Deuxième saison

PARTIE II

 

Pendant

 

1

Toute sa vie, il s’était construit une solitude qui l’empêchait de souffrir.

Mais la fille prenait chaque jour un peu plus de place, trop de place. Elle connaissait maintenant une partie de la vérité sur son père, la part positive d’une vie en deux actes. La part sombre, il était le seul à la connaître et ne voulait pas la partager. Il ne voulait pas l’entraîner dans le chaos de son enfance, dont elle aurait forcément envie de l’aider à sortir. Sans l’ombre d’un doute.

Cela lui faisait mal d’avoir à choisir entre la douleur qu’il lui causerait en gagnant le pari et celle qu’elle provoquerait en démêlant les nœuds de son passé.

Il avait décidé de partir.

. .

Je viens à peine d’arriver dans ma chambre quand je reçois un texto de Molly :

Zed est avec miss barbie vierge dans la chambre. Ramène tes fesses, tombeur.

En écrivant ma réponse, je me demande pourquoi c’est Molly justement qui me vient en aide…

Quoi ? Comment tu sais ?

Putain, serait-elle de mon côté ?

Je ne suis pas une balance.

Je peux presque entendre son ton moqueur traverser l’écran. J’enfile mes boots noirs, l’intérieur en est si usé, mais j’attends de les ruiner complètement avant d’en changer. Je les ai depuis des années et n’ai jamais rien trouvé d’aussi confortable.

Je sens que j’ai obtenu de Molly tout ce que je pouvais savoir, donc avant de mettre un pied dehors, j’envoie un texto à Steph :

Tessa est avec Zed ?

Sa réponse est immédiate : *Nan pas ici *

Je sais qu’elle ment. J’écrase le pied contre la pédale d’accélérateur. Putain, je ne peux pas laisser faire Zed.

. .

Quand j’ouvre la porte, Tessa est sur le lit de Steph avec Zed. Son lit à elle est inoccupé. Un petit lit, avec Zed. Steph et Tristan sont là aussi. Tessa est juste assise, rien de plus, mais quand même.

Elle est avec Zed. Sur un lit. Sur un lit avec Zed.

Ça sonne comme la pire des rimes du Dr. Seuss1.

Ça me rend complètement fou.

– Hé mec, tu pourrais frapper une fois de temps en temps.

Steph joue la débile. Elle savait très bien que je déboulerais ici. Elle voulait que je le sache – c’est pour ça qu’elle l’a dit à Molly, j’en suis sûr. Je suis juste étonné que Molly m’en ait parlé. Steph me regarde et se met à rire.

– J’aurais pu être à poil !

Aurait pu ? A été, ses yeux malicieux me le font comprendre. Ouais, je l’ai vue complètement nue. Et je sais que ses seins sont moitié plus petits que l’effet produit par ses soutiens-gorge rembourrés. Mais bon, elle a quand même l’un des plus beaux culs que j’ai jamais tenus entre mes mains…

J’avance dans la chambre et balance :

– Ça n’aurait pas été une découverte.

Tessa et Tristan tirent tous les deux une tête de dix pieds de long.

– Oh ! Tais-toi.

Steph rigole. Elle adore avoir l’attention qu’elle recherche en permanence.

– Vous faites quelque chose, les gars ?

Je m’assieds sur le lit de Tessa, en face d’eux. Au moins, Zed n’est pas sur son lit. Je suppose que c’est une sorte de soulagement… d’une certaine manière.

À l’autre bout de la pièce, Zed affiche un grand sourire. Bordel de merde, pourquoi sourit-il ?

– On voulait aller au ciné. Tessa, tu viens ?

Tessa me regarde d’abord, puis tourne la tête vers lui. Elle semble nerveuse. Elle est sur le point de dire oui ! Avant qu’il ne soit trop tard, j’interviens :

– En fait, Tessa et moi avions des projets.

Je fixe Zed en signe d’avertissement. Il cligne lentement des yeux comme pour me défier. Tristan ne dit pas un mot. Il ne veut pas se mêler de nos histoires. C’est un mec bien en fait. Sauf qu’il sort avec une vraie garce.

– Quoi ? s’exclament Steph et Zed, à l’unisson.

– Ouais, je suis venu la chercher.

Mais Tessa ne bouge pas d’un poil. Elle reste assise.

– T’es prête ou quoi ?

Elle semble en plein conflit, comme si elle luttait avec elle-même.

Alors que je m’apprête à me déplacer pour la convaincre, elle secoue la tête et se lève du lit.

– Bon, ben, à plus tard les gars !

Ma voix est trop forte et je pousse Tessa dehors si vite qu’on dirait que je suis sous coke ou un truc dans le genre.

Dehors, Tessa me suit en faisant de petits pas rapides pour me rattraper. Ses jambes sont plutôt grandes et ses cuisses un peu épaisses. J’imagine les tenir entre mes mains pendant que je la prends, penchée sur le capot de ma voiture. J’essaie de ne pas penser à ça quand elle se trouve si près de moi. Mon membre est douloureux, il me supplie d’imaginer la douceur de sa peau et comme j’aimerais juste la serrer contre moi…

J’interromps le cours de mes pensées quand je comprends que nous sommes arrivés à ma voiture. Je lui ouvre la portière du côté passager. Mais pour une raison qui m’échappe, je vois qu’elle ne bouge pas. Au lieu de ça, elle reste là, les bras croisés, ce qui met ses seins en valeur.

