souffle.
– Fais-moi mal.
Je tire sur ses cheveux avec désespoir, sans le prévenir, il sursaute de surprise.
Je le fais rouler sur le dos, lui grimpe dessus. Dans la lumière pâle, je distingue la surprise sur son visage. Il se mordille les lèvres et me regarde dégrafer mon soutien-gorge.
L’air frais effleure mes seins, mes tétons durcissent. Will enlève son pantalon et descend ma culotte sur mes cuisses. Sa peau est chaude sous moi, je sens ses cuisses fermes, couvertes de poils doux. Sa queue en érection est plaquée contre son ventre.
Je me redresse et le place là où je le veux, en me frottant contre lui, en le titillant.
Je demande :
– C’est ce que tu veux ?
Il acquiesce, les mains crispées sur mes hanches, les doigts enfoncés dans mes fesses. je descends
lentement
lentement
jusqu’à ce qu’il soit enfoncé en moi.
Will grogne, impuissant, se débat sous moi pour me prendre plus fort. Il saisit mes seins, les serre, avant de se redresser pour prendre un téton dans sa bouche.
– Will.
Il gémit, suce plus fort jusqu’à se laisser aller, il dessine des cercles avec la langue autour de la pointe de l’un de mes seins. Je le sens très profondément enfoncé en moi, je n’arrive pas à penser à autre chose. Son ventre couvert de sueur, ses cuisses musclées contre mes fesses. Ses mains sur moi qui m’agrippent, me soulèvent, pour me faire bouger plus vite.
Avec un grognement, il me retourne, me remet sur le dos. Ses cheveux tombent sur son front. Il regarde sa queue aller et venir en moi, encore et encore. Plus fort. Plus vite.
– Putain, Prune, dit-il en m’embrassant jusqu’à en perdre le souffle.
D’une main, il soulève l’une de mes jambes et l’appuie contre ma poitrine.
– Bordel, putain, répète-t-il en me prenant plus fort, si fort que je vois des étoiles.
Je m’agrippe à la tête de lit. J’ai besoin de m’accrocher à quelque chose. Chaque à-coup m’enfonce davantage dans le matelas et fait monter l’excitation, la tension dans mon ventre – la friction et la chaleur entre mes jambes – jusqu’à devenir impossibles à ignorer. Je soupire :
– Will…
Je halète contre sa bouche ouverte. Je suis sur le point de jouir, j’ai envie de jouir avec lui, de le sentir jouir en moi et puis encore et encore, sur mes seins, sur mon ventre, dans ma bouche.
Will s’appuie sur le matelas, pèse sur ma jambe, il ne m’en faut pas davantage. La chaleur explose entre mes jambes et ricoche dans tout mon corps, de mes cheveux à mes orteils. Je jouis si fort que je suis incapable de crier ou même de prononcer son prénom. Il me pénètre une dernière fois, si fort que ma respiration se coupe. Tout son corps se tend et, soudain, il s’abandonne.
Will retombe en arrière et m’attire contre lui, en m’enlaçant sur le côté.
– Bordel.
Je cligne des yeux en direction du plafond, en attendant que ma respiration revienne à la normale. Mes membres sont en coton, mon corps en sueur refroidit à toute allure. Je jette un coup d’œil à Will avant d’attraper le réveil sur la table de nuit. Encore six heures et vingt-deux minutes. Pas mal.
Je m’assieds, remplis deux verres d’eau, vide le mien d’un trait et monte sur les genoux de Will.
Il contemple mon corps nu avant de prendre le verre d’eau. Je le regarde boire, émerveillée par le mouvement de sa gorge, son torse nu, ses cheveux emmêlés. Ce corps m’appartient. Une fois qu’il l’a terminé, je repose le verre vide et pousse Will dans les coussins.
– Maintenant, dis-je en levant un sourcil. À propos de cette liste…
À SUIVRE ….