CHAPITRE 1

– Bon sang, j’ai vraiment besoin de me saouler et de baiser, mais pas forcément dans cet ordre, déclare Rylan en entrant dans le bar.

Comme les autres, Connor mesure plus d’un mètre quatre-vingt-cinq et doit se baisser pour passer la porte. Toutes les têtes se tournent dans leur direction, mais les clients sont rassurés de ne pas voir le logo des Exécuteurs sur leurs vêtements et ils se concentrent de nouveau sur leurs compagnons ou sur l’alcool devant eux.

– Vous avez vu la serveuse ? se réjouit Rylan. Elle est plutôt mignonne. Elle doit être nouvelle, parce que je ne pense pas que j’aurais pu oublier de tels seins.

Connor suit le regard de son ami jusqu’au long comptoir en zinc tenu par une blonde toute maigre avec un impressionnant décolleté. Ouais, Ry s’en souviendrait s’il se l’était déjà tapée. Les maigres à gros seins sont ses préférées. Elle lève la tête, leur lance un clin d’œil et leur fait une moue aguicheuse.

Il flotte dans l’air un sentiment de désespoir qui se mêle au nuage de fumée de cigarette suspendu au-dessus d’eux comme une canopée. Sexe, alcool et cigarettes sont de rares luxes, de nos jours, à moins de savoir où les trouver, et il n’y a même plus besoin de payer pour baiser, maintenant. L’argent n’a aucune valeur en dehors de la ville, et la plupart des femmes sont aussi avides de sexe que les mecs qui veulent les sauter. Mais ce soir, Connor n’est pas là pour ça. Il veut seulement passer une soirée tranquille avec une bouteille de Jack Daniel’s. Cela fait beaucoup trop longtemps qu’il n’a pas senti l’alcool couler dans ses veines.

Le bar est installé dans une ancienne morgue. Les compartiments où étaient rangés les corps contiennent désormais des bouteilles d’alcool et les vivres des propriétaires. Les meubles sont tous dépareillés, des tables et des vieux canapés, des chaises au bois usé. Il n’y a pas d’électricité, les flammes des bougies dansent sur les murs de moellons et les visages cachés dans l’ombre. La plupart des étages de l’hôpital qui s’érige au-dessus d’eux sont déserts, car ce genre d’établissement de santé n’existe plus. Aujourd’hui, lorsqu’on est malade ou blessé, on meurt. Ces enfoirés du « gouvernement » appellent ça la régulation démographique.

Connor choisit une chaise d’où il peut garder un œil sur la porte et sur la salle enfumée, laissant Rylan, Pike et Xander se battre pour les autres. Kade se retrouve dos à la porte, il sera donc le premier à prendre une balle dans la tête s’il y a du grabuge.

La table est rayée et tachée de substances dont Connor préfère ne pas connaître l’origine. Sans un mot, Rylan se lève pour passer commande au bar, ce qui signifie que c’est lui qui paiera l’addition, mais cela ne semble pas le déranger puisque la blonde est tout à fait son genre. Les échanges sont régis par le troc, il faut parfois payer le prix fort pour obtenir ce qu’on désire. Or, dans ce cas, le scénario est gagnant-gagnant pour Rylan, il aura l’alcool et le sexe. C’est un sacré veinard, parce que la dernière fois qu’ils sont venus, la personne derrière le bar était un mec barbu et Connor a dû échanger son fusil contre la bouteille de Jack. Apparemment, la chance sourit aux beaux gosses en rut.

– Alors… on bouge ? demande Pike.

Il grimace en posant la question, mais cela n’a rien d’inhabituel pour le râleur du groupe. Connor frotte sa barbe piquante et regrette une nouvelle fois de ne plus avoir de rasoir. Son dernier est complètement rouillé et ils n’ont pas prévu de raid avant demain.

– Je ne sais pas. Je crois qu’on devrait attendre, dit-il. Les rumeurs sont peut-être fausses.

– Ouais, mais si elles sont vraies et que Dominik a fait une rafle à quatre cents kilomètres d’ici la semaine dernière, il pourrait déjà être dans les parages.

Ce n’est pas faux, et Connor s’en inquiète. De tous les Exécuteurs, Dominik et sa bande de psychopathes assoiffés de sang sont les pires. Ils sont féroces, déterminés et sacrément doués pour faire leur job. Dominik reçoit ses ordres du commandant en chef de la colonie de l’Ouest, qui les reçoit à son tour du Conseil Mondial. Les ordres de leur groupe sont simples : rassembler tous les insurgés de la colonie pour les obliger à rejoindre la société et tuer ceux qui refusent. Si Dominik approche réellement de leur localisation, la réponse logique est de déguerpir vers la colonie du Sud, ou de chercher un bateau qui part vers l’est. Or, ces jours-ci, avec tous les Exécuteurs, les postes de contrôle et les bandits, se déplacer est un cauchemar.

– Moi je dis, on reste encore un peu dans le coin, déclare Kade. On est bien installés au campement.

Connor ne peut qu’être d’accord en repensant à l’endroit où ils vivent depuis presque un an. Nichée dans les collines au pied des Rockies, l’ancienne base de loisir se compose d’une dizaine de bungalows cachés parmi les arbres et d’un chalet principal. Après avoir surveillé le lieu pendant plusieurs semaines, ils ont déclaré qu’ils s’installaient là et ils en ont fait une véritable forteresse, c’est justement ce qui plaît à Connor.

Rylan revient avec une bouteille de whisky et cinq verres à shot qui tintent dans sa main. Il dévisse le bouchon, verse le liquide ambré dans leurs verres, laissant l’excédent rejoindre les autres taches sur le bois moisi.

– Eh, n’en gaspille pas, grogne Xander. Qui sait quand on aura une nouvelle occasion de se la coller ?

Rylan se laisse tomber sur sa chaise, vide un shot et s’en ressert un autre.

– Alors, quel est le consensus final ?

Xander gratte la barbe épaisse qui couvre sa mâchoire.

– Pike pense qu’on devrait partir. Kade veut rester. Conn est indécis.

– Moi, je vote pour qu’on reste, déclare Rylan. J’aime ce coin. Au fait, mec, c’est quoi cette barbe ? Tu ne sais pas qu’il fait mille degrés dehors ?

– Si tu n’étais pas imberbe comme un gamin de douze ans, t’aurais la même que moi, crois-moi, soupire Xander. Bon sang, j’espère qu’on va trouver des rasoirs demain. Peut-être même une tondeuse électrique ?

– Et des bonbons ! s’exclame Kade, et son visage s’illumine. Des trucs hyper-sucrés ! Ça fait des lustres qu’on n’a pas trouvé du chocolat.

– Et des magazines porno, ajoute Rylan en souriant.

Connor prend sur lui pour ne pas leur dire de se taire, mais sans rire, du chocolat et du porno ? La planète a été ravagée par une guerre mondiale, il a plu des bombes pendant des semaines, des populations entières ont été décimées, et ceux qui ont survécu sont désormais prisonniers – pardon, citoyens – des colonies. Et le plus gros souci de Kade est de ne pas pouvoir satisfaire sa gourmandise ?

Ils font ce qu’ils peuvent pour garder le moral, lui dit une petite voix. Ouais, sans doute. Peut-être que Connor n’est qu’un affreux rabat-joie qui ne peut oublier même une seconde le chaos qui l’entoure. En même temps, qu’est-il censé faire ? Faire comme si la vie n’était que licornes et arcs-en-ciel ? C’est mort.

Il lève son verre et le vide d’un trait. L’alcool brûle sa gorge et réchauffe son ventre. Au diable les bonbons et le porno, la seule chose qu’il veut trouver demain, c’est une caisse de whisky. Même du vin bon marché fera l’affaire, n’importe quoi pour lui faire oublier la colère et l’impuissance qu’il ressent à longueur de journée.

– Vous savez quoi ? Je ne vois pas pourquoi je rêve de porno alors que je peux tirer mon coup tout de suite. Veuillez m’excuser, Messieurs, dit Rylan en reculant bruyamment sa chaise.

Il se penche par-dessus le comptoir pour murmurer quelque chose à l’oreille de la serveuse, qui pouffe de rire. Elle hoche vigoureusement la tête et le suit dans le couloir, s’arrêtant un instant pour toiser du regard Connor et ses hommes.

– Vous croyez qu’elle veut plus de compagnie ? demande Kade.

– J’en suis certain, répond Xander en souriant. Vous avez vu le regard qu’elle nous a lancé ? Cette coquine rêve d’un plan à trois.

– Vous pouvez oublier vos bites deux secondes, bande d’obsédés ? grogne Pike. Il faut qu’on prenne une décision. Si Dominik se dirige ici, je dis qu’on devrait partir.

– Depuis quand t’as peur de te battre ? le taquine Xander.

– Il y a des batailles qu’il vaut mieux éviter, et du moment qu’il nous fiche la paix, je préfère laisser Dominik faire son job.

Voilà justement la clé du problème. Connor ne veut pas que Dominik lui fiche la paix. Il rêve d’un face-à-face avec ce connard, et s’il ne devait pas se soucier des autres, cela fait longtemps qu’il serait parti assouvir sa soif de vengeance. Malgré ses nombreux refus, Connor est devenu le leader du groupe et ils lui obéissent au doigt et à l’œil, même Pike, qui ne reçoit d’ordres de personne.

Il est pratiquement impossible d’atteindre Dominik. Non seulement il est constamment entouré par une horde de soldats, mais personne ne sait où se situe le quartier général des Exécuteurs de la colonie de l’Ouest. Il n’est pas dans la cité où les survivants de la guerre ont été emmenés après que le Conseil Mondial a pris le pouvoir. On dit que les Exécuteurs bougent constamment pour ne jamais devenir des cibles. C’est la première fois que Connor a une petite idée d’où se dirige Dominik et il refuse de laisser passer cette opportunité. Cependant… les hommes qui lui font confiance méritent-ils de mourir pour qu’il puisse se venger ?

Toutes ces incertitudes se dissipent lorsque la porte d’entrée grince. Il lève la tête et saisit instinctivement son pistolet dans sa veste. Il décide vite que la menace est faible, mais il ne peut néanmoins quitter des yeux la femme qui vient d’entrer. Elle est grande, mince, avec des yeux gris inquiets et de longs cheveux couleur miel. Elle est vêtue d’un pantalon noir très moulant qui révèle des jambes musclées et d’un débardeur blanc qui laisse entrevoir un impressionnant décolleté. Un blouson en cuir noir et des cuissardes complètent son look de bad girl.

Connor en a l’eau à la bouche. Bon sang, ça fait longtemps qu’il n’a pas ressenti un désir aussi violent. Sa queue durcit, mais il lui suffit de regarder de nouveau la jeune femme pour savoir que son érection n’aura pas l’attention qu’elle souhaite.

Elle est habillée comme une dure à cuire, mais elle n’en est pas une. La peur dans son regard révèle qu’elle n’est en fait qu’un petit agneau qui s’est égaré dans la tanière d’un loup. En même temps… son regard véhicule une certaine détermination, un courage qui l’aide à traverser la pièce d’un pas assuré.

– Prem’s, déclare Xander à voix basse.

– Même pas en rêve, rétorque Connor.

Ses compagnons ont l’air surpris, et il réalise ce qu’ils doivent penser. Sa réponse laisse entendre que cette nana est pour lui et qu’il marque son territoire, or ce n’était pas son intention. Si son corps meurt d’envie de la toucher, son instinct lui dit de ne pas l’approcher et d’en protéger ses hommes, aussi.

Il la regarde marcher jusqu’au comptoir. La serveuse, qui doit avoir la queue de Rylan dans la bouche, a laissé place à un mec. Il n’entend pas ce qu’ils se disent, mais il voit le dos de la jeune femme se raidir en entendant la réponse du barman. Un mouvement attire son regard, elle a glissé quelque chose au gamin, mais Connor n’a pas vu quoi. Le barman range l’objet dans sa poche et donne à la jeune femme une bouteille de bière. Elle la prend, tourne les talons et se dirige vers un coin de la pièce.

Connor réussit enfin à détourner son regard. Il bande encore à moitié et il n’aime vraiment pas ça. Il ne devrait pas penser au sexe, pas quand Dominik est enfin à sa portée. Il peut baiser quand il veut, or s’il n’agit pas, il devra vivre avec sa soif de vengeance toute sa vie.

 

Hudson n’en revient pas d’avoir eu à troquer son couteau suisse contre une pauvre bouteille de bière. Ce n’est pas sa dernière arme ni celle qu’elle apprécie le plus, mais elle n’avait pas prévu de la céder. Elle ne savait pas que sa liasse de billets n’avait aucune valeur en dehors des murs de la cité. Voilà encore quelque chose qu’elle ne comprend pas dans ce monde.

Elle trouve une table libre et s’y assoit avant de décapsuler sa bouteille et de boire une gorgée du liquide tiède. Elle n’aime pas beaucoup la bière, mais elle n’est pas d’humeur à boire un alcool fort. Elle doit rester alerte, et surtout trouver un endroit où dormir ce soir.

Sa gorge se noue à l’idée de passer encore une nuit dehors. Elle n’a pratiquement pas fermé l’œil depuis qu’elle est en territoire proscrit, et cela fait presque une semaine. Elle pensait que son entraînement l’aiderait à survivre, mais elle ne s’est pas encore adaptée à cette nouvelle vie. Elle ne s’attendait pas à avoir peur tout le temps.

Elle soupire et balaie la pièce du regard. En dépit de quelques éclats de rire sporadiques et des conversations feutrées, personne ne semble détendu. Les regards sont en alerte et les dos crispés. Elle commence à croire que ce genre de comportement n’est pas inhabituel. Depuis qu’elle a quitté le camp, elle s’est rendu compte que personne n’est à l’abri du Conseil Mondial. Même les hors-la-loi, qui se considèrent comme libres, regardent sans cesse par-dessus leur épaule.

Lorsque le CM a pris le pouvoir, il y a plus de quarante ans, ses membres ont décidé que le seul moyen d’éviter une nouvelle guerre était de diriger avec une main de fer. Ils ont déclaré que le monde n’aurait pas connu une telle dévastation s’il y avait eu un régime mondial puissant en place. Ils ont éliminé les facteurs provocateurs de conflits comme les classes, les religions et le libre arbitre, et, dans une certaine mesure, le nouveau système fonctionne. Hudon était heureuse, en ville, avant que Dominik ne fasse d’elle une prisonnière.

Désormais, elle est donc hors-la-loi, elle aussi, une cible comme les autres. En tout cas, c’est un sacré choc que de se retrouver dans un monde où les gens sont déterminés à s’accrocher à la moindre miette de liberté.