Elle cherche sûrement à me montrer qu’elle est en colère, mais là tout de suite, elle est juste hyper-sexy. Je la regarde d’un air sarcastique :

– D’accord, je me souviendrai de ne plus jamais t’ouvrir la portière à l’avenir…

Elle secoue la tête, et je sens qu’elle va exploser.

– C’était quoi, ça ? Je sais pertinemment que tu n’es pas venu me chercher, tu venais à peine de me dire que tu ne voulais pas sortir avec moi !

Elle hurle à présent. Je jette un œil, le parking est loin d’être désert. Elle ne semble pas remarquer les gens autour de nous. Tessa n’a pourtant pas l’air d’être le genre de fille qui se donne en spectacle, même si c’est la deuxième fois que nous nous engueulons en public.

Elle me rend complètement dingue.

– Si, je suis venu pour ça. Maintenant, monte dans la voiture.

Je fais un signe pour lui indiquer de grimper à l’intérieur, que j’ai entièrement nettoyé – elle ferait mieux de monter. Mais elle me lance, sur un ton de défi :

– Non ! Si tu refuses de reconnaître que tu n’es pas venu pour me voir, je rentre immédiatement et je vais au ciné avec Zed !

C’est quoi son problème ? Elle dit que je suis grossier, et voilà comment elle me traite ? Hypocrite et hargneuse, voilà ce qu’elle est.

Putain, mais je réponds quoi à ça ?

Devrais-je lui dire que Molly m’a prévenu ? Bordel, non – Pinkie ne me balancera plus jamais aucune info. Et pourquoi Tessa me menacerait-elle de sortir avec Zed ? Serait-elle au courant du pari ? Est-elle dans le coup avec Steph ?

Je ne sais pratiquement rien d’elle, et là je lui trouve un petit air absent. Je parie que Steph lui a parlé.

– Reconnais-le, Hardin, ou je m’en vais.

Je n’arrive pas à discerner si elle se joue de moi ou pas. Elle semble véritablement contrariée, ses narines se dilatent – c’est plutôt comique. Je vais mettre ça sur le compte de son ego blessé.

– Ok, d’accord. Je l’admets. Maintenant, monte dans cette fichue voiture. Je ne vais pas te supplier.

Je veux remporter le pari, mais c’est en train de devenir vraiment compliqué. Et je n’ai pas l’intention de m’investir davantage si c’est pour que ce soit mon pote qui remporte la victoire. Je monte du côté conducteur tout en laissant la porte de son côté ouverte, si elle veut monter.

Sans surprise, elle s’exécute.

Quand je sors du parking, je suis hyper-énervé. J’avais annulé ce rencard – j’étais prêt à partir – et pourtant, voilà, je me retrouve avec elle maintenant. Ma tête est sur le point d’exploser et mon esprit bouillonne de confusion. D’un côté, j’ai envie de hurler et de baisser toutes les vitres pour évacuer les cris qui m’étouffent, mais de l’autre, je sens une forme d’apaisement monter en moi, lentement, un apaisement empreint de sérénité. Je mets la musique pour arrêter de gamberger. Ça marche d’habitude : des mecs chantant, ou plutôt hurlant des paroles sur la mort et leur dépression à coups de couplets répétitifs – avec des solos de batterie tonitruants qui accentuent la rage.

Tessa, qui ne semble pas apprécier Slipknot2, tend le bras pour l’éteindre. Elle a du cran, putain !

– Ne touche pas à ma radio.

– Si tu dois te montrer aussi désagréable, je ne vais pas me balader avec toi.

Tessa me menace. Elle s’enfonce dans le siège en cuir pour rendre la situation encore plus dramatique.

– Ok, mais ne touche pas à ma radio.

J’ai du mal à respirer, et ma panique se noie dans le bruit. Quand je tourne la tête vers elle, je la vois fixer la radio, les yeux pleins de rage. Cette vision atténue instantanément ma mauvaise humeur et me donne envie d’éclater de rire, même si ce n’est sûrement pas le meilleur moment pour faire ça.

– Qu’est-ce que tu en as à faire que j’aille au ciné avec Zed, d’abord ? Steph et Tristan y allaient, eux aussi.

Tessa relève le menton pour souligner sa remarque.

Oh, comme une soirée entre couples ? Nan, mais c’est quoi ça ?

– Je ne pense pas que Zed ait de bonnes intentions.

Comme je ne sais pas quoi ajouter d’autre, je fixe la route.

Après quelques secondes d’un silence pesant, Tessa se met à rigoler. Qu’est-ce qui cloche chez elle ?

– Oh, parce que toi, oui ? Zed est gentil avec moi, lui au moins.

Elle ne s’arrête plus de rire. Zed est gentil avec elle ? Gentil ?

Il a parié qu’il pourrait te dépuceler, chérie, mais ce n’est pas une chose à lui dire.

Sans doute parce que moi aussi.