Son regard s’arrête sur une table près de la porte, où quatre hommes parlent à voix basse. Ils sont tous beaux et virils.

Son attention se fixe sur l’un d’entre eux en particulier, il doit approcher de la trentaine, ses cheveux châtains sont coupés court, ses yeux sont noisette et froids, et il est tout en muscles. Il porte une veste kaki qui doit cacher son arsenal, et tout indique que c’est un guerrier, ses larges épaules, la façon dont son regard balaie la pièce en parlant avec ses compagnons.

Hudson retient son souffle lorsqu’il tourne la tête vers elle. Bon sang. Son regard n’a plus rien de glacial. Au contraire, ses yeux brûlants indiquent qu’il la désire ardemment. Elle ignore les battements frénétiques de son cœur et détourne le regard pour boire quelques gorgées de bière. Elle se sent bouillante, et ses longs cheveux lui tiennent chaud, mais elle n’ose pas les attacher. Même si le tatouage sur sa nuque est caché sous des tonnes de maquillage, elle préfère ne pas prendre de risque. Si quelqu’un soupçonnait qui elle est, elle mourrait sur-le-champ.

Un éclat de rire aigu retentit à l’autre bout de la pièce, et Hudson voit une femme blonde avec une poitrine énorme sortir d’un couloir sombre. Elle est accompagnée par un grand homme aux yeux bleus perçants et au sourire diabolique. Il a la démarche arrogante d’un homme qui vient de tirer son coup, et la bouche rougie de sa compagne semble le confirmer. Il lui met une petite fessée, puis il s’assoit à la table qu’Hudson observait.

Tiens donc. Le grand blond est avec les quatre beaux gosses. Il croise son regard en s’asseyant, et un petit sourire se dessine sur ses lèvres. Cependant, l’homme qu’elle reluquait murmure quelque chose qui fait taire le groupe, et le blond redevient sérieux.

Elle soupire. Ce n’est absolument pas le moment de s’enticher d’un superbe inconnu. Elle a d’autres soucis à régler, d’ailleurs elle en a tellement qu’elle en a le vertige. Elle doit d’abord trouver un endroit où se cacher, du ravitaillement et un moyen de fuir la colonie de l’Ouest. Surtout, elle doit éviter Dominik qui a dû envoyer une armée à ses trousses.

Peut-être les gérants du bar pourraient-ils l’aider à trouver une planque…

– Tous à terre, bande d’enfoirés !

Elle était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’a pas senti le danger arriver. Elle n’a même pas le temps de sortir son poignard, parce que des doigts glacés saisissent son bras et la poussent sur le sol en béton.

– À terre, salope !

Une dizaine d’hommes envahissent le bar en criant et en jurant. Des bandits. Merde. L’homme qui l’a poussée à terre a oublié de la fouiller et elle a encore son poignard, en plus des autres lames qui sont fixées sur son corps. Elle empoigne le manche en ivoire et glisse lentement le couteau contre ses côtes en levant la tête pour évaluer la situation. Elle a entendu parler de ce genre de brigands, mais c’est la première fois qu’elle en rencontre.

Ils ressemblent beaucoup aux clochards qu’elle a vus sur les photos datant de l’avant-guerre de son père. Il lui avait expliqué que ces gens étaient sales et sentaient l’alcool. Les Exécuteurs ne font pas la différence entre les bandits et les hors-la-loi, mais Hudson la trouve évidente. Les hors-la-loi se battent pour leur liberté. Ils font des raids dans les camps de ravitaillement du Conseil Mondial quand c’est nécessaire, mais ils luttent contre un gouvernement dont ils ne veulent pas, pas entre eux.

Or, ces hommes sont des charognards. Ce sont des vautours désespérés qui n’ont leur place nulle part, ni dans la société du CM ni parmi les rebelles. Elle a entendu dire que les bandits n’ont aucune conscience, aucun remords à voler, tuer et violer ceux qui croisent leur chemin.

Son cœur bat la chamade. Les brigands malmènent les clients, frappant quiconque ose faire le moindre bruit. Le meneur du gang, un homme aux cheveux noirs et à la barbe bien trop longue, saute sur le comptoir, fusil d’assaut à la main.

– On veut tout l’alcool, hurle-t-il au barman.

Hudson rampe sous la table. Du coin de l’œil, elle remarque que les cinq hors-la-loi sont restés assis et regardent les évènements se dérouler avec des mines ennuyées.

– À terre ! crie un des bandits.

Il est petit et maigre, avec le crâne rasé. Il n’en impose que grâce à l’arme qu’il tient entre ses mains.

– Non merci, dit le rebelle aux cheveux noirs et à la mine encore plus sombre.

– Tu veux crever ? C’est ça ? dit le vaurien en chargeant son arme. Parce que je serais ravi de…

Les cinq hommes bondissent, renversent leur table, et deux d’entre eux se cachent derrière pour se couvrir. Quelques secondes plus tard, un gémissement retentit lorsque le bandit maigrichon est poignardé dans le bras. Il titube tandis que ses camarades se jettent sur les hommes, oubliant leur soif d’alcool.

C’est un véritable bain de sang. Un coup de feu résonne, envoyant valser un des brigands à deux pas de sa tête. D’autres tirs font écho au premier, faisant sonner ses oreilles. Des coups de poing sont frappés, des grognements remplissent la pièce. Une autre rafale de tirs crible de trous le mur derrière elle.

Hudson regarde la scène avec une fascination morbide. Les hors-la-loi s’en sortent haut la main et ne semblent pas inquiets d’être en infériorité numérique. Un juron furieux la fait grimacer et elle tourne la tête à temps pour voir le blond aux yeux bleus tituber en arrière. Il pose une main sur son cou et, même de loin, elle voit sa gorge se couvrir de sang. Il a été touché mais il n’y prête guère attention, tirant encore deux coups de fusil qui arrachent un cri d’agonie au bandit aux cheveux longs qui essayait de le tuer.

Il y a un premier bruit sourd, puis un second. Les brigands tombent comme des mouches.

Un silence pesant finit par envahir la pièce, rompu par les grognements des quelques vauriens qui ont la chance d’être encore en vie.

– Bien, voilà qui était amusant, dit l’homme aux yeux noirs d’une voix ennuyée.

Une botte abîmée entre dans son champ de vision et elle se tourne à temps pour voir une semelle épaisse écraser le torse du leader des voleurs, celui avec la barbe. Quand elle lève les yeux, elle découvre que la botte appartient à l’homme aux yeux noisette incandescents.

– Je te suggère de rassembler tes petits copains, ceux qui respirent encore, et de dégager d’ici.

– Va te faire foutre ! gargouille l’autre.

L’homme au regard brûlant soupire et soulève le bandit pour le mettre debout.

– Très bien, alors on va faire ça à la manière forte.

Il empoigne le bras du brigand et le brise dans un crac nauséabond. Hudson tressaille alors qu’un gémissement de douleur rompt le silence, et, ébahie, elle regarde le hors-la-loi traîner le bandit vers la porte. Il s’arrête, regarde simplement ses compagnons par-dessus son épaule et ceux-ci ne perdent pas de temps à sortir les autres envahisseurs du bar. Les clients se lèvent lentement, hébétés. La serveuse court vers le blond, mais il l’arrête d’un mouvement de bras et continue vers la porte, un homme inconscient sur l’épaule. Hudson se lève, les jambes tremblantes, et regarde les corps qui jonchent le sol. Il y en a huit au total, un massacre. Elle n’est pas surprise de voir quelques clients se précipiter sur les morts pour fouiller leurs poches et les dépouiller de leur maigre richesse.

Elle range son poignard dans son fourreau lorsque les hors-la-loi reviennent. Le blond tient sa main sur sa gorge et elle voit le sang couler entre ses doigts.

– Tout le monde va bien ? demande le leader d’une voix rauque.

– Merci, dit la serveuse en courant vers lui.

– Deux de mes hommes vont passer la nuit ici au cas où ces enfoirés décideraient de revenir, déclare-t-il en ignorant la blonde. Mais je suggère que vous fermiez boutique. Votre emplacement est compromis, donc vous allez forcément avoir de nouveaux ennuis.

Elle hoche rapidement la tête.

– Oui, on fermera demain.

– Très bien.

Il balaie la pièce du regard et ses yeux s’arrêtent sur Hudson. Son bas-ventre se réchauffe instantanément et son sang s’embrase.

– On s’arrache ! aboie-t-il après quelques secondes. Xander, tu restes là avec Pike. Occupez-vous des corps et protégez ces gens.

– Pas de problème. Mais, Connor, nettoie bien la plaie de Ry, il saigne comme un porc.

Connor. Ça lui va bien. Hudson n’arrive pas à le quitter des yeux. Il marche vers la porte, lui offrant une belle vue de ses fesses fermes. Ce n’est que lorsqu’il a disparu qu’elle sort enfin de sa transe.

Elle ignore les regards surpris des autres clients et court vers la sortie, clignant plusieurs fois des yeux pour ajuster sa vue à la pénombre. Les lampadaires qui illuminaient le parking de l’hôpital ont été arrachés depuis longtemps et le bitume est criblé de trous.

Tout est comme ça, en dehors des murs de la cité Ouest, les arbres et la terre sont noircis et les villes côtières qui ne sont pas complètement submergées sont encore inondées et inhabitables.

Hudson s’arrête pour empoigner le sac qu’elle a caché dans les buissons, puis elle traverse le parking en courant. Elle rattrape Connor au moment où il atteint la Jeep cabossée.

– Attends !

Il se fige et la regarde avec méfiance. Elle avance vers lui, consciente d’agir de façon stupide et du risque qu’elle prend. Toutefois, elle sait aussi que la réponse à tous ses problèmes se tient là, devant elle. Cet homme, avec son corps de guerrier, son regard glacial et sa précision militaire, c’est lui la solution.

– Ouais ?

– Tu… Ce que vous avez fait dans le bar était… je voulais juste…

Un rire éclate derrière elle, et elle se retourne alors que le blond au cou ensanglanté – Ry ? – approche de la Jeep, suivi par le type aux cheveux bruns.

– Tu vois, je t’avais dit que les nanas kiffaient la violence, dit-il à son ami. Mais écoute, ma belle, tu perds ton temps avec lui. Il est trop directif au pieu. Moi, en revanche… je te laisserai faire tout ce que tu voudras.

– Merci, mais ce n’est pas ça que je veux, répond-elle en souriant.

– Tant pis pour toi, dit-il avant de s’asseoir sur le siège arrière.

– Alors, qu’est-ce que tu veux ? demande Connor en la regardant dans les yeux, embrasant son sang de nouveau. Dis ce que t’as à dire pour qu’on puisse se tirer, gronde-t-il d’un ton agacé.

– Je… Je…

– Allez, crache le morceau, chérie.

Elle ouvre la bouche et se déteste aussitôt d’avoir l’air si désespérée.

– Emmenez-moi avec vous.

CHAPITRE 2

Emmenez-moi avec vous.

Connor s’attendait à tout sauf à ça. Ce sont de parfaits inconnus, et en ces temps dangereux, on fait tout pour échapper aux gens qu’on ne connaît pas

– Tu m’as entendue ? dit-elle en posant ses mains sur ses hanches étroites. Je veux venir avec vous.

– On ne t’a jamais dit que tu ne pouvais pas avoir tout ce que tu voulais ?

– Je m’en fiche. Je veux quand même partir avec vous.

– Désolé, ma belle, mais notre club est réservé aux mecs.

– Waouh ! Alors, tu es sexiste, en plus d’être mal élevé ? rétorque-t-elle.

Rylan ricane à l’arrière de la Jeep. Il est rare que quel-qu’un tienne tête à Connor, et ses amis doivent adorer.

Quant à lui, il est loin d’apprécier. Il déteste être aussi exposé. Ils ont beau avoir fouillé les environs des dizaines de fois, les Exécuteurs sont imprévisibles. Ils vivent dans l’ombre et attaquent quand on s’y attend le moins. Connor ne pense qu’à une chose, rentrer à la base où il pourra enfin respirer. Et il n’a aucune intention d’emmener cette nana avec lui.

– S’il te plaît, implore-t-elle. Je ne sais pas où aller.

– C’est pas mon problème, répond-il en se dirigeant vers la portière conducteur.

– J’ai vu comment vous avez affronté ces bandits, dit-elle en le suivant. Vous avez fait ça les doigts dans le nez. Vous savez ce que vous faites, vous êtes entraînés.

– Qu’est-ce que ça peut te faire ?

– Je suis toute seule, dit-elle d’une voix tremblante. Les gens avec qui j’étais sont tous morts. J’ai besoin de… protection.

Son visage reste fermé et dénué d’émotion lorsqu’elle parle de la mort de son groupe. Ça ne veut pas forcément dire qu’elle ment, mais Connor reste sceptique.

– Emmène-moi. Je te promets que je ne serai pas un problème.

– Tu l’es déjà.

– Écoute, je peux aider ton ami. Je sais soigner les blessures de guerre et…

– Nous aussi, chérie. Il survivra, crois-moi.

– Dans ce cas, je peux faire à manger ou… je ne sais pas… laver… faire le guet…

Il se retient d’éclater de rire. Comme s’ils cherchaient une femme de ménage !

– C’est tentant, mais non.

– On n’a rien à manger, de toute façon, intervient Kade. Du moins, pas jusqu’au prochain raid. Donc, pour l’instant, on ne saurait pas quoi faire d’un chef, mais c’est gentil, merci.

– Un raid ? se réjouit-elle. Je pourrais venir. Je suis entraînée, moi aussi, et…

Cette fois, Connor ne peut se retenir de ricaner.

– C’est vrai ! insiste-t-elle.

– C’est pour ça que tu t’es cachée sous la table ?

Il ne devrait pas la provoquer, mais il ne peut pas s’en empêcher. Il y a quelque chose chez cette nana qui le dérange, sans doute cet air contradictoire de vulnérabilité et de dangerosité. Il n’a pas confiance en elle.

– J’aurais pu me défendre. J’ai été surprise, c’est tout, marmonne-t-elle.

– Je suis sûr que tu en es convaincue, mais…

Elle agit si vite qu’il n’a pas le temps de cligner des yeux. Tout à coup, son genou est entre ses jambes, et elle tient sa nuque d’une main alors que, de l’autre, elle plaque un poignard sur sa gorge.

Il se crispe et réprime un juron. Bon sang, elle est sacrément rapide et elle sait ce qu’elle fait, à en juger par la manière dont elle appuie la lame sur sa peau. Le moindre mouvement lui vaudrait une entaille, ou pire. La sensation de sa cuisse ferme entre les siennes le fait instantanément bander et il durcit de plus belle quand il baisse la tête et découvre l’éclat mortel dans ses grands yeux gris.

– Et maintenant ? se moque-t-il. Tu vas m’égorger pour me prouver que tu as raison ?

Il la voit déglutir, mal à l’aise lorsqu’elle réalise ce qu’est cette chose dure contre sa cuisse.

– C’est ça, bébé. Je suis dur comme fer, murmure-t-il.

Il sourit en coin et se rapproche encore pour frotter son érection contre son bassin. Un petit soupir lui échappe et il ricane.

– Ah, ça te plaît, n’est-ce pas ?

Elle ne répond pas. Il sent son corps bouillant, et sa bite sursaute. Son regard se pose sur sa bouche charnue, sur sa langue qui humecte sa lèvre inférieure. Il pourrait l’embrasser sur-le-champ, la baiser aussi, d’ailleurs.

– Pourquoi tu ne défais pas ma braguette ? Tu pourrais me sucer là, tout de suite. Tu pourrais même t’occuper de Ry et de Kade. Je suis sûr qu’ils apprécieraient.

Ses yeux s’embrasent et il voit son pouls accélérer sous la peau fine de sa gorge.

– Peut-être même qu’on appellera Pike. Il aime regarder, et je suis certain que tu nous offriras un beau spectacle, n’est-ce pas, ma belle ?

La lame s’enfonce un peu plus dans sa gorge.

– T’es un sacré enfoiré, en fait.

– Et toi, t’es pas dans ton élément, grogne-t-il d’une voix menaçante. Alors, arrêtons ce petit jeu, tu veux ? Tu m’égorges ou tu me suces, mais décide-toi vite parce qu’on n’a pas toute la nuit.

Sa queue tressaille à l’idée de sentir sa bouche chaude sur lui. Merde, ça fait longtemps qu’il n’a pas été aussi excité.

– Euh, Conn ? Sans vouloir te déranger, je saigne, tu sais.

Il inspire et sort de sa transe. La voix de Rylan était le coup de pied au cul qu’il lui fallait pour se réveiller. Rapide comme l’éclair, il saisit son poignet et le serre assez fort pour lui arracher un cri. Il le tord, et son poignard tombe sur le bitume.

– Comment tu t’appelles ?

Elle cligne plusieurs fois des yeux, choquée qu’il ait réussi à la désarmer.

– Hudson.

– Eh bien, Hudson, c’était chouette, mais comme je l’ai déjà dit, on ne recueille pas les brebis égarées, déclare-t-il en se baissant pour ramasser son arme. Tu veux un conseil ? Trouve quelqu’un d’autre pour te protéger.

Sa lèvre inférieure se met à trembler. Merde ! Elle ne va pas chialer, si ? Il est soulagé lorsqu’elle se ressaisit et empoigne le couteau. Elle soulève le bas de sa veste et glisse la lame dans le dos de son pantalon.

– Très bien. J’avais tort. La galanterie n’est vraiment plus de ce monde. Je vous souhaite une belle vie, les mecs.

Il réprime un soupir en la regardant tourner les talons et partir en direction de la route déserte. Il refuse de se laisser affecter par sa mine déçue.

– Comment va ton cou ? demande-t-il à Rylan en s’asseyant au volant.

– J’ai mal, mais c’est juste une égratignure.

– Tant mieux.

Il démarre, mais il ne part pas tout de suite. Du coin de l’œil, il regarde Hudson marcher, la tête haute, son sac sur l’épaule. La brise chatouille ses longs cheveux et les agite dans son dos. À son grand désarroi, il voit Kade et Rylan la regarder, la mine sombre.

– Je l’aime bien, remarque Rylan.

– Moi aussi, mais c’est sans doute parce qu’elle a parlé de nous faire à manger. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai mangé un bon repas. La soupe aux haricots de Xan me sort par les yeux.

– Oublie la cuisine, à cause de Conn, je n’arrête pas de penser à ses lèvres chaudes sur ma bite. Alors, comme ça, elle t’a fait bander ?

Connor grince des dents et passe la première.

– Peu importe. Elle ne vient pas avec nous.

– T’es pas drôle, Conn, soupire Rylan.

– Et toi, t’es fou de l’envisager. Cette femme va nous attirer des ennuis, c’est certain. Elle fuit quelque chose, les mecs.

– Tu connais des gens qui ne fuient pas quelque chose, toi ? ricane Kade.

– Moi, j’aime les ennuis, ajoute Rylan en tournant sa main vers eux pour leur montrer son sang. C’est marrant.

Connor lève les yeux au ciel.

– Le genre d’ennuis que tu aimes te filent une infection et nous obligent à utiliser nos derniers antibiotiques.

Il sort du parking sans allumer les phares, de toute façon, la Jeep n’en a plus qu’un depuis quelques mois. Le 4x4 rebondit sur plusieurs nids-de-poule, annonçant le trajet cahoteux pour rentrer au camp. Cela fait des décennies que les chaussées n’ont pas été rénovées en dehors des murs de la ville. C’est bien ce que désire le Conseil Mondial. Si rien n’est reconstruit, les gens n’auront nulle part où s’installer pour se reproduire, et la dernière chose que veut le CM, c’est que la population de la planète n’explose de nouveau, les ressources sont bien trop maigres. Ils n’arriveront au camp que dans une quarantaine de minutes, et Connor se force à se concentrer sur la route et à ignorer la blonde qui marche au bord de la chaussée.

– Je crois qu’elle t’a fait un doigt d’honneur, ricane Rylan en se tournant dans son siège pour regarder la femme qu’ils laissent derrière eux.

Connor serre plus fort le volant, refusant de regarder dans le rétroviseur avant d’avoir mis plusieurs kilomètres entre eux et Hudson. Toutefois, le souvenir de ce regard de défiance refuse de disparaître.

Emmenez-moi avec vous. Elle avait l’air si désespérée, que fuit-elle ? Est-il affreux d’avoir dit non ?

– On aurait pu la laisser crécher avec nous deux ou trois nuits, dit Kade avec une grimace qui confirme qu’il n’approuve pas la décision de Connor. Tu sais combien c’est dur de voyager seul, surtout pour une femme. Elle a dit que tout son groupe était mort.

– Fais taire ton petit cœur sensible, tu veux ? grogne Connor. On ne peut pas accueillir tous les miséreux du monde. On ne peut pas se permettre d’être plus nombreux, point à la ligne.

– Pourtant tu m’as accepté, moi, répond-il.

Ouais, et Connor commence à le regretter, maintenant qu’il doit supporter son regard accusateur. Il était parfaitement heureux, tout seul, libre et indépendant, à traverser la colonie à la recherche de Dominik. Puis il a rencontré Rylan et Pike, qui ont décidé de le suivre malgré ses protestations. Ils ont rencontré Xander lors d’un raid, puis Kade lorsqu’il s’est enfui de la cité. Ces quatre-là suffisent amplement. Ce serait un désastre d’agrandir le groupe.

Mais dans ce cas, pourquoi se met-il à décélérer ?

– Oh, ricane Rylan, ta conscience ferait-elle enfin son apparition ?

– Va te faire foutre !

Il tourne brusquement le volant pour faire demi-tour au milieu de la route, soulevant un nuage de poussière. Ce fichu Kade et sa culpabilisation !

– Une nuit, aboie-t-il. Deux, maximum. Ensuite, elle reprend sa route.

Aucun des deux ne dit quoi que ce soit, mais Connor voit leurs lèvres trembler et il devine qu’ils répriment un fou rire. Abrutis.

Au loin, devant eux, quelqu’un marche au bord de la route. C’est bien Hudson, seule, son sac sur l’épaule. Elle se raidit et adopte une posture défensive lorsqu’elle entend le bruit du moteur.

– Allez monte, dit-il, en s’arrêtant de l’autre côté de la route.

Elle hésite un peu, puis elle court vers eux. Elle jette son sac à l’intérieur et s’installe aux côtés de Rylan, ne laissant pas le temps à Connor de changer d’avis. Il se tourne sur son siège et lui répète ce qu’il a dit à ses amis.

– Tu peux rester avec nous une nuit ou deux. Pas plus.

– Ça me semble raisonnable.

Raisonnable ? Rien dans toute cette histoire n’est raisonnable. Il lui suffit de la revoir pour que ses veines se gorgent de désir. Il plonge son regard dans le sien et, en plus de sa reconnaissance et d’un léger amusement, il y voit autre chose. De l’excitation. Merde.

Il refait demi-tour et accélère, essayant d’ignorer les présentations qui se déroulent à l’arrière. Quand Hudson se penche en avant pour serrer la main de Kade, elle effleure l’épaule de Connor et il manque sursauter. Il ne quitte pas la route des yeux, regrettant déjà sa décision. Il vient d’inviter une inconnue à passer la nuit dans leur camp, qu’est-ce qui lui prend, bon sang ?

– Laisse-moi voir, dit Hudson à Rylan d’une voix douce.

– Beauté, j’ai connu bien pire que ça, lui dit-il avec son accent texan.

Les ancêtres de Rylan vivaient au Texas autrefois et, même si la région est désormais sous l’eau, il reste encore des traces du sud ici et là.

Connor regarde dans le rétroviseur central et il serre des dents en la voyant tendre la main vers Rylan, qui est terriblement pâle. Cela en dit long sur Rylan, il ne commence à montrer des signes de douleur que maintenant, alors qu’il s’est pris une balle dans le cou.

– Tant mieux pour toi. Mais fais-moi plaisir, tu veux ? Tu as l’air sur le point de t’évanouir.

Elle se penche si près de lui que sa poitrine est plaquée sur son bras et que ses cheveux tombent sur son torse. À en croire l’éclat qui illumine soudain le regard de son ami, cet enfoiré savoure la moindre seconde de l’attention de la jeune femme.

– Ça saigne encore, gronde-t-elle. Tu ne mets pas assez de pression dessus. Je pense que tu auras besoin de points de suture.

Connor vient de se reconcentrer sur la route lorsqu’il entend le bruit d’une fermeture Éclair. Sa gorge se noue lorsqu’il voit Hudson enlever sa veste, la poser sur le siège et empoigner le bas de son débardeur. Il est tellement obnubilé par son strip-tease qu’il ne remarque pas l’énorme nid-de-poule. La Jeep saute comme une balle de tennis, faisant bondir les seins d’Hudson qui débordent de son soutien-gorge noir.

Rylan croise son regard dans le rétroviseur.

– Les yeux devant toi, chante-t-il d’une voix moqueuse.

Connor serre plus fort le volant.

– Voilà ! déclare Hudson d’un ton satisfait.

Elle a roulé son débardeur en boule et elle le tient appuyé sur le cou de Rylan.

– Je regarderai ça de plus près quand on arrivera au campement. Vous avez des bandages, n’est-ce pas ?

Kade se tourne pour lui faire l’inventaire de ce qu’elle pourra trouver au camp, mais Connor ne les écoute plus. Entre les bandits qui sèment le bordel dans le seul bar du coin et cette nana mystérieuse, cette soirée a été un véritable désastre. Trop de questions se pressent dans sa tête. Qui est-elle ? Qui cherche-t-elle à fuir ? Mais surtout : comment va-t-il se débarrasser d’elle ?

 

Un seul coup d’œil suffit à Hudson pour savoir qu’elle a bien fait de s’imposer dans ce camp. Le lieu est aussi sécurisé que la base des Exécuteurs, avec des fils-pièges, des détecteurs de mouvement, et de l’explosif C-4 autour du périmètre. Elle ne leur demande pas où ils ont eu tout cet équipement, elle est juste heureuse qu’ils l’aient.

Sans relâcher la pression sur le cou de Rylan, elle étudie les environs au fur et à mesure que la voiture avance dans les bois. Elle voit une des petites cabanes en forme de tipi sur sa gauche. Les bâtiments sont vieux et abîmés, avec des portes à la peinture écaillée, des porches cassés et des fenêtres fermées par des planches. Les hommes n’ont rien fait pour rendre l’endroit joli, mais au moins ils l’ont sécurisé.

– Vous vivez là depuis combien de temps ? demande-t-elle, curieuse.

– Environ un an, répond Rylan. On est tombés sur cet endroit après qu’un groupe d’Exécuteurs nous a pris en embuscade sur la côte de l’Utah.

Si le père d’Hudson avait été en vie, il aurait secoué la tête en entendant ces mots, la côte de l’Utah. Il était un des rares à avoir été en vie quand le terme « côte » faisait référence à des endroits comme la Californie et l’Oregon, ou encore d’autres lieux dont elle a oublié les noms. Or, depuis les tremblements de terre qui ont ravagé la Terre, suite aux bombardements, ces endroits sont désormais sous l’eau.

L’Utah, pense-t-elle. À cinq cents kilomètres de là où ils se trouvent. Dominik était là-bas il y a quelques mois, et les Exécuteurs ne refont pas de rafle dans un même endroit jusqu’à ce qu’ils aient arpenté le reste de la colonie. Si elle allait vers l’ouest, elle pourrait peut-être l’éviter un bon moment. Peut-être même pour toujours.

L’idée de ne plus jamais le revoir l’attriste terriblement, et une colère noire s’empare d’elle. Bon sang, que t’est-il arrivé, Dom ? Les Exécuteurs avaient un honneur, avant. Ils protégeaient les citoyens et donnaient une chance aux hors-la-loi de réintégrer la société. Dominik était un bon leader. C’était quelqu’un de bien.

Alors, qu’est-ce qui a changé ? Quand les Exécuteurs ont-ils décidé qu’ils aimaient tuer ? Et violer ? Et prendre des camps en embuscade pour éliminer les plus faibles ? Quand son frère est-il devenu un monstre ? Et pourquoi ne l’a-t-elle pas vu venir ?

Hudson ravale sa douleur et son amertume. Elle doit cesser de penser à Dom. Lorsqu’elle a prévu de s’enfuir, elle savait ce que cela impliquait. Ça ne sert à rien de ressasser sans cesse le passé.

– On garde la plupart des vivres dans le chalet principal, dit Kade alors que le véhicule s’arrête.

– Accompagnez Ry, aboie Connor. Je vais planquer la Jeep et faire le tour du périmètre.

Le cœur d’Hudson fait un saut périlleux lorsqu’elle entend sa voix rauque. Cet homme a beau être un parfait enfoiré, elle découvre qu’il lui est impossible de contrôler la réponse de son corps. Il est si viril et si puissant… et quand elle a senti son érection contre sa cuisse, tout à l’heure… Ils étaient à peine entrés en contact qu’une vague de chaleur s’est précipitée entre ses jambes. Elle n’a jamais rien senti de tel, et elle meurt d’envie de ressentir ça de nouveau.