Je ne dis plus un mot, Tessa reste sur ses gardes. Puis elle crie par-dessus la musique :

– Pourrais-tu baisser, s’il te plaît ?

Je fais un signe de la tête et me dis que cela la mettra sans doute de meilleure humeur.

– C’est vraiment horrible cette musique.

Je savais qu’elle n’aimerait pas ; il suffit de la regarder pour savoir qu’elle écoute un certain genre de musique. Totalement opposé au mien.

Mes doigts pianotent sur le volant et je remarque que Tessa fait la même chose distraitement sur ses cuisses.

– Pas du tout. Mais ça m’intéresserait de savoir ce que tu considères comme de la bonne musique.

Je souris en pensant à sa playlist d’adolescente : ’N Sync, Jessica Simpson et, sans aucun doute, des morceaux de cette épouvantable fille du groupe Mother England. Ça doit être à peu près tout.

Elle réfléchit à la question quelques secondes.

– Eh bien, j’aime Bon Iver, et aussi The Fray.

– Ça ne m’étonne pas de toi.

Un groupe catho et l’autre hipster à mort. Rien de bien surprenant et pas assez puissant pour moi.

– Qu’est-ce que tu leur reproches ? Ils ont un talent fou et leur musique est formidable.

Elle a l’air complètement passionnée. Quand mes yeux croisent les siens, elle détourne la tête et regarde par la fenêtre.

– Ouais… ils ont un talent. Un super-talent pour endormir les gens.

Tessa me donne gentiment une tape sur l’épaule. C’est une chose étrange que les couples font tout le temps, mais personne ne me l’avait jamais fait à moi.

– De toute façon, c’est comme ça, je les adore.

Elle sourit fièrement. Elle semble passer un bon moment.

– Où va-t-on ?

– Dans un de mes endroits préférés.

Je ne lui donne pas de réponse précise. Elle est bien trop curieuse mais, comme je m’y attendais, elle insiste. Elle est trop obsessionnelle pour s’en empêcher.

– Et c’est où ?

– Tu veux toujours tout savoir à l’avance, hein ?

J’essaie de renverser la situation.

– Ouais… j’aime bien…

– Tout contrôler ?

Elle garde le silence.

Je décide de laisser tomber pour le moment. Je ne veux pas lui mettre la pression.

– Je te le dirai une fois que nous y serons… c’est-à- dire dans cinq minutes tout au plus.

Alors que nous continuons de rouler, Tessa regarde autour d’elle, désorientée. Je vois qu’elle lutte pour contenir ses questions. Elle essaie de se détendre, et ça me facilite les choses. Puis je la vois fixer quelque chose sur la banquette arrière.

– Il y a quelque chose qui te fait envie derrière ?

Je la taquine, et elle secoue la tête. Une mèche de ses longs cheveux tombe sur son épaule, mais elle la repousse. Ses cheveux ont l’air si doux. Je me demande si c’est une blonde naturelle. Je repense à sa mère et suis certain que oui.

– Qu’est-ce que c’est comme voiture ?

Elle fixe ses chaussures.

– Une Ford Capri, c’est une voiture ancienne.

J’aime ma voiture plus que moi-même, et je suis hyper-fier de l’avoir. Tessa engage doucement la conversation tandis que je lui parle des détails techniques de ma voiture et de sa conduite silencieuse. Elle sourit en hochant la tête. Même si je ne suis pas sûr qu’elle comprenne tout ce que je dis, c’est particulièrement agréable de parler à quelqu’un de normal, pour une fois.

Quelques minutes plus tard, je tourne la tête vers elle et la surprends en train de m’observer. Je sens une pression monter derrière ma nuque et ramper le long de ma colonne vertébrale.

Trop proche. Elle devient trop proche. C’est un jeu, Hardin. Traite-la comme un pion.

Je déteste qu’on me dévisage.

J’essaie de garder un visage neutre.

Elle est si curieuse, et je suis en train de me rendre compte que j’aime ça plus que je ne le voudrais.

 

2

J’emprunte un dernier chemin sinueux et arrête la voiture au bout d’un sentier gravillonné, surplombé de grands arbres. J’adore cet endroit ; personne ne vient jamais ici, et c’est parfait comme ça. Surtout par une belle journée comme aujourd’hui. Il est si rare qu’il ne pleuve pas dans la Péninsule Olympique. Le ciel maussade est l’une de ces choses auxquelles j’étais habitué, ayant grandi à Hampstead ; le soleil se montre rarement pendant la saison automnale.

Tessa observe les alentours, puis fronce les sourcils.

– Ne t’inquiète pas, je ne t’ai pas amenée ici pour te tuer !

J’essaie de lui arracher un sourire ; nous sortons de la voiture.

Elle pose son regard sur le champ de fleurs sauvages jaunes. Ses épaules se détendent un peu. À quoi pense-t-elle ?

– Qu’est-ce qu’on est venus faire ici ?

– Premièrement, un peu de marche.

Tessa soupire en me suivant sur le chemin poussiéreux, autrefois un sentier herbacé. Elle a déjà l’air renfrogné. À quoi est-ce que je m’attendais ?

– Pas trop de marche.