La portière grince, elle comprend que Kade et Rylan l’attendent. Elle déglutit, puis elle sort de la voiture et gravit les marches jusqu’à la grande porte du chalet. Lorsqu’elle remarque que Rylan vacille, elle passe son bras autour de ses épaules.

– Je vais bien, vraiment, proteste-t-il.

– Mais oui. Bien sûr.

Kade appuie sur un interrupteur. Une lumière jaune et chaleureuse illumine la pièce, révélant une buanderie bordélique dont les murs sont recouverts de lambris. Des moutons de poussière flottent, volant de part et d’autre lorsque Kade avance et lui fait signe de le suivre. Ils gravissent quelques marches jusqu’à une grande salle à manger avec de nombreuses tables en bois, toutes couvertes de poussière, et des chaises en osier. Kade continue jusqu’au fond de la pièce, où elle découvre trois gros canapés et un placard métallique rempli de matériel de soins.

Elle dépose Rylan sur un sofa et étudie le contenu du placard. La première étagère est couverte de cachets de toutes sortes, allant de simples antidouleurs jusqu’à des sédatifs puissants. La deuxième étagère est jonchée de gazes et de pansements, et la troisième est réservée aux ustensiles chirurgicaux, seringues, fil pour sutures, équipement de transfusion… Il y a même un défibrillateur.

– Où avez-vous eu tout ça ?

La possession d’un seul de ces objets est punissable de mort.

– Dans des raids. On pourrait ouvrir une clinique, hein ? ricane Rylan.

– Vous seriez fusillés si les Exécuteurs apprenaient que vous avez tout ce matériel.

La médecine est strictement interdite dans les colonies. L’avis du CM est que la nature doit être seule à décider de la vie ou de la mort. Ceux qui tombent malades ou qui se blessent sont censés mourir. Ainsi, il est interdit de soigner les gens afin que le CM contrôle la population mondiale qui avait atteint sept milliards avant la guerre. C’est aussi un moyen d’encourager la population à faire attention. Il faut éviter de se faire mal et de tomber malade, il faut rester en vie. Hudson a entendu ce mantra toute sa vie.

Elle prend ce dont elle a besoin et retourne auprès de Rylan. Ses yeux bleus se posent sur sa poitrine, lui rappelant qu’elle ne porte rien d’autre qu’un soutien-gorge.

– Tu crois que tu pourrais me trouver un tee-shirt ? demande-t-elle à Kade.

– Pas de souci.

Rylan éclate de rire. Son ami part d’un pas pressé.

– Le pauvre. Personne n’a dit que c’était le plus intelligent du groupe.

– Comment ça ? répond Hudson en versant de la Bétadine sur une compresse.

– Ben, à sa place, je ne me dépêcherais pas de te trouver un tee-shirt, explique-t-il en scrutant son décolleté. Allez, je me lance. Hudson, tes seins sont sacrément… aïe ! Ça pique ! Préviens-moi la prochaine fois !

– Ne pleure pas comme un bébé, c’est loin d’être excitant.

– Ce que tu fais à mon cou non plus, si tu veux tout savoir.

Il grogne et se plaint pendant qu’elle nettoie sa blessure, mais il lui obéit quand elle lui dit de se taire pour qu’elle puisse l’examiner. Elle n’est peut-être pas au point sur le troc qui régit la vie des hors-la-loi ni sur l’affrontement avec des bandits, mais ça, c’est son domaine : soigner les blessures de combat, prendre des décisions rapides, aboyer des ordres.

Elle a beau avoir été entraînée au combat, elle a préféré travailler dans le secteur médical plutôt que de rejoindre l’armée. Au moins, elle peut servir à quelque chose dans ce milieu inconnu. Elle pourra être un atout si ces hommes lui laissent une chance.

Rylan ne saigne plus, mais la balle lui a arraché un bon morceau de chair. C’est plus une brûlure qu’une coupure, et il aura une belle cicatrice.

– Je ne pense pas que des points de suture soient nécessaires. On peut se contenter de bander la plaie, conclut-elle en attrapant un bandage et du sparadrap.

Kade revient, suivit de Connor qui grimace toujours. Hudson rassemble son débardeur maculé de sang et la compresse couverte de bétadine.

– Que fait-on de ça ?

– Je m’en occupe. Tiens, c’est pour toi, dit Kade en lui tendant une chemise à carreaux.

Elle l’accepte volontiers et se dépêche de l’enfiler. Elle lui arrive jusqu’aux genoux, mais c’est mieux que rien.

– Comment ça va ? demande Connor à Rylan.

– Beaucoup mieux, répond-il en souriant. Hudson m’a soigné et fait plein de bisous magiques.

Connor fronce les sourcils et Hudson le regarde timidement.

– Pourquoi il n’y a pas plus de gens, ici ? Vous avez plein d’espace et ça semble bien sécurisé. Vous pourriez créer une jolie petite communauté.

– On n’accepte personne, rétorque-t-il.

– Pourquoi ?

– Parce que c’est comme ça, aboie-t-il fermement.

Elle décide de ne pas insister.

– D’où vous vient votre électricité ?

– On a un générateur. Il y a un puits tout près et la plomberie fonctionne, mais on n’essaie d’utiliser l’eau chaude qu’en cas de nécessité, parce que le chauffe-eau pompe toute notre énergie. Il y a des toilettes dans les bois, et chaque cabane a sa douche et sa baignoire.

Elle retient son souffle. Waouh, une baignoire. L’idée de plonger dans un bain, même froid, la fait frissonner de plaisir. Cela fait sept jours qu’elle marche sans s’arrêter, pressée de s’éloigner autant que possible de Dominik. Elle ne s’est guère laissé le temps de dormir, encore moins de se laver. Elle s’est arrêtée au bord de ruisseaux pour se passer un peu d’eau sur le visage et sur le corps, mais elle se sent affreusement sale.

Elle sent que Connor la regarde et lorsqu’elle lève la tête, elle remarque que ses yeux sont plus verts que noisette, comme les feuilles des arbres dehors.

– Laisse-moi deviner, tu veux prendre un bain ? dit-il en soupirant.

– Plus que tout au monde.

Elle croit voir un minuscule sourire se dessiner sur ses lèvres.

– Très bien. Viens, je t’accompagne dans une des cabanes.

– Tu es sûr ?

– Tu veux prendre un bain ou pas ?

– Merci…

Il est déjà parti, l’obligeant à lui courir après.

Ils sont sur le pas de la porte lorsqu’il lui adresse de nouveau la parole.

– Une nuit, dit-il sèchement en saisissant son bras. Une nuit, puis tu t’en vas.

Elle hoche lentement la tête, ce qui semble le satisfaire, car il la lâche et poursuit son chemin. Elle le suit, soulagée qu’il soit devant et qu’il ne voie pas sa détermination. Elle n’était pas sincère en hochant la tête, car elle n’a absolument pas l’intention de repartir demain.

Il ne lui reste plus qu’à trouver un moyen de convaincre Connor de la laisser rester.

CHAPITRE 3

– C’est bon, ton bain est prêt, annonce Connor en sortant de la salle de bains.

Hudson est assise sur le lit, penchée en avant pour défaire ses cuissardes. Elle en dégage une, puis l’autre, et Connor fait de son mieux pour ne pas mater ses longues jambes. Cette envie permanente de la sauter commence à être lassante. Il bande depuis qu’il l’a rencontrée, bon sang. Mais il est déterminé à ignorer sa queue et à ne se servir que de sa tête.

Il lui a donné la cabane la plus proche du chalet principal, juste à côté de la sienne, parce qu’il ne veut pas la quitter des yeux et que les cabanes dans les bois sont sens dessus dessous. Il a demandé à Kade d’apporter des draps propres, des coussins moelleux et une couette épaisse, et il a même réglé la température de l’eau sur « tiède » plutôt que « glaciale ». Cependant, ce n’est pas par bonté de cœur, non. Il veut simplement qu’elle baisse sa garde et qu’elle lui fasse confiance et, une fois qu’elle se sentira en sécurité, il se débrouillera pour obtenir les réponses qu’il cherche.

– Encore merci, dit Hudson en se redressant.

– Tu trouveras du shampoing dans le placard sous le lavabo.

Elle disparaît dans la salle de bains et ferme la porte derrière elle. Connor ne part pas pour autant. Il reste devant la porte, à attendre, à écouter. Il entend le bruissement de ses vêtements qui atterrissent par terre, et il l’imagine nue. Soudain, il se voit enfoncer la porte à coups de pied et l’attirer dans ses bras, plaquant son torse contre ses seins et sa chatte sur sa queue.

Bien évidemment, ça ne l’aide pas à éteindre le feu qui fait rage dans son froc. Ça irait beaucoup mieux si ça ne faisait pas des mois qu’il n’a pas baisé. Au moins quatre, se dit-il. Il s’était saoulé et avait laissé Rylan l’emmener dans cette maison close dans les montagnes. Pas étonnant que son corps soit hors de contrôle à ce point devant une femme aussi canon qu’Hudson.

Il retourne au pied du lit, où Hudson a posé ses affaires. Il prend sa veste et inspecte ses poches intérieures, haussant les sourcils lorsqu’il y trouve tout un arsenal planqué dans les différentes couches du tissu. Il fouille ensuite son sac et trouve tout de suite un 9 mm entre deux tee-shirts.

Lorsqu’il a fini de tout retourner, il a fait l’inventaire de cinq flingues et huit couteaux, sans compter les six poignards dans sa veste. Cette femme est armée jusqu’aux dents, il ne sait pas s’il doit être impressionné ou suspicieux. Sans doute les deux.

Il entend un plouf, lui indiquant qu’Hudson est dans la baignoire. Il se tient plus droit, épaules en arrière, et déboule dans la salle de bains au moment où ses seins glissent sous l’eau.

– Qu’est-ce que tu fais ? s’exclame-t-elle.

Elle était en train d’attacher ses cheveux mais elle les laisse retomber quand elle le voit.

Il ne peut s’empêcher de regarder, longuement, sa poitrine généreuse et ses tétons roses, puis le délicieux paradis entre ses jambes. Il n’y a pas un poil sur sa chatte et sa queue adore.

– Je profite de la situation, ricane-t-il. Je veux des réponses, chérie, et tu vas me les donner tout de suite.

Elle a l’air consternée. Elle pose une main sur son sexe et l’autre sur ses seins, ce qui ne fait que confirmer les soupçons de Connor. Les femmes Insurgées ne se cachent pas, elles sont habituées à vivre dans des campements où il n’y a aucune intimité. Où la pudeur n’existe pas.

– Tu peux dégager, s’il te plaît ? demande-t-elle d’une voix pleine de mépris.

– Non.

Il s’appuie sur l’encadrement de la porte et rive son regard sur elle.

– Tu es qui ? D’où tu viens ?

Elle soutient son regard et, même si elle rougit, il voit qu’elle n’a pas peur de lui.

– Je vivais à l’est avec un groupe de gens.

– Qui ont tous été tués, ajoute-t-il, répétant ses mots. Raconte-moi comment ça s’est passé, exactement ?

– C’était pendant une rafle. Les Exécuteurs nous ont pris en embuscade pendant la nuit, et ils ont sorti tout le monde des tentes. Je marchais dans les bois quand c’est arrivé. J’ai entendu les cris et les coups de feu et j’ai su qu’il se passait quelque chose d’affreux. Je me suis cachée, admet-elle avant de marquer une pause. Tu peux me laisser tranquille, maintenant ?

– Non. Autant te savonner avant que l’eau ne refroidisse, bébé.

Elle hésite un instant puis elle soupire, enlève la main qui couvre ses seins et saisit le savon sur le rebord de la baignoire.

Connor se force à se concentrer de nouveau alors qu’il a été momentanément distrait par ses seins.

– Et après, qu’est-ce qui s’est passé ?

Elle fait mousser le savon entre ses mains et le promène sur son corps sans jamais le regarder. Sa peau est rougie et ses mains maladroites. À l’évidence, elle n’est pas habituée à être observée ainsi, mais Connor se fout de la mettre mal à l’aise.

– Les cris ont fini par cesser et les Exécuteurs sont partis, dit-elle simplement. Je suis retournée au camp et j’ai trouvé tout le monde mort.

Elle raconte l’histoire d’une voix lointaine, comme si c’était arrivé à quelqu’un d’autre.

– J’ai quitté le camp le lendemain matin…

– Et tu t’es débrouillée pour garder tout ton arsenal ?

– Je l’avais dans les bois. Je ne pars jamais sans.

– D’accord, si tu le dis. Et ensuite ?

– Je savais qu’il fallait que je m’éloigne autant que possible de ce coin, alors j’ai fui.

Elle tend le bras pour prendre la bouteille de shampoing sur le rebord de la baignoire. Elle l’ouvre et en verse une dose généreuse dans sa paume, puis elle penche la tête en arrière pour se mouiller les cheveux et lorsqu’elle émerge, elle se masse lentement le crâne avec le shampoing.

Bon sang, cette femme est spectaculaire. Elle n’a pas un gramme de graisse sur elle, mais elle n’est pas dépourvue de courbes pour autant. Il s’arrête de nouveau sur ses seins et il salive en s’imaginant les empoigner et pincer ses tétons.

Elle s’immerge de nouveau pour se rincer, puis elle remonte à la surface.

– Je marchais la nuit et dormais pendant la journée, souvent dans les bois. Je pensais aller sur la côte Ouest, mais j’ai croisé un mec qui m’a parlé de ce bar. J’y suis allée, je vous ai rencontrés, et voilà.

Il ne la croit pas. Pourtant, son histoire ressemble à toutes celles qu’il a entendues des centaines de fois. Les amis ou la famille ont été tués pendant une rafle, et la personne s’est retrouvée seule dans un monde dangereux. Ça lui est arrivé, à lui, à ses amis, aux étrangers qu’il a croisés, et il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas arrivé à Hudson. Mais il ne la croit pas.

– Et ton entraînement ? Et tes connaissances médicales ? Comment tu as appris tout ça, chérie ?

– Dis donc, tu peux arrêter de m’appeler chérie ?

Son ton agacé le prend de court. Cela dit, peut-être est-il déstabilisé parce qu’elle sort de la baignoire et qu’il ne peut plus ignorer… eh bien… tout. Des gouttes coulent sur sa peau pâle et lisse, luisant sur ses seins, ruisselant sur ses superbes jambes. Il lui suffirait de tendre le bras pour la toucher et lécher toutes les gouttelettes qui sillonnent le long de son corps superbe.