Elle n’a pas confiance en moi et semble être de mauvais poil aujourd’hui. Va savoir. Quand ne l’est-elle pas ? Mon attention se porte sur les nuages de poussière que forment mes boots en frappant le chemin sec et poussiéreux. Les pas de Tessa sont silencieux. Elle est d’une lenteur incroyable.

– Bien, si on se dépêche, on pourra peut-être arriver avant le coucher du soleil.

Je la taquine alors que nous atteignons un arbre autour duquel est attaché un vélo abandonné, signe que nous avons déjà parcouru la moitié du chemin. Il reste donc environ deux kilomètres. Pas si mal. Tessa ralentit encore, mais quand nous atteignons la rivière, son visage affiche une expression radieuse. Elle reste sans voix, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés. Comme si ce simple ruisseau au milieu des bois était magique.

Aime-t-elle seulement nager ? J’aurais sûrement dû lui poser la question.

Je reste silencieux et la laisse prendre ses marques avant de lui demander quoi que ce soit. Maintenant que nous sommes seuls tous les deux, je n’arrive pas à penser à un quelconque foutu sujet de conversation. Peut-être devrais-je juste aller dans l’eau ? Tessa n’a pas bougé d’un poil. Elle donne des petits coups dans la poussière avec sa chaussure pour éviter de me regarder.

Putain, quelle situation gênante de merde ! Je vais me baigner.

Quand j’ôte mon t-shirt, je discerne un inévitable petit gémissement dans la bouche de Tessa. Elle ne parle pas beaucoup, mais chacun de ses états d’âme s’accompagne d’un son particulier. Un soupir quand elle sourit, un râle quand elle est en colère et un gémissement quand elle est excitée.

– Pourquoi tu te déshabilles ?

Je crois qu’elle ne se rend pas compte de la manière dont elle fixe mon torse. Elle se racle la gorge et continue :

– Tu vas te baigner ? Là-dedans ?

Elle pointe l’eau du doigt avec un air de dégoût. Bien évidemment, Mademoiselle Prude n’a pas envie de mouiller ses vêtements ni ses cheveux.

– Ouais, et toi aussi. Je fais ça tout le temps.

Je fais sauter le bouton de mon jean pendant que Tessa continue de se plaindre.

Elle ne cesse de me fixer tandis que je me déshabille.

– Hors de question. Je ne me baigne pas là.

L’eau est plus claire que dans la majorité des lacs. Ce qui est précisément la raison pour laquelle je ne supporte pas ces filles coincées et snobs, effrayées à l’idée de se salir ou de se casser un ongle.

– Et pourquoi pas ? Elle est si propre qu’on peut voir le fond.

Je montre l’eau scintillante. Je pensais qu’elle serait plus impressionnée que ça. Le fait de ne jamais savoir à quoi elle pense me perturbe.

– Et alors… il y a probablement des poissons et Dieu sait quoi là-dedans !

Elle hurle.

Des poissons ? Sérieux ? C’est donc ça qui inquiète cette fille étrange ?

– En plus, tu ne m’as pas prévenue que nous allions nous baigner et je n’ai pas de maillot.

– Tu veux me faire croire que tu es le genre de fille qui ne porte pas de sous-vêtements ? Tu vois, alors tu peux te baigner en culotte et soutien-gorge.

Je lui souris, crevant intérieurement d’impatience de la voir dans un tel attirail. Je sais qu’elle ne le fera jamais. La colère grandit dans ses yeux gris tandis que j’attends sa réponse.

– Je ne vais pas me baigner en sous-vêtements, espèce de malade. Je vais te regarder.

Et elle s’assied sur l’herbe, au bord de la rive. Elle croise les jambes et sourit.

De nouveau, elle fixe mon corps.

Cette fois, elle arrête son regard sur la forme que prend ma queue dans mon boxer. Ses joues rougissent. Elle fait mine de regarder ailleurs et fait semblant de jouer avec des brins d’herbe qu’elle tripote entre ses doigts. Je crie avant de sauter dans l’eau :

– Tu n’es pas marrante. Et en plus tu te prives de quelque chose !

Puutaiiiin, l’eau est plus froide que je pensais. Je nage vers la rive opposée, là où le soleil tape toute la journée. La température change radicalement.

– Elle est super-bonne, Tess !

Tessa lève les yeux de son tas de brins d’herbes. Elle s’ennuie à mourir, et je ne sais absolument pas quoi faire. Elle ne se baignera pas avec moi – je suis censé faire quoi ?

– Jusqu’ici, c’est pas très marrant d’essayer d’être ami avec toi…

Elle lève les yeux au ciel et expose son visage au soleil.

– Enlève tes chaussures et viens au moins te tremper les pieds, si tu ne veux pas nager. Bientôt il fera trop froid pour te baigner.

Finalement, Tessa acquiesce et retire ses chaussures en les disposant soigneusement à côté d’elle. Ses chaussures sont vraiment bizarres – on dirait des bouts de tissu scotchés à un morceau de carton. Impossible qu’elles soient confortables. Elle roule ensuite le bas de son jean et mordille sa lèvre inférieure au moment de tremper un orteil dans l’eau.

Je m’attends à ce qu’elle râle mais au lieu de ça, un large sourire illumine son visage. Je lui demande :

– Alors, elle est bonne, non ?

Elle regarde autour d’elle et penche de nouveau sa tête vers le soleil.

– Allez, viens te baigner.

Je plonge de nouveau ma tête dans l’eau pour la convaincre.

Quand je remonte à la surface, Tessa secoue la tête. Elle ne veut toujours pas se baigner. Mon Dieu, que cette femme est compliquée ! Je l’éclabousse, et elle hurle en reculant dans l’herbe. C’est la première fois que je me retrouve dans cet endroit avec quelqu’un ; c’est un peu étrange d’avoir de la compagnie ici.

Que puis-je faire pour la décider à venir ? La journée entière sera gâchée si elle refuse de se baigner. Il faut que je négocie avec elle. Mais qu’exigera-t-elle en retour ?

Ce n’est pas le genre de personne à faire des compromis…

– Si tu viens dans l’eau, je promets de répondre à une de tes questions indiscrètes. Celle que tu voudras, mais rien qu’une.

Je lui propose cette idée à voix haute au moment où elle me vient à l’esprit. Elle est tellement curieuse que ça devrait marcher.

– L’offre expire dans une minute.

Je dois lui imposer un temps limite ou on risque d’y passer toute cette foutue journée. Je disparais sous l’eau en retenant ma respiration et nage quelques mètres plus loin. Je parie que Tessa est en train de me fusiller du regard à la surface. Cette pensée me fait rire, et je manque boire la tasse.

– Tessa – j’aimerais juste qu’elle cesse de réfléchir autant, bordel – arrête de te prendre la tête et saute.

Elle baisse les yeux vers ses vêtements.

– Je n’ai rien pour me changer. Si je saute dans l’eau tout habillée, je devrai rentrer avec des vêtements trempés.

– Prends mon t-shirt.

À ma proposition, elle fronce les sourcils et regarde le bout de tissu en question posé sur l’herbe.

– Allez, mets mon t-shirt, il est assez long pour que tu te baignes avec, et tu n’as qu’à garder ton soutien-gorge et ta culotte, si ça te chante.

J’apprécierais vraiment qu’elle ne garde pas ses sous-vêtements, mais c’est elle qui décide, bien sûr.

Tessa regarde autour d’elle, prenant en considération l’eau ainsi que mon corps à moitié nu avant de finalement ramasser mon t-shirt sur le sol. J’ai gagné.

– D’accord, mais tourne-toi et ne me regarde pas pendant que je me change… je ne plaisante pas !

Quelle petite pimbêche ! Elle pose sa main sur sa hanche pour se donner une contenance.

Ça y est, le petit lionceau enragé est de retour. Je rigole, puis elle fait ce truc bizarre avec ses hanches, en les basculant d’avant en arrière. Elle retire son haut tout en coinçant mon t-shirt entre ses cuisses. Je me détourne rapidement. Je suis un gentleman – parfaitement.

– Dépêche-toi, bon sang, sinon je me retourne.

Impatient, je lui fais cette remarque après avoir compté dans ma tête jusqu’à trente. Je la regarde furtivement pendant qu’elle plie et dispose son jean en parfaite ligne droite avec ses chaussures. C’est une vraie psychopathe d’aligner ses chaussures comme ça. Un instant, je me demande comment elle réagirait si je balançais ses chaussures dans l’eau. Elle serait folle. Je retiens un sourire et regarde enfin son corps. Ses jambes sont bronzées – c’est la première chose que je remarque. Mon t-shirt épouse parfaitement son corps. Putain, à cause de la taille de ses seins, le t-shirt retombe à peine sur le haut de ses cuisses. Je pince l’anneau de ma lèvre entre mes dents et apprécie la vue qui s’offre à moi.

– Hum… tu viens dans l’eau, oui ou non ? Vas-y, saute !

Je me racle la gorge et me retiens de fixer le haut de ses cuisses.

– J’arrive, j’arrive.

– Prends un peu d’élan.

– Ok.

Tessa respire un grand coup, puis se met à courir maladroitement vers l’eau, raide comme un piquet. Elle pousse un cri perçant, se couvre le visage en atteignant le bord de la berge et s’arrête net.

– Oh non ! Tu étais si bien partie !

Mes éclats de rire résonnent dans l’espace qui nous sépare, je la regarde de nouveau. Elle me fixe en souriant sous les rayons du soleil. Ça me perturbe. Que sommes-nous en train de faire ? Rigoler ensemble dans un cours d’eau ? C’est quoi ça ? On dirait un film de Nicholas Sparks où le couple qui se dispute est si mignon que la bande-annonce se répand comme une traînée de poudre sur Internet. Des femmes lassées de leur quotidien qui espèrent avoir trouvé un héros de roman pour les sauver. Quelles conneries ! Et elles finissent systématiquement avec un mari de merde qui n’en aura rien à foutre d’elles et qui fera toujours passer sa petite personne avant sa femme ou sa famille.

– Je ne peux pas !

Elle semble assez agitée. Aurait-elle peur de l’eau en fait ?

Seigneur.

– Tu as peur ?