– Tu dis ça comme si c’était une insulte, poursuit-elle, et pas un terme affectueux. Alors, à moins que tu veuilles que je t’affuble d’un surnom aussi méprisant, comme mon chou à la crème ou un truc du genre, appelle-moi par mon prénom, s’il te plaît.

Connor doit se retenir de sourire.

– Maintenant, passe-moi la serviette, j’ai froid.

Ses joues roses la trahissent. Cette nana n’est pas habituée à être nue devant un homme, c’est évident. Mince, est-ce qu’elle est vierge ? Sa queue tressaille à l’idée d’être la première à se glisser dans son corps chaud et étroit. Bon sang, il faut vraiment qu’il baise. Et vite. Avant de faire quelque chose de stupide.

Il saisit une serviette derrière la porte et la lui tend sans un mot. Elle s’enveloppe dedans, en bloque un coin sur sa poitrine, puis elle lui passe devant et retourne dans la chambre.

– Ton entraînement, répète Connor.

– Dans mon groupe, il y avait des gens qui s’étaient battus dans l’Armée du Peuple avant qu’elle ne soit dissoute.

Dos à lui, elle sort des vêtements propres de son sac, mais elle s’arrête et il voit ses épaules se crisper, comme si elle ne savait pas quoi faire. Elle laisse finalement tomber sa serviette, lui offrant une vue plongeante et insoutenable sur le plus beau cul qu’il n’ait jamais admiré. Tout son sang se précipite dans sa queue pulsante. Grandis, bon sang, se dit-il.

– Ils m’ont appris à me battre, déclare-t-elle. Et l’un d’entre eux était soigneur, alors il m’a appris les bases.

Elle se trémousse pour enfiler une culotte rouge, puis un legging noir et un t-shirt blanc un peu trop large.

– Mais je suppose que quand les Exécuteurs ont trouvé notre camp, il n’a servi à rien que mes amis se battent. Ils ont de meilleures armes, de meilleurs véhicules, ils sont mieux équipés. Mon groupe n’avait pas la moindre chance de s’en sortir.

Ce n’est pas la première fois que Connor entend ces mots. Il les a prononcés lui-même puisqu’il a vu de ses propres yeux ce dont ces enfoirés sont capables. Dominik et ses hommes sont sans pitié. Mais, bon sang, il n’arrive toujours pas à la croire.

– Tu mens, déclare-t-il d’un ton glacial.

Elle fait un pas vers lui, et ses narines sont assaillies par un parfum de savon et de shampoing à la noix de coco. Il retient son souffle, refusant de se laisser enivrer. Tout chez cette femme semble le perturber ; sa manière de marcher, sa détermination, le paradoxe étrange qu’est sa vulnérabilité intrépide, sa façon de lui donner envie de plonger sa bite en elle et de la prendre jusqu’à ce qu’elle en perde la tête.

– Connor… commence-t-elle.

– Tu mens. Je ne sais pas pourquoi, et je m’en fiche, mais tu mens.

Une lueur de panique illumine brièvement son regard.

– Mais bon sang, qu’est-ce que tu veux entendre ?

– La vérité, pour commencer.

Ses épaules s’affaissent et elle semble se résoudre à lui parler.

– Tu ne peux pas te satisfaire de la version que je t’ai donnée ?

Il ricane malgré lui en l’entendant admettre son men-songe.

– Désolé, chérie, je ne me satisferai que de la vérité.

– Et si la vérité est trop horrible ? Si elle est impardonnable ?

Il hausse les épaules.

– On a tous fait des choses horribles et impardonnables. Moi aussi. Tu n’as qu’à parler à Kade de ce qu’il a fait dans la cité avant de s’enfuir. La seule différence, c’est que nous, on assume. On ne se ment pas.

Elle hésite un instant, ouvrant la bouche pour lui dire la vérité, puis elle se ravise.

– Je mettrai la main à la pâte, chuchote-t-elle. Je peux vous aider dans votre raid. Je ferai à manger, le ménage, tout ce que tu veux.

– Tout ce que je veux ? répète-t-il d’un ton lourd de sous-entendus.

Mais pourquoi joue-t-il à la séduire, au juste ?

– Alors c’est ça ? Je dois écarter les jambes pour que tu m’offres un toit ?

Il hausse les épaules.

– Je n’ai pas besoin de négocier pour baiser. Je connais un tas de femmes qui se feront un plaisir de coucher avec moi si je le veux, et elles ne demandent rien en échange.

Si son soulagement est évident, la déception d’Hudson à l’idée de ne pas coucher avec lui est moins facile à voir, mais pas impossible. Connor plonge son regard dans le sien et ricane lorsqu’il voit sa désillusion.

– Tu voulais que je dise oui, déclare-t-il en penchant la tête sur le côté. Tu voulais que la décision soit entre mes mains, n’est-ce pas ?

– Je ne sais pas de quoi tu parles.

– Tu crèves d’envie de coucher avec moi, répond Connor en faisant un pas vers elle.

Elle recule jusqu’à la table de nuit et il se rapproche encore, ne s’arrêtant que lorsqu’ils ne sont plus qu’à une dizaine de centimètres l’un de l’autre.

– Je suis sûr que tu ne protesterais pas, hein ? Si je te couchais sur cette table et te tringlais aussi fort que possible ? Ouais, t’adorerais ça, ricane-t-il en la voyant frissonner.

– Je n’en doute pas, chuchote-t-elle en le regardant dans les yeux. Je suis sûre que tu sais comment faire hurler les femmes de plaisir.

Connor hausse les sourcils, surpris. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle réponde, et surtout pas à ce genre de réponse.

– Je pourrais te faire ressentir beaucoup de choses, Hudson, du plaisir… de la douleur… Si tu m’attires des ennuis, je n’hésiterai pas à te foutre dehors.

– Tu n’auras pas d’ennuis, répond-elle en se tenant plus droite. Surtout si cet endroit est aussi sécurisé qu’il m’en a l’air.

– Tant mieux.

Il hoche la tête et tourne les talons.

– Connor.

Il s’arrête et attend, dos à elle.

– Oui.

Il fronce les sourcils et se tourne vers elle.

– Oui quoi ?

Elle désigne la table d’un mouvement de tête.

– Si tu faisais… ce que tu as décrit… alors oui. J’adorerais, susurre-t-elle.

Sans un mot, il sort de sa cabane, marchant avec difficulté à cause de son énorme érection. Ses premières impressions étaient justes. Cette femme est très, très dangereuse.

 

– J’aime pas ça, déclare Pike le lendemain matin.

Il pousse de côté la tasse de café que Connor a mise devant lui, mais ils savent tous deux qu’il ne parle pas du café.

– Moi non plus, ajoute Xander. Pourquoi vous avez ramené une étrangère au camp ?

Connor fronce les sourcils et se laisse tomber sur la chaise en face de Pike. Il a envoyé Kade chercher ses hommes au bar et celui-ci en a profité pour annoncer à Pike et Xander qu’ils avaient une nouvelle invitée. C’est la première chose dont Pike a parlé quand il a passé la porte du chalet.

– Eh, c’est pas moi qu’il faut regarder, marmonne Connor. C’est ces abrutis qui m’ont fait culpabiliser.

– On t’a pas fait culpabiliser ! On t’a juste dit la vérité, gronde Kade en contenant à peine sa colère, lui qui est toujours si calme. C’est dangereux pour elle, d’être seule. Ça l’est pour n’importe qui. Dominik et ses hommes sont déchaînés.

Sur ce point, Connor ne peut qu’être d’accord. Les rumeurs qui leur arrivent ces derniers temps sont de pire en pire, racontant toujours plus de viols et de violence. L’époque où ces hommes étaient chargés de ramener la paix est bien révolue. Les Exécuteurs ne laissent plus la possibilité aux insurgés de rejoindre la société. Ces jours-ci, ils leur mettent une balle entre les deux yeux et se félicitent d’avoir fait du bon boulot.

– Écoutez, elle est intelligente et elle sait se battre, poursuit Kade. Elle pourrait être un atout.

– T’as oublié de dire qu’elle était canon, ajoute Rylan.

– Alors c’est ça ? demande Pike en fronçant les sourcils. Vous l’avez amenée ici pour la baiser ? Vous pouvez trouver des chattes n’importe où, bon sang. Et des chattes qui ne demandent pas à être hébergées.

– Elle ne va pas rester, dit Connor.

– Tant mieux. Il faut qu’elle parte avant le raid de ce soir, répond Xander. C’est déjà assez risqué comme ça.

– Vous avez parlé aux gens du bar ? demande Connor.

– Ils nous ont déconseillé d’y aller. Apparemment, cet entrepôt est encore plus surveillé que les autres. Il y a des détecteurs de mouvement, des caméras et au moins six Exécuteurs.

– Il n’y en a que deux, dit une voix de femme.

Les hommes se tournent au moment où Hudson entre dans le chalet, vêtue d’un pantalon moulant en cuir noir qui fait immédiatement bander Connor. Son tee-shirt gris clair comme ses yeux est tellement usé qu’il est transparent, et Connor sait qu’il n’est pas le seul à remarquer qu’elle ne porte pas de soutien-gorge.

Le regard approbateur de Rylan l’oblige à réprimer un juron. Bon sang, même Xan a l’air chaud comme la braise. Et puis merde, il est hors de question que ses hommes se laissent distraire par Hudson, surtout pas maintenant.

– Salut, je m’appelle Hudson, dit-elle en souriant aux nouveaux arrivants. Je peux me servir un café ?

Xander, qui vient de se plaindre de sa présence, se dépêche de lui servir une tasse. Cet abruti lui offre même une chaise. Génial. Il a fallu deux secondes à ce débile pour changer d’avis.

– Merci, répond-elle avant de boire une gorgée. Bref, comme je disais, vous ne rencontrerez que deux gardes.

– Ah ouais ? Et comment tu le sais ? rétorque Connor.

Elle hausse les épaules.

– J’ai croisé un déserteur il y a quelques jours, quand je me dirigeais par ici. Il m’a donné des infos utiles.

Le regard noir de Pike révèle la méfiance que tous les autres ressentent.

– Ah ouais ? C’est bizarre, parce que nous, on n’a jamais croisé de déserteurs, par ici.

– Ils ne le crient pas sur tous les toits, mais croyez-moi, il y en a.

– T’en as croisé beaucoup ? demande Connor d’une voix suspicieuse.

– Seulement deux. Il y en avait un dans mon groupe, avant qu’il ne soit tué.

– C’est marrant, t’en as pas parlé hier soir.

– Ça ne me paraissait pas important.

Ces gestes sont délicats lorsqu’elle boit son café, mais l’innocence de son langage corporel n’est qu’un leurre. Certes, elle a rougi quand il l’a vue à poil, hier soir, mais son manque d’expérience sexuelle n’est pas synonyme de faiblesse. Cette femme est dure, il suffit à Connor de la regarder pour le savoir.

Elle a beau boire son café comme si elle ne se souciait de rien, il sait qu’elle est méticuleusement consciente de tout ce qui l’entoure : la position des hommes, les armes sur la table, les différentes issues, tout. Son regard est aussi vif que le sien, et soudain, une pensée complètement folle lui vient à l’esprit.

Est-elle un Exécuteur ? Un des déserteurs dont elle a parlé ? Non, c’est impossible. Tous les Exécuteurs sont marqués par une rose des vents. Les hommes l’ont tatouée sur leur nuque, et les rares femmes qui rejoignent l’unité militaire la portent sur leur poignet.

Avant qu’elle ne puisse réagir, Connor se penche sur la table et saisit ses mains. Elle pousse un cri aigu, sa tasse se met à trembler, renversant du café partout. Il empoigne le mug, le pose sur la table et tourne ses poignets vers le haut.

Rien.

– T’as fini ? demande-t-elle en le fusillant du regard.

Il la lâche sans un mot et le soulagement qu’il ressent est immédiat. Il l’avait à peine touchée que son sang s’est embrasé et s’est précipité dans ses couilles. Peut-être qu’il ferait mieux de la baiser, ça lui permettrait de passer à autre chose.

Leurs regards se croisent et il croit lire une fascination dans le sien, comme s’il l’intriguait.

– Bref, dit Rylan en se raclant la gorge et en observant Connor d’un air amusé. Alors, ta source t’a dit que la sécurité à l’entrepôt avait été diminuée

– Oui, il en était certain. Apparemment, les Exécuteurs s’inquiétaient d’avoir trop d’hommes dans les entrepôts et pas assez dans les cités ou pour les rafles. Ils ont supprimé des gardes, mais ils les ont remplacés par des mines terrestres.

– Merde, marmonne Rylan.

– Des mines terrestres ? répète Connor d’une voix pleine de sarcasme. Ta source ne t’a pas dit à quel genre d’explosif on avait affaire ?

– Désolée, c’est tout ce qu’il m’a dit. Mais je suppose qu’il parlait du genre qui fait boum, rétorque-t-elle d’un ton moqueur.

– Tu n’as pas d’autres infos utiles ? demande Pike. Les emplacements, les mécanismes déclencheurs, le rayon d’explosion ?

– Désolée, répète-t-elle.

Connor réprime un juron en repensant à ce qu’elle vient de dire. Il devrait repousser le raid tant qu’ils n’auront pas mené une nouvelle mission de reconnaissance. Ils avaient compté six Exécuteurs la dernière fois, ce qui était plutôt habituel. En revanche, ils ne sont pas préparés à affronter des mines terrestres.

Toutefois, ils ont désespérément besoin de vivres. Ils n’ont plus d’antibiotiques parce que Rylan est un abruti impulsif qui ne peut s’empêcher de se faire mal chaque fois qu’il passe la porte. Ils ont besoin de munitions, aussi, et de piles, s’ils en trouvent. Leur stock de nourriture est plutôt bon, mais ça ne leur ferait pas de mal de faire le plein avant l’hiver. En supposant qu’ils passent l’hiver ici, bien sûr. Pour l’instant, leur campement est sécurisé, mais ça pourrait changer du jour au lendemain.

– On repousse à plus tard ? demande Rylan, lisant dans ses pensées.

– Non, mais il faut qu’on parte tout de suite, rétorque Connor après avoir réfléchi.

Les autres ont l’air surpris. Ils ne voyagent jamais en plein jour à moins d’y être contraints.

– T’es malade ? demande Xander.

– On doit être prêts à passer à l’attaque ce soir. Donc, on doit inspecter les lieux de jour. On va observer la rotation des gardes, quel que soit leur nombre, et on évaluera le risque que représentent les mines avant d’envisager quoi que ce soit.