– Non… je ne sais pas. Si, un peu.

Je m’avance vers elle, puis prends appui sur un gros rocher sous l’eau.

– Assieds-toi au bord, je vais t’aider à descendre.

Je la rejoins tandis qu’elle s’assied plus près de moi. Elle tente de cacher sa culotte en serrant les jambes, et j’apprécie l’effort. C’est bien la dernière chose dont j’ai besoin maintenant, une distraction.

Mes mains agrippent ses cuisses, et ma queue durcit instantanément.

Putain, c’est sa faute aussi ! Elle n’a qu’à pas avoir des cuisses si douces et attirantes qui me donnent envie d’y plonger la tête.

– Prête ?

Je prends une grande inspiration et remonte jusqu’à sa taille. Ses hanches se fondent dans mes mains, et je lutte comme un forcené pour garder mon calme. Mes mains me démangent. J’ai envie d’empoigner ses hanches, de la faire basculer et de la prendre là, tout de suite.

C’est quoi mon problème ? Je ne suis pas aussi excité d’habitude. C’est sa candeur et son corps affolant ? Ou bien est-ce le challenge de la posséder, pour battre Zed ?

Sa peau est brûlante quand elle rentre dans l’eau. Je la libère. L’eau lui arrive à peine à la poitrine. Elle écarte ses mains devant elle pour en apprécier la fraîcheur.

Elle a la chair de poule, et les petites pointes sur sa peau sont accentuées par les rayons du soleil.

– Ne reste pas plantée là comme un piquet.

J’ai besoin que tu bouges pour que je ne reste pas là à te fixer toute la putain de journée.

Elle fait semblant de m’ignorer, mais s’engage tout de même vers le milieu de la rivière. Elle s’avance et l’eau claire pénètre sous le t-shirt qui remonte. Avant même que j’aie le temps de regarder ailleurs, Tessa le remet en place et tire dessus du mieux qu’elle peut.

– Tu ferais aussi bien de l’enlever.

C’est clair que je ne m’en plaindrais pas.

Tessa fronce le nez et donne une grande claque dans l’eau – putain, viendrait-elle juste de m’éclabousser ? Même si ça me fait chier, je dois bien reconnaître que ça m’amuse.

– Tu as osé m’éclabousser ?

Tessa éclate de rire et recommence.

Je secoue mes cheveux dégoulinants et bondis sur elle. Je la saisis par la taille et la fais couler au moment où sa petite main remonte pour se pincer le nez. Elle se pince encore le nez ?

J’explose de rire.

– Je ne sais pas ce qui est le plus drôle, le fait que tu t’éclates ou le fait que tu te pinces le nez sous l’eau.

J’arrive à peine à articuler tellement je ris.

Tessa s’avance vers moi avec le regard d’une femme investie d’une mission. Soudain, elle tente de m’enfoncer la tête sous l’eau. C’est une tentative comique. Assez. J’essaie de ne pas faire attention au t-shirt qui flotte maintenant autour de son corps. Je ne bouge pas. Elle se moque d’elle-même. Je me bidonne tellement que j’en ai des crampes d’estomac. Son rire est si doux ; il me fait penser aux fleurs sauvages jaunes nous avons aperçues en arrivant.

– Au fait, tu dois répondre à une question, si je me souviens bien.

Je savais qu’elle n’oublierait pas, mais j’ai juste cru qu’elle attendrait un peu plus longtemps.

– C’est juste. Une question, une seule.

Elle va sûrement me demander un truc débile du genre « est-ce que tes tatouages t’ont fait mal ? ». J’observe la berge et me prépare à cette intrusion dans ma vie.

Sa voix brise le silence :

– Qui aimes-tu le plus au monde ?

C’est quoi ce bordel ?

C’est quoi ce genre de question ? C’est vraiment bizarre, putain. Je n’ai pas envie d’y répondre. Je n’ai même pas de réponse. À présent, je me méfie encore plus d’elle et de ses conversations avec Landon sur moi. Aimer ? Qui j’aime le plus au monde ?

Qui est-ce que j’aime le plus ? Eh bien, j’aime ma mère, je suppose. Je ne lui ai pas dit depuis des années, mais c’est quand même ma mère. Ça doit être à peu près tout, excepté moi-même. C’est moi que j’aime le plus. Je ne pense pas que « je m’aime plus que tout » serait la meilleure réponse à donner, et pourtant.

Néanmoins, je réponds franchement :

– Moi-même.

Ado, je ne faisais pas partie de ces mecs qui avaient des petites copines. Donc je n’ai pas eu besoin d’être hypocrite en disant de faux je t’aime avant que, comme n’importe qui d’autre du même âge que moi, je sache vraiment ce que ces mots signifient. Je replonge sous l’eau quelques secondes et laisse le cerveau de Tessa construire ses propres hypothèses à ce sujet.

Sa réponse arrive à la seconde où je remonte à la surface :

– Je ne te crois pas. Et tes parents ?

Et là, d’un coup, elle dépasse les bornes. Tessa Young n’a aucune putain de limite quand elle commence à poser des questions hyper-intimes. Son regard est doux et ses lèvres sont entrouvertes dans l’attente de ma réponse. Mais je hais son regard plein de pitié.

Arrête ça, Theresa.

– Ne parle plus jamais de mes parents, d’accord ?

– Excuse-moi. C’était de la simple curiosité. Tu étais d’accord pour répondre à une question. (Sa voix vacille.) Je suis vraiment désolée, Hardin. Je ne t’en parlerai plus jamais.

Je ne sais pas si je peux la croire. Elle prépare quelque chose, je le sens. Elle est bien trop intuitive et insistante. Je ne la connais même pas, et elle ne sait rien de moi, ça c’est clair. Pourquoi s’autorise-t-elle à me demander des trucs aussi personnels ?

L’après-midi va prendre l’une de ces deux directions : on peut se disputer jusqu’à ce qu’elle se rue, enragée, dans son dortoir, ou bien je la séduis et lui donne envie de rester avec moi.

Je choisis la deuxième option. Je préfère autant ne pas faire le chemin du retour dans un silence gênant. J’approche mes mains pour la prendre par la taille. Son corps me semble léger quand je la soulève hors de l’eau et la jette quelques mètres plus loin. Elle pousse des petits cris et agite ses bras dans les airs comme un oiseau. Puis elle surgit à la surface, les cheveux ruisselants et les yeux exorbités.

Elle est heureuse.

Ça aurait pu se passer autrement, mais d’une façon ou d’une autre je l’ai rendue heureuse.

– Tu vas me le payer !

Elle hurle joyeusement en nageant vers moi. Elle pense vraiment avoir une chance de riposter ? Tessa s’approche encore plus près de moi, l’eau ruisselle sur son visage, sa peau est mouillée et luisante. Pourquoi s’avance-t-elle si près ?

Je déglutis lorsque Tessa croise ses jambes autour de ma taille et redresse son corps pour s’aligner au mien. Je suis censé maîtriser cette situation.

Tout à coup, elle se raidit et décroise ses jambes.

– Excuse-moi.

Non, non.

Je les saisis et les remets en place autour de ma taille. C’est tellement bon de la sentir contre moi, si chaude. Quand elle passe ses bras frêles autour de mon cou, une vague de panique m’envahit. Je la regarde et tente de déchiffrer son intention. C’est impossible.

– Qu’est-ce que tu me fais, Tess ?

Je passe doucement mon pouce sur sa lèvre inférieure toute tremblante. Son souffle chaud s’évade en de lentes et profondes respirations. Le goût de sa bouche est encore frais dans ma mémoire. J’ai besoin d’y goûter encore.

– Je ne sais pas…

Elle ne sait pas. Je ne sais pas non plus. Aucun de nous n’a d’emprise sur ce qui se passe, et tout peut dégénérer très vite.

C’est ce que je veux.

Cette fille sait-elle seulement à quel point elle est sexy ? Sait-elle que la simple forme de sa bouche suffit à me faire imaginer des choses très cochonnes la concernant ? Visualiser Tessa à genoux devant moi, sa bouche pulpeuse grande ouverte, sa langue humide et impatiente de me recevoir, de me faire du bien. J’ai envie d’enfoncer mon sexe entre ses lèvres et de l’exciter comme un dingue. Je peux rendre son corps complètement accro, tout comme elle a rendu le mien. Sa bouche rose pâle, avec sa lèvre supérieure gonflée, est hallucinante. Comme celles d’un personnage de dessin animé. Un personnage sexy, bien sûr, comme Jessica Rabbit.

Putain, je perds la tête. C’est pas bon.

Heureusement que je n’ai aucun scrupule à être un connard.

– Ces lèvres… quand je pense à tout ce qu’elles pourraient faire…

Je m’arrête et repense à la manière dont sa bouche aspirait la mienne dans ma chambre.

– Tu veux que j’arrête ?

Je plonge mon regard dans le sien pour y trouver des signes de nervosité. Ses cuisses sont fermement enroulées autour de mon corps, et je prends ça comme un non. Je lui donne quand même quelques secondes de plus pour me répondre avant d’attaquer.

Elle presse encore plus son corps contre le mien sous l’eau.

– C’est impossible d’être seulement amis, tu t’en rends compte, hein ?

À ces mots, elle prend une courte inspiration tandis que je me penche vers elle. Mes lèvres frôlent doucement son cou, près de son menton. Ses paupières sont à moitié closes, et je déplace ma bouche sur ses joues, glissant sur sa peau mouillée avec douceur. Quand j’arrive au point sensible juste au-dessous de son oreille, elle pousse un gémissement qui me surprend.

– Oh ! Hardin.

Ces mots m’envoient un véritable électrochoc. Le son est si rauque, comme une demande. De moi. Je la retiens captive dans mes bras, et mon cœur s’emballe à l’idée de m’enfoncer en elle. Elle n’a jamais été baisée avant, pourtant je suis sûr qu’elle s’est déjà donné du plaisir toute seule.

Je veux l’entendre gémir mon nom, encore. Tout comme j’ai besoin de goûter à sa bouche, encore.

– Je veux t’entendre gémir mon nom, Tessa, encore et encore. Laisse-moi faire.

Je ne reconnais plus ma voix qui la supplie.

Il n’y a pas un bruit, hormis celui de sa profonde respiration et des petits clapotis de l’eau qui s’agitent en vaguelettes autour de nos corps. Elle fait oui de la tête.

– Dis-le, Tessa.

Je prends le lobe de son oreille entre les dents et mordille doucement sa peau. Elle gémit et bascule contre moi en hochant furieusement la tête.

Un hochement de tête ne suffira pas, Theresa. Tu en as envie, alors dis-le moi.

– J’ai besoin que tu le dises, Bébé, à voix haute, pour être sûr que tu le veux vraiment.

Mes mains se déplacent et remontent sous mon t-shirt qui couvre son corps.

– Je voudrais…

Les mots sortent de sa bouche en se bousculant. Je souris dans son cou brûlant. Elle soupire. Je considère ces deux mots comme une invitation suffisante. Je tiens fermement son corps contre le mien, mais elle se contracte nerveusement à l’idée que je puisse la lâcher, sans doute.

Je commence à marcher vers la berge pour sortir de l’eau, Tessa accrochée à moi. Ses cuisses sont ouvertes, et elle se colle contre ma queue plus dure à chaque pas que je fais.

En atteignant la berge, je la relâche et elle pousse un gémissement. Ce son envoie une décharge directement dans mon bas-ventre. Je grimpe sur la berge et me retourne pour l’aider à sortir de l’eau. Elle me rejoint, les yeux rivés sur mon torse. Je l’observe tandis qu’elle regarde le tatouage sur mon ventre, un arbre mort encré dans ma peau. Elle déteste sûrement mes tatouages, elle qui vient de je ne sais quelle ville de puritains. Sa mère catho lui a probablement enseigné que les gens avec des tatouages étaient le mal absolu et dévoraient les âmes ou une connerie dans le genre.

Tessa a sûrement été habituée à voir le torse à la peau toute lisse et parfaitement soignée de son petit ami. Je l’observe attentivement tandis qu’elle continue de me fixer en essayant de décoder mon tatouage. Son copain n’en a pas, j’en suis certain. Il n’a d’ailleurs sûrement pas la moindre cicatrice sur sa peau ni dans son âme.

Je m’écarte d’elle, et elle reste debout, dans l’attente de mes instructions.

Je ne suis plus sûr de ce que je veux faire avec elle. Elle fixe toujours ma peau… Pourquoi est-elle encore en train de fixer ma peau ? Et, plus important encore, pourquoi est-ce que ça me dérange autant ? J’ai fait ces tatouages pour moi, pas pour qu’une meuf me juge.

Et pourquoi suis-je en train de me justifier, bordel ? Je n’en ai jamais rien eu à foutre de ce que les femmes pouvaient penser de moi. Je ne pense qu’à les baiser et à les faire jouir sous mes caresses, c’est entre nous un jeu mutuel et consenti.

Arrête de penser, Hardin. Je suis comme elle en fait, à trop penser à tout. Qu’est-elle en train de me faire ?

Je vais droit au but :

– Tu veux qu’on le fasse ici ? Ou dans ma chambre ?

Devrais-je la baiser ici ? Je pourrais l’allonger dans l’herbe, écarter ses cuisses et lui faire crier mon nom pendant que je dessinerais de petits cercles sur son clitoris avec ma langue.

Tessa hausse les épaules tandis que j’ajuste mon boxer.

– Ici.

– Tu es pressée ?

Je sens l’attraction de son corps vers le mien et me demande si elle le sent aussi. Je sais qu’elle est excitée par moi, c’est évident. Mais ressent-elle cette même irrésistible envie de me toucher ?

– Viens ici.

C’est un ordre. Elle s’exécute, les joues rouges, et s’avance vers moi en faisant des petits pas lents. Plus vite… J’ai envie qu’elle se dépêche.

Je n’ai pas la patience de jouer à ces petits jeux de séduction maintenant – j’ai besoin de la sentir. J’ai besoin qu’elle me sente. Je vais la baiser ici, sur l’herbe. Je vais l’allonger là et caresser chaque centimètre de son corps incroyablement excitant. Mon t-shirt noir est trempé, complètement moulé sur son corps comme un gant en latex. Je dois le retirer.

Je m’empare du bas du t-shirt et le soulève par-dessus sa tête. Enlever de la matière mouillée n’est pas une tâche facile ; on dirait qu’il veut rester collé à elle, comme moi je le souhaite aussi.

La première partie de la journée était consacrée à ses besoins, faire les choses à sa manière, passer un moment simple et sympa avec moi. La seconde partie se jouera à ma manière. Je n’ai pas l’habitude de faire la conversation ou d’être questionné sur qui j’aime le plus au monde. Ce que j’ai l’habitude de faire, c’est me servir d’un corps sensuel pour me donner du plaisir.

 

 

 

À SUIVRE…

 

Notes

1. Théodor Seuss Geisel (1904-1991), dit Dr. Seuss, est un auteur-illustrateur américain connu pour ses livres d’enfants utilisant des rimes : Le chat chapeauté, Le grincheux qui voulait gâcher Noël… (NdT)

2. Groupe américain de nu métal. (NdT)