La réticence des hommes se dissipe et ils hochent la tête. Connor n’aime vraiment pas la confiance implicite qu’ils ont en lui. Techniquement, Rylan et Pike ont plus d’expérience militaire que lui puisqu’ils étaient dans l’Armée du Peuple. Elle a beau avoir été « officiellement » dissoute il y a vingt ans, des Insurgés continuent de s’entraîner et de se battre en attendant l’occasion de reprendre le pouvoir des mains du CM.

Quant à l’entraînement de Connor, il a pris fin quand il avait dix ans, le jour où son père a pris une balle dans la tête. Il a appris le reste tout seul, car il devait protéger sa mère et le reste du groupe, majoritairement constitué de femmes et d’enfants puisque la plupart des hommes avaient connu le même sort que son père. Il n’avait jamais demandé à être le meneur du groupe et il ne veut pas non plus l’être aujourd’hui. Il ne supporte pas l’idée qu’il pourrait avoir d’autres morts sur la conscience.

– Et elle ? demande Pike en désignant Hudson.

– Je suis là, tu sais, siffle-t-elle. Pas besoin de parler de moi à la troisième personne.

– Et si tu te taisais, fillette, hein ? aboie Pike. Si t’es là, c’est seulement parce que mes amis pensent avec leur bite et pas leur cerveau.

Hudson a l’air furieuse, mais elle a le flair de ne rien dire.

– Pike n’a pas tort, dit Rylan. On ne peut pas laisser Hudson seule ici. Sans vouloir t’offenser, ajoute-t-il en la regardant.

– Pas de souci. On ne se connaît pas. Mais je n’ai pas menti hier soir. Je sais me battre et je sais comment opèrent les Exécuteurs. Je pourrais vous être utile si vous me laissiez une chance.

Tous les regards se rivent sur Connor.

– Waouh, ricane Hudson. Ils t’obéissent au doigt et à l’œil. Je suis épatée.

Il ignore sa remarque, réfléchissant à ce qu’il doit faire. Il passe son temps à réfléchir, bon sang, et il est épuisé.

Il étudie le visage d’Hudson, ses cheveux dorés, ses traits parfaits. Sa beauté est une distraction, mais contrairement à ce que pense Pike, Connor ne réfléchit pas avec sa bite. Peut-être qu’il couchera avec cette femme, peut-être pas. Pour l’instant, la seule chose qui l’intéresse, c’est ce qu’elle peut faire pour lui en dehors de la chambre. Il a vu sa force, elle l’a menacé d’un poignard sur la gorge, hier soir, et ce genre de chose n’arrive pas vraiment souvent.

– Elle vient avec nous, dit-il fermement.

– Merci, tu ne le regretteras pas, répond la jeune femme, et son visage s’illumine.

Connor tourne la tête et recule sa chaise.

– On part dans une heure.

CHAPITRE 4

Ils ne doivent jamais savoir la vérité sur elle.

Hudson a failli tout avouer à Connor hier soir, quand il l’a capturée avec son regard hypnotisant et a parlé de la prendre sur la table. Heureusement, à la dernière minute, son bon sens a repris le dessus. Elle a entendu la façon dont ils parlent des Exécuteurs. S’ils savaient qui elle est, il la tuerait sans hésiter ou ils la renverraient à la cité.

Mais elle ne peut pas y retourner. Elle n’est peut-être pas en sécurité parmi les Insurgés, mais elle ne l’est pas plus avec Dom. Son frère est aujourd’hui un étranger pour elle, et la vie qu’elle a menée toutes ces années est devenue plus dangereuse que tout ce qu’elle pourrait affronter ici, en terre libre. Si Dominik n’est peut-être plus à sa recherche, elle est certaine que Knox ne la laissera pas s’en tirer comme ça.

Un frisson parcourt son échine quand elle se remémore son visage beau et cruel, ses yeux féroces et son rictus permanent. Elle n’ose pas imaginer ce qu’il lui fera s’il la retrouve. Si son propre frère a refusé de la protéger contre ce monstre, personne dans la cité ne lui viendra en aide.

Elle doit donc se protéger elle-même. Elle doit se taire et prouver à Connor et à ses hommes qu’elle est digne de confiance. Or, c’est plus facile à dire qu’à faire. Le fait que Connor ait inspecté ses poignets, tout à l’heure, lui laisse penser qu’il se méfie plus qu’elle ne l’imaginait. Elle n’a jamais été aussi reconnaissante envers son père de l’avoir tatouée sur la nuque. Il voulait qu’elle se sente l’égale de Dominik et qu’elle soit traitée comme un des garçons. Toutefois, son titre d’Exécuteur était honorifique plus qu’autre chose, car elle était loin d’en être un. Hudson était infirmière. Elle aidait les gens. Elle était quelqu’un de bien, bon sang. Elle a beau être collée à Connor, elle continue de sentir sa méfiance. Il a refusé de la laisser hors de sa vue, insistant pour qu’elle monte à moto avec lui. Ça fait deux heures qu’elle s’accroche à son torse musclé alors que la bécane dévale les chemins de terre.

Les muscles qu’elle sent sous ses paumes lui font tourner la tête. Chaque morceau de chair est bandé sous ses doigts. Ce type a un corps incroyable. En dépit du vent qui fouette son visage et fait virevolter ses cheveux, elle sent son parfum boisé et viril et elle ne peut se retenir de le respirer chaque fois qu’elle tourne la tête.

Il ralentit en empruntant une route parsemée de touffes d’herbe. Ils n’ont pas aperçu la moindre ville jusqu’à maintenant, mais ils approchent d’un endroit qui montre les signes d’une civilisation ancienne. Elle voit des maisons délabrées et des boutiques abandonnées, mais elle n’a pas le temps de les observer car Connor accélère et tourne sur une autre route.

Ils n’arrivent à leur destination qu’une heure plus tard. Il s’agit d’un bosquet derrière un entrepôt entouré d’un grillage. Tout a l’air brillant et neuf, comparé aux autres bâtiments qu’elle a vus. La clôture fait presque quatre mètres de haut et elle est surmontée de fil barbelé. Au sommet de chaque piquet se trouve une caméra de surveillance.

Hudson est toujours surprise de voir de la technologie dernier cri en dehors des murs de la cité de l’Ouest, même si elle sait que le Conseil Mondial s’assure d’entretenir quelques tours de télécommunication et de garder des satellites en état de marche pour aider les Exécuteurs qui travaillent en dehors de la ville.

Elle descend de la moto et tressaille quand Pike vient vers eux. Honnêtement, ce type lui fout vraiment la trouille. De tous les mecs, c’est le plus dur à déchiffrer, même si elle a tout de suite deviné qu’il ne l’aimait pas et qu’il ne lui faisait pas confiance. Il ne veut clairement pas de sa présence. Si ça ne tenait qu’à lui, elle aurait été virée sans plus discuter. Donc… si elle veut rester avec eux, elle doit séduire Pike.

Ou peut-être doit-elle se concentrer sur Connor, car Pike semble s’en remettre à lui, même quand il est en désaccord avec ses décisions. Quoi qu’il en soit, il lui suffirait de conquérir ces deux-là pour mener une vie paisible. Sauf que… bon sang, les vies paisibles n’existent pas… pas dans ce territoire inconnu, et pas quand elle désire Connor plus que son prochain souffle.

– On se sépare, aboie le chef de la bande. Prenez vos postes. Couvrez chaque façade, comme d’habitude. Hudson et moi restons ici.

Elle s’émerveille de voir la vitesse à laquelle les hommes se mettent en action. Elle n’a jamais vu un homme avec une telle autorité naturelle. Même son frère, qui commande les Exécuteurs depuis des années, n’obtient pas la même loyauté de ses hommes.

Elle se demande si Connor a déjà entendu le mot « non ». Elle en doute sincèrement.

– Dis-moi ce que tu vois, dit-il quand les autres sont partis.

Il lui donne des jumelles et désigne l’entrepôt à deux cents mètres d’eux.

Est-ce que c’est un test ? Elle inspire lentement et observe le bâtiment. Sa gorge se noue lorsqu’elle aperçoit l’uniforme d’un Exécuteur : noir avec une rose des vents rouge sur la poche de son pectoral droit. Elle savait qu’elle courait le risque de voir quelqu’un qu’elle connaissait en venant, mais elle est persuadée que Connor ne la laissera pas entrer dans un entrepôt plein d’armes alors qu’elle pourrait les utiliser contre eux. Heureusement pour elle, le jeune homme en noir lui est parfaitement inconnu.

Elle étudie les environs pendant environ deux minutes avant de rendre les jumelles à Connor.

– Il y a un seul garde à l’extérieur. Il a un walkie-talkie accroché à la ceinture, donc il est en contact avec quelqu’un, sans doute celui qui est posté dedans.

Connor hoche la tête et prend le relais, effleurant son épaule lorsqu’il regarde à son tour dans la lunette.

A-t-elle passé le test ? Aucune idée.

Elle étudie son profil sculpté, déglutissant pour ravaler le nœud de désir qui chatouille sa gorge. Il est tellement sexy. Il est si imposant et il respire le pouvoir. À ses côtés, le corps d’Hudson reprend vie et se met à pulser comme jamais. Le sexe est loin d’être exceptionnel à la caserne. Les hommes baisent avec autant de force qu’ils se battent, et Hudson n’a pas eu les mêmes privilèges que tout le monde. L’omniprésence de son frère a eu pour résultat qu’aucun homme n’osait la toucher. Seuls deux hommes ont trouvé le courage de coucher avec elle, et Dom les a tabassés à mort quand il l’a découvert.

Connor tourne la tête et son regard se rive sur elle.

– T’en crèves d’envie, n’est-ce pas, chérie ?

– Je ne vois pas de quoi tu parles.

– C’est quand la dernière fois que t’as tiré ton coup ? répond-il en riant.

Bon sang, pourvu qu’il ne la voie pas rougir.

– Ça ne te regarde pas, rétorque-t-elle. Et toi, c’était quand ?

– Il y a bien trop longtemps, grogne-t-il. C’est pour ça qu’il va falloir que tu arrêtes de me regarder comme ça. Je risque de faire quelque chose que je vais regretter.

Un désir électrique parcourt son corps, et sa peau se couvre de chair de poule lorsqu’il bouge de nouveau et effleure son sein avec son coude. Son téton durcit immédiatement et, instinctivement, elle se tourne légèrement de côté pour se frotter à lui.

Mon Dieu, elle a tellement envie de cet homme qu’elle peine à respirer.

– Ne t’amuse pas à m’aguicher, aboie-t-il.

– Pourquoi pas ? rétorque-t-elle sans y penser.

– Crois-moi, tu n’as pas envie d’essayer.

Or, elle en a envie. Désespérément. Elle n’a jamais rencontré quelqu’un comme lui, aussi viril et animal. Ses muscles saillants l’excitent, parce qu’elle sait qu’il ne serait pas tendre.

Il ne la traiterait pas comme de la porcelaine, comme les autres l’ont fait. Ils avaient tellement peur de laisser des marques, que Dominik apprenne ce qu’ils avaient fait… et ils avaient raison d’avoir peur.

Connor semble n’avoir peur de rien.

Il doit voir sa déception, car il glousse de nouveau. L’instant d’après, il tend la main et empoigne le sein qu’elle frottait contre lui. Elle retient son souffle et pousse un petit cri lorsqu’il le serre plus fort que quiconque auparavant, y compris elle-même. Son pouce calleux appuie sur son téton, lui arrachant un gémissement.

– Tu veux que je te baise ?

Elle n’arrive plus à respirer. Elle ne savait pas qu’un désir si fort pouvait être douloureux. Son appétit paralyse sa gorge et pulse entre ses jambes, déclenchant des picotements d’excitation dans tout son corps.

– Alors ? insiste-t-il.

Elle se surprend de nouveau en hochant la tête. Le regard de Connor s’enflamme pendant qu’il titille son téton, dessinant des cercles autour de sa pointe érigée. Hudson est immobile, captivée par son regard de braise et les pulsations insoutenables de son clitoris.

– Ah ouais ? Tu crois que tu peux me supporter ? Tu crois que tu pourras le supporter quand j’écarterai tes jambes et te baiserai avec ma langue ? Quand je te chevaucherai si fort que tu ne pourras plus marcher.

Nom de nom !

Une pression intense s’accumule dans son bas-ventre et elle serre les cuisses. Elle est presque certaine d’avoir cessé de respirer il y a un moment. Ses poumons sont en feu et sa gorge est nouée.

– Réponds-moi, marmonne-t-il. Tu penses que tu peux le supporter ?

Elle parvient à hocher la tête de nouveau, puis elle encaisse une nouvelle vague de plaisir lorsqu’il pince son téton. Quand il lâche brusquement son sein, elle manque pleurer de désespoir.

Qu’est-ce qui lui arrive, bon sang ? Il y a deux jours, son seul souci était de fuir la colonie de l’Ouest et d’aller aussi loin que possible, et maintenant elle ne pense plus qu’à écarter les jambes et laisser Connor la prendre.

– Tu veux ma queue, Hudson ? demande-t-il d’une voix grave et séductrice.

Elle hoche la tête, envoûtée par son regard lubrique et sa langue qui sort pour lécher ses lèvres.

– Où ?

– Q… quoi ?

– Où tu veux que je la mette ?

– En moi, répond-elle en réprimant un gémissement.

– Va falloir être plus précise, bébé.

Il la taquine maintenant, avec son regard et ses mots. Il lui semble que c’est encore un test, mais elle ne sait pas ce qu’il attend d’elle. Il sait qu’elle a envie de lui. Il le sait. Alors, pourquoi a-t-il besoin de l’entendre ? Elle ouvre la bouche pour répondre, mais elle est interrompue par les crépitements de la radio de Connor. Les flammes dans son regard s’éteignent aussi vite qu’un feu sous la pluie.

– Ouais ? aboie-t-il.

– Je crois que notre nana a raison à propos des gardes. Je n’en vois qu’un, dehors, dit Rylan.

Elle est soulagée d’entendre Rylan confirmer l’info qu’elle leur a donnée. Tant mieux. Elle se rapproche un peu plus d’obtenir leur confiance.

– Xan s’occupe de désactiver les caméras, mais il a laissé un de ses gadgets de geek dans la Jeep. Il a besoin de quitter son poste.

– Dis-lui de revenir, répond Connor. Je vais le remplacer, il peut rester avec Hudson.

Elle est déçue que Connor la quitte, mais elle s’efforce de n’en rien laisser paraître. Après tout, il aurait pu lui ordonner de l’accompagner, et elle ne sait pas sur quoi – ou sur qui – elle pourrait tomber dans l’entrepôt. Quelqu’un pourrait la reconnaître…

Mieux vaut qu’elle reste cachée.

 

La nuit est tombée depuis longtemps, mais Connor ne se presse pas pour autant. Il a mené assez de raids pour savoir que ce qui compte le plus, c’est d’être patient. Ça peut faire la différence entre prendre une balle dans la tête ou rentrer le coffre plein, et Connor sait quelle option il préfère.

L’Exécuteur qui surveille le périmètre ne reviendra pas au portail avant au moins cinq minutes. S’ils veulent que l’effet de surprise joue en leur faveur, ils ne doivent pas se tromper dans le timing.

Rylan est aux côtés de Connor, un semi-automatique entre les mains, un bonnet noir sur la tête pour couvrir ses cheveux blonds.

– Je suis surpris que tu l’aies laissée avec Xan.

Inutile de lui demander de qui il parle.

– Pourquoi ?

– Parce que ce n’est pas ton genre. D’habitude, quand t’as envie d’une meuf, tu ne la donnes pas à un autre.

Connor hausse les épaules.

– Alors, tu ne nies pas que t’as envie d’elle ?

– À quoi bon ? On crève tous d’envie de la voir à poil.

– Carrément, c’est une bombe.

C’est une des seules exigences de Rylan pour les femmes. Il faut qu’elles soient canon. Il faut qu’elles soient chaudes et faciles, et si elles aiment un peu de rudesse, alors c’est encore mieux. Connor connaît bien son ami et il sait ce qui l’excite. Toutefois, il se connaît, aussi, et il ne va pas se laisser duper par une paire de nibards.

– Elle nous ment. Elle vient de la cité.

– T’en es sûr ? demande Rylan.

– Pas encore, mais je le serai bientôt.

– Qu’est-ce que t’as prévu ? ricane son ami.

– Je ne sais pas encore. Une visite chez Lennox ou peut-être autre chose. Mais on ne la ramènera pas au campement tant que je n’en saurai pas plus.

Il sait qu’il n’obtiendra pas la vérité en lui posant la question. Elle ne lui dira rien du tout, donc il doit faire en sorte qu’elle lui montre.

Il n’arrive pas à déchiffrer cette fichue femme et ça le rend furax. Elle n’est pas une Insurgée, c’est certain, et elle n’est pas Exécuteur, puisqu’elle n’est pas tatouée. Il ne reste qu’une seule option : elle est citoyenne.

Cependant, ça ne colle pas non plus. Les citoyens de la cité de l’Ouest sont faciles à repérer. Il suffit de chercher quelqu’un qui a peur de tout, quelqu’un qui est faible, sans opinion, et qui a vécu toute sa vie dans l’illusion qu’il est en sécurité.

Certes, il doit y en avoir quelques-uns qui reconnaissent que leur existence n’est qu’une prison dorée, mais ils y restent, car ils préfèrent le CM au monde ravagé qui s’étend au-delà des murs de la ville. Il y a aussi ceux qui en ont eu assez, comme Kade, qui ne supportent pas de vivre un jour de plus derrière ses murs et qui organisent leur fuite.

Toutefois, les citoyens ont une chose en commun, ils ne savent pas se battre. Ils ne peuvent ni se défendre ni protéger les autres. Il a fallu des mois à Connor pour entraîner Kade. Or, Hudson sait prendre soin d’elle-même comme une Insurgée, mais elle a des manières de citoyenne. Elle n’ose même pas parler de sa chatte, bon sang. Elle a rougi quand il lui a parlé de sexe. Les Insurgées ne rougissent pas. Si elles veulent baiser, elles le disent, sans lésiner sur les détails.

Alors, qui est-elle, bon sang ?

Connor regarde sa montre et allume sa radio, mettant de côté ses tergiversations.

– Éteins les caméras, maintenant, dit-il à Xander.

Il faut cinq secondes au geek pour répondre.

– C’est fait.

– Alors, go, murmure Connor.

Rylan charge son arme et sourit.

– C’est parti. Mon pote Xan a besoin d’un rasoir.

Comme prévu, le garde apparaît au coin de l’enclos, et une seconde plus tard, Connor et Rylan sortent de l’ombre.

Le jeune Exécuteur écarquille les yeux, surpris. Il lève son arme, mais il n’est pas assez rapide. Rylan la fait valdinguer par terre, et quand le jeune lève la main pour allumer son oreillette, Connor plaque son poignard sur sa gorge.

– Tout doux, grogne-t-il dans son oreille. On ne va pas te faire de mal.

– Allez vous faire foutre ! crache le gamin.

Connor appuie plus fort sur sa gorge, mais pas assez pour le faire saigner. Ils ont besoin qu’il soit vivant, car si l’entrepôt est vraiment protégé par des mines, ce pauvre gars est le seul à connaître le chemin jusqu’à la porte.

– Inutile d’être impoli, ricane Rylan. On est tous frangins ici.

– Ouais. Meilleurs potes, même, ajoute Connor.

Sans baisser son couteau, il pousse le garde vers le digicode. De sa main libre, il lève la carte de l’Exécuteur et la glisse dans le tableau pour ouvrir le portail. Une lumière clignote, passe du rouge au vert, et le verrou s’ouvre.

– Voilà ce qui va se passer, dit Connor sans bouger. Tu vas nous guider à l’intérieur, car on ne laisse pas ses amis se faire sauter sur des mines, n’est-ce pas ? Puis, quand on arrivera à la porte, tu appelleras ton pote pour lui dire que tout va bien. Ah, qu’on soit clairs, on a beau être potes, si tu fais un pas de côté, je t’égorge et mon ami te mettra une balle dans la tête, juste pour le fun.

– C’est sans doute inutile, je sais, ajoute Rylan, mais de nos jours, on n’est jamais trop prudent.

Connor sent l’Exécuteur trembler. Tant mieux. Les hommes sont beaucoup plus dociles quand ils ont peur.

– Après toi, dit-il en poussant le garde vers le portail.

 

Hudson retient son souffle en regardant dans les jumelles. Connor et Rylan ont passé le portail en suivant le garde. Pourvu qu’il ne fasse rien de stupide, comme se faire sauter pour éliminer deux Insurgés qui veulent des vivres.

Cependant, Hudson doit se rappeler que les Exécuteurs sont des monstres. Tous. Ils ont peut-être juré de se sacrifier pour la colonie, mais Hudson a vu plus d’un homme laisser un coéquipier derrière pour sauver sa peau.

Xander l’observe et remarque son inquiétude.

– T’inquiète pas pour Conn et Ry, poupée.

Elle se tourne vers lui, légèrement perturbée par son charme. Il est grand et musclé, avec une barbe épaisse et des yeux noisette qui scintillent d’un air enjoué. Elle ne comprend pas comment ces hommes peuvent être aussi joyeux. Ils n’ont pas l’air inquiets d’être entourés de tant de dangers.

– Ils vont vers l’entrepôt. Comment je suis censée ne pas m’inquiéter ?

– Ils savent ce qu’ils font, répond-il simplement.

Peut-être, mais elle retient tout de même sa respiration tant que les trois hommes ne sont pas arrivés à la porte en un seul morceau. Connor garde son poignard plaqué sur la gorge du garde, marmonnant quelque chose dans son oreille. Hudson suppose qu’il l’a menacé, car elle voit l’Exécuteur se crisper. L’instant d’après, il glisse sa carte dans le boîtier à droite de la porte, et les hommes disparaissent à l’intérieur.

Xander aboie dans la radio :

– Pike, qu’est-ce qui se passe de ton côté ?

– Rien. Absolument rien. Aucun Exécuteur en vue.

– Tant mieux. Kade ?

– La voie est libre.

Plusieurs minutes s’écoulent sans qu’il ne se passe rien, puis quand la porte métallique s’ouvre, laissant apparaître Connor, Hudson ressent un soulagement auquel elle ne s’attendait pas. Il hoche la tête dans leur direction, et sa voix jaillit dans le talkie-walkie.

– Venez. Suivez les pas de Rylan. Xan, approche la Jeep du portail. On a une tonne de réserves à embarquer.

Xander part déjà vers le véhicule.

– Viens, dit-il par-dessus son épaule.

– Tu veux que je vienne avec toi ?

– Bien sûr. Il est temps de gagner ton gîte et ton couvert. J’espère que tu as de la force, dit-il en pinçant son biceps.

Merde. Elle n’a pas peur des mines, puisque Rylan a tracé le chemin jusqu’à la porte, mais que va-t-il se passer s’il y a d’autres Exécuteurs à l’intérieur ? Et si on la reconnaissait ?

– Je peux rester dans la voiture, répond-elle d’une voix presque tremblante.

Xander s’assoit derrière le volant et démarre.

– Non, on a besoin des bras de tout le monde. Conn ne nous laissera que vingt minutes, trente max, avant qu’on ne reparte.

Hudson a du mal à respirer lorsqu’elle monte sur le siège passager et elle passe tout le trajet à prier que personne ne la reconnaisse, que les yeux des gardes soient bandés ou que Xander change d’avis et la laisse attendre dehors.

Hélas, ce n’est pas le cas. Il gare la Jeep et descend en lui faisant signe de le suivre. Hudson inspire lentement et s’arrête au portail, regardant le tracé blanc les menant à la porte. Rylan a dû écraser de la craie avec ses bottes. Son cœur bat à tout rompre lorsqu’ils entrent dans le hall de l’entrepôt. Il ressemble à tous ceux qu’elle a visités par le passé, avec Dominik ou parfois leur père, quand il avait envie de sortir de son bureau pour inspecter la colonie.

Le hangar est rempli de dizaines d’étagères en métal. Sur le côté, elle voit deux portes avec des écriteaux « PRODUITS TOXIQUES » et « MATÉRIEL MEDICAL », Xander la pousse vers la seconde en lui tendant deux sacs de voyage.

– Prends tout ce que tu peux, ordonne-t-il. Les antibiotiques et les antidouleurs sont la priorité, mais si t’as le temps, prends tout.

Elle se retrouve dans une pièce de dix mètres carrés occupée par des placards métalliques et des frigos. Il y a tant de fioles et de piluliers qu’en vingt minutes elle ne touchera pratiquement pas au stock. Elle se dépêche de se mettre au travail et de remplir les sacs, tout en priant pour que personne ne la voie. Quand elle a fourré autant de matériel dans les sacs que possible, elle sort de la pièce et se dirige vers la porte, surveillée par Xander.

–  Emporte ça à Kade, lui dit-il. Il charge la Jeep.

Hudson marche d’un pas rapide vers le véhicule, en espérant que son rôle s’arrêtera là, mais Kade lui donne deux autres sacs en souriant, puis il la renvoie dans l’entrepôt.

Elle s’attaque donc au garde-manger, prenant un maximum de conserves et de boîtes. Du coin de l’œil, elle voit Rylan passer avec un baril de pétrole et elle réalise que ce doit être une acquisition capitale pour eux. Il n’y a presque plus de raffineries en état de marche sur Terre, et les quelques-unes qui existent sont dans la colonie de l’Est. La cité de l’Ouest a ses propres oléoducs ainsi qu’une dernière exploitation au nord, dans un endroit que son père appelait l’Alberta. Les produits dérivés du pétrole sont durs à trouver en dehors de la cité, et elle comprend que Rylan paraisse soulagé.

Elle donne son deuxième chargement à Kade, puis elle retourne à l’intérieur pour un troisième aller-retour. Elle a fini de remplir son premier sac quand une voix grave et ferme l’appelle.

– Hudson.

Elle déglutit et se tourne vers la porte, où l’attend Connor.

– Viens ici une minute.

Sans attendre, il tourne les talons et marche vers une grande porte ornée d’un écriteau « SALLE DE CONTRÔLE », au bout du couloir.

Merde. Elle le suit en tremblant, terrifiée à l’idée de se retrouver nez à nez avec le deuxième Exécuteur, ce pourrait être quelqu’un qui n’aurait qu’à la regarder pour savoir que…

Il y a deux corps sur le sol en béton.

Elle est d’abord soulagée avant de se sentir coupable en comprenant que la mort de deux hommes lui procure de la joie. Elle ne reconnaît aucun d’entre eux, mais les impacts de balle sur leur front la font tressaillir.

– Pourquoi tu les as tués ? demande-t-elle d’un ton accusateur en se tournant vers Connor.

De l’autre côté de la pièce, Pike arrête de fouiller dans la pile de papiers et lève la tête.

– Parce qu’on n’est pas stupides, répond-il à la place de Connor. On ne prend aucun risque.

– Vous auriez pu les ligoter, les assommer ou… Ils n’étaient pas forcément dangereux, dit-elle tristement.

– Tout le monde est une menace, corrige Pike en la fusillant du regard avant de se concentrer de nouveau sur les papiers qu’il tient entre ses mains.

Connor ne contredit pas son ami, et il ne semble pas gêné par les deux corps à ses pieds.

– Tu sais te servir de ces trucs ? lui demande-t-il en désignant un placard. Xan est le geek du groupe et il a déjà pris ce dont il avait besoin, mais si tu veux quoi que ce soit, prends-le maintenant.

Elle avance vers le placard, mais presque toute la technologie est trop compliquée pour elle. Les inventions vont vite dans la cité de l’Ouest, et elle ne suit pas toutes les avancées. Elle fouille les étagères et elle est surprise lorsqu’elle tombe sur des tablettes qu’elle est habituée à utiliser.

– Vous avez un moyen de vous connecter à Internet ? demande-t-elle en regardant par-dessus son épaule.

Connor hoche la tête.

– Dans ce cas, je peux peut-être utiliser ces tablettes.

– Alors, prends-les toutes.

Elle les met dans son sac et sort de la salle de contrôle. Sans doute marche-t-elle d’un pas trop pressé, mais elle s’en fiche. Plus vite elle sera sortie de là, mieux ça ira.

Rylan arrive à ses côtés alors qu’elle charge le sac dans la Jeep.

– Il paraît que tes infos étaient bonnes, remarque-t-il en souriant. On dirait que t’es plus qu’un joli visage, hein, ma belle ?

– T’as tout compris, répond-elle joyeusement.

Elle leur a été utile. Elle n’a plus qu’à continuer ainsi, et peut-être la laisseront-ils rester. Plus elle passe du temps hors de la cité, plus elle comprend qu’elle ne peut pas survivre seule.

Elle pensait que ses connaissances en autodéfense et dans le médical lui seraient utiles, mais elle avait tort. Ici, pour survivre, il faut trouver un campement, de quoi se nourrir et des gens sur qui compter.

C’est à tout cela qu’elle réfléchit quand ils quittent l’entrepôt, moins d’une heure après l’avoir pris d’assaut. Il faut qu’elle prouve à Connor qu’elle peut leur servir, mais cette conversation devra attendre. Elle ne peut pas lui parler quand ils roulent aussi vite.

Elle se prépare au long trajet de retour, mais elle est surprise quand Connor quitte la route principale à peine une demi-heure plus tard, empruntant un chemin encore plus cabossé et envahi par l’herbe. Au bout de quelques minutes, elle aperçoit une lumière à travers les arbres, et le chemin se couvre de gravier qui crépite sous les roues de la moto. Connor ralentit et Hudson découvre une maison à deux étages avec des rideaux aux fenêtres.

– On est où ? demande-t-elle.

Connor éteint le moteur et met la béquille.

– Devant une maison.

– Ça, j’ai vu, merci. Mais encore ?

Il ne répond pas et elle panique. A-t-il prévu de la laisser ici ?

– Tu n’as pas à avoir peur, chérie, dit-il en riant.

– Ah non ?

– Non, répond-il en souriant. On vient toujours ici après un raid. Pour se détendre.

– Se détendre ?

– Tu es une Insurgée, n’est-ce pas ? Tu sais le genre de choses qu’on fait pour se relaxer, chuchote-t-il d’une voix suave et rauque. Le monde est si glauque, il y a tant de souffrance, partout, c’est pour ça qu’on prend du plaisir partout où on le peut. C’est notre façon de vivre… N’est-ce pas, Hudson ?

Notre façon. Merde. Encore un test. Il ne la croit toujours pas, et maintenant, il va… que va-t-il faire ?

Que va-t-elle trouver dans cette maison ?

CHAPITRE 5

Le hall d’entrée est éclairé par des bougies dont la lueur pâle projette leurs ombres sur les murs sombres et le plancher usé. Une odeur de cire et d’encens enveloppe Hudson. Et puis il y a les bruits…

Le sexe. Toute la maison vibre sous l’activité sexuelle.

Des grognements suaves et des gémissements résonnent depuis les pièces du fond, le couloir à gauche d’Hudson, la porte voûtée à quelques pas d’elle. Le sexe est partout, épaississant l’air, réchauffant sa peau, l’amenant à regarder Connor avec suspicion.

Rylan et les autres la précèdent et se baissent pour passer la grande porte en chêne, mais Hudson n’est pas certaine de vouloir les suivre. Elle saisit la manche de Connor avant qu’il n’emboîte le pas à ses amis.

– Tu m’as amenée dans une maison close ? dit-elle.

Il fronce les sourcils.

– Il y a des maisons comme celle-ci partout en terre libre. Tu ne vas pas me dire que c’est la première fois que t’y mets les pieds ?

– Mon groupe n’en a jamais eu l’occasion.

Il ne la corrige pas quant à la fonction de la maison, et ça ne plaît pas à Hudson. D’ailleurs, sa désinvolture l’agace. Elle n’a aucune envie d’être ici. Ça lui rappelle trop la caserne des Exécuteurs, où les hommes se passaient les femmes comme des balles de ping-pong. Peu importe qu’elles aient demandé à être là, elles étaient traitées comme des esclaves sexuelles et perçues comme des prostituées, et ça dégoûtait Hudson que procurer du plaisir aux Exécuteurs soit perçu comme un honneur.

Dans la cité, tout le monde est considéré comme égal. Les gens ont le même salaire, qu’ils ramassent les poubelles ou qu’ils créent de la technologie de pointe. Ils vivent dans des logements communaux qui ont tous la même taille et ils mangent dans des réfectoires dédiés où on leur sert des repas qui répondent à tous leurs besoins nutritifs. Le père d’Hudson lui avait expliqué que l’idée était tirée d’un régime ancien qu’on appelait autrefois le communisme, apparemment le principe était que la possession était commune et équitable et qu’il n’y avait aucune classe sociale.

Cependant, tous les systèmes ont leur faille et, hélas, les Exécuteurs n’ont aucun scrupule à en profiter. Ainsi, les femmes de la cité gagnent des compléments en leur offrant leur corps. Certaines obtiennent même des vacances dans la colonie du Sud. Elles n’ont qu’à satisfaire les gardiens de la paix, et elles sont remplacées pour aller se dorer la pilule sur la plage. C’est le paroxysme de la prostitution haut de gamme.

– Tu parles de terre libre, mais tu ne nies pas que c’est une maison close. C’est comme ça que tu vois les femmes ? Comme des putes ?

Il sourit lentement, comme si elle l’amusait réellement.

– On est tous des putes, ici, chérie. Tous.

Il tient moins fort son bras mais ne le lâche pas pour autant, l’entraînant plus loin dans la maison. Ils passent devant plusieurs portes fermées et le pouls d’Hudson accélère, parce que ce qui s’y passe ne fait aucun doute. Elle entend des grognements, des têtes de lit frappant les murs, les cris de plaisir d’une femme qui jouit.

Hudson inspire lentement tandis qu’ils approchent de la porte où sont entrés Rylan et les autres. Elle essaie de se préparer mentalement, mais elle n’aurait jamais pu imaginer ce qu’elle découvre lorsqu’ils entrent dans la pièce. Le vaste salon est rempli de canapés et de fauteuils, et un long comptoir recouvre tout un pan de mur. Il y a une trentaine de convives, hommes et femmes, certains sont habillés, d’autres pas. Des conversations menées à voix basse se mêlent aux bruits du sexe. Dans un coin sombre, une femme brune est penchée en avant, face au mur, tandis qu’un homme la prend par-derrière en la tenant par la taille, la bouche collée à son épaule.

Hudson détourne le regard, mais elle tombe sur une autre démonstration obscène, des membres entremêlés sur un canapé moelleux, des ongles de femme griffant le dos d’un homme.

Ces gens n’ont-ils pas honte ?

Ses joues sont en feu et elle cherche un endroit où poser ses yeux. Connor. Connor est sûr. Connor n’est pas à poil. Cependant, Hudson n’est pas mieux que tous ces gens, car elle est sincèrement déçue qu’il soit encore habillé.

Un homme vient vers eux. Il est brun, grand et beau, avec des yeux gris envoûtants qui s’arrêtent un instant sur Hudson avant de se poser sur Connor.

– Conn, ça fait longtemps.

– Lennox, dit Connor en lui frappant l’épaule. Comment ça va ?

– Plutôt bien. On a entendu des rumeurs comme quoi le CM fermerait des postes d’Exécuteurs.

– Peut-être, mais il renforce la sécurité sur ceux qu’il maintient, admet Connor. On vient de faire un raid dans un entrepôt qui était équipé de mines terrestres.

– Eh ben, ça n’est pas bon signe.

– Fais passer le mot. Il faut changer de tactique avant de faire de nouveau raids.

– Ça roule. Merci de m’avoir prévenu.

L’homme regarde de nouveau Hudson et sourit en coin.

– Je vois que t’as apporté ton propre divertissement ce soir, Conn ?

Un nœud se forme dans la gorge d’Hudson. Alors, c’est ça ? Connor l’a amenée ici pour qu’elle serve de divertissement à ses amis Insurgés ?

– Elle n’est pas là pour ça, répond Connor, mettant tout de suite fin à ses peurs.

– Dommage, dit Lennox en lui lançant un clin d’œil.

Elle se surprend à se détendre face à la courbe séductrice de ses lèvres.

– Viens me trouver si tu changes d’avis, ma belle.

Il tourne les talons et Hudson regarde Connor d’un air inquiet.

– C’est lui, le propriétaire ?

Il hoche la tête.

– Viens, il me faut un verre, dit-il en passant carrément derrière le bar.

Apparemment, on se sert soi-même, ici.

Elle rassemble son courage pour observer de nouveau la pièce, et elle remarque que Rylan n’a pas perdu de temps pour se mettre à son aise. Il est étalé sur un canapé, un verre à la main, une femme canon sur les cuisses. Elle porte un jean ultramoulant et ses longs cheveux blonds tombent juste en dessous de ses seins, ses seins nus.

Il croise le regard de Hudson et lui fait un clin d’œil. Puis sa main descend lentement le long de l’épaule de la jeune femme, s’arrête sur son sein et l’empoigne. Tout à coup, les tétons d’Hudson sont en feu, comme si c’était elle que Rylan avait touchée. Elle serre les cuisses et tourne la tête.

– Tu bois quoi ? grogne Connor.

Elle observe la rangée de bouteilles sur le bar en se demandant comment Lennox se fait payer pour l’alcool que consomment ses clients. Son cœur bat la chamade alors qu’une réponse affreuse lui vient en tête. Il est hors de question que qui que ce soit pose la main sur elle. Elle étudie les mains puissantes de Connor pendant qu’il fouille parmi les bouteilles, et les picotements sur ses seins s’intensifient, l’obligeant à rectifier sa dernière pensée. Personne ne la touchera, à moins qu’elle n’en ait envie.

Elle regarde de nouveau Rylan au moment où il lèche le téton de sa compagne.

– Une tequila, dit-elle d’une voix rauque.

– Regardez-moi ces grands yeux, se moque Connor. C’est à croire que tu n’as jamais vu de gens baiser.

– Non, j’ai… J’en ai vu. J’ai vu plein de choses au… camp.

Il remplit deux verres et revient vers elle, la guidant vers un tabouret.

– Détends-toi, chérie.

Il l’oblige à s’asseoir et lui tend un verre.

– On est là pour s’amuser, ajoute-t-il d’un ton railleur.

Est-ce que c’est ça, sa façon de s’amuser ? Regarder des gens s’accoupler ? Elle a trop peur de lui demander, alors elle se concentre sur son verre. Elle le tient si fort qu’elle est surprise de ne pas le voir voler en éclats.

– Ah non, ça ne va pas du tout, ça.

Elle sursaute quand il saisit son menton pour l’obliger à lever la tête.

– Observe, ordonne-t-il.

Son cœur bat plus vite. Elle n’est absolument pas dans son élément. Elle n’a aucune envie de regarder, bon sang ! Elle n’a aucune envie de… Eh zut. Elle en meurt d’envie. Du moins, son corps n’en peut plus de ne pas voir. Sa peau est brûlante et ses tétons sont plus durs que les stalactites qui se formaient sur le toit de la caserne en hiver. Et puis, il y a ces pulsations dans son bas-ventre, qui augmentent, accélèrent, lui donnent chaud et font trembler ses cuisses. Sa culotte est trempée et elle frissonne en regardant de nouveau Rylan, dont le visage est enfoui dans les seins de la blonde. Il caresse son dos de haut en bas et avance lentement le bassin tandis qu’il frotte ses lèvres sur un téton dressé.

– Dis-moi ce que tu vois, demande Connor.

Il lui a posé la même question à l’entrepôt, mais cette fois il ne lui demande pas de décrire un protocole de sécurité. Il veut qu’elle décrive la débauche qui se déroule sous ses yeux.

– Je vois du sexe, dit-elle d’une voix tremblante.

– C’est loin d’être une description suffisante, ricane Connor.

Il boit une gorgée et Hudson est momentanément fascinée par la manière dont sa gorge puissante se contracte quand il déglutit.

– Ne me regarde pas, dit-il d’une voix ferme. Regarde Rylan. Regarde-la, elle, et dis-moi ce que tu vois.

– Il l’excite, chuchote Hudson en buvant une gorgée.

Les joues de Rylan se creusent légèrement tandis qu’il suce le téton de la jeune femme, lui arrachant un gémissement guttural. Hudson ne voit pas son visage, mais vu la façon dont elle se cambre pour appuyer ses seins dans le visage de Rylan, elle adore ce qu’il lui fait. Elle tourne la tête et découvre que Connor l’observe de près.

– Ça, pour l’exciter, c’est clair ! Est-ce qu’il t’excite, toi ?

– Q… quoi ?

– Tu aimes le voir sucer cette belle poitrine ?

Elle se crispe encore plus, son cœur accélère encore.

– Non, ment-elle.

Son expression change immédiatement, mais elle n’arrive pas à la déchiffrer. Mince, elle a l’impression d’avoir échoué à un autre test, qu’elle échoue depuis la seconde où elle a posé le pied dans cette maison. Elle ne sait pas ce qu’il attend d’elle, ce qu’il veut qu’elle dise, ce qu’il veut qu’elle fasse. Veut-il qu’elle se joigne à la fête ? Qu’elle marche jusqu’à Rylan pour fourrer ses seins dans son visage ?

Un frémissement d’excitation la parcourt lorsqu’elle se rend compte qu’elle pourrait très bien le faire. Vu ce que font les gens dans cette pièce, ils seraient sans doute ravis de l’initier à ce monde de luxure.

Toutefois, il y a un problème, le seul homme avec lequel elle veut commettre des péchés est assis à côté d’elle.

– Continue de les mater.

Hudson n’avait pas remarqué qu’elle ne les regardait plus. Connor lui tire les cheveux, l’obligeant à étudier Rylan, dont la partenaire ouvre la braguette.

– Je crois que ça va te plaire, dit Connor d’une voix grave et séductrice. Je n’ai jamais rencontré de femme qui ne gémit pas en voyant la queue de Ry.

La blonde se met à genoux et baisse son jean. Son érection jaillit de son boxer et un éclat argenté scintille à la lumière, la barre du piercing qui traverse son gland.

Hudson gémit, fort, et Connor sourit jusqu’aux oreilles.

– Ouais, c’est à peu près ça.

Elle sent qu’elle rougit et elle est assaillie par une énorme bouffée de chaleur quand Connor éclate de rire.

– Le piercing te plaît, hein ? La plupart des nanas semblent d’accord avec toi. Il y en a une qui m’a dit que ça touchait un point ultrasensible de sa chatte.

Hudson se surprend à haleter. Elle gigote sur le tabouret, super-excitée, plus mouillée qu’elle ne l’a jamais été.

– Peut-être que je te laisserai baiser avec lui, pour que tu le sentes, propose Connor.

– Tu me laisserais ? Ce n’est pas toi qui décides avec qui je couche.

– Bien sûr que si, répond-il en buvant une gorgée de tequila. Mes hommes me suivent. Ils ne te toucheront pas à moins que j’y consente.

– Waouh, ça doit être cool d’avoir des petits larbins.

– Je n’ai pas demandé leur loyauté, mais je l’ai. Et je suis un véritable enfoiré, chérie. Si quelqu’un me donne sa loyauté sans conditions, je te garantis que je vais en tirer profit.

– Ah ouais ? Eh bien, tu n’as pas ma loyauté. Et si je décidais de les rejoindre ?

Elle tourne la tête à temps pour voir la blonde avaler la moitié de la verge de Rylan, d’un coup.

– Mais je t’en prie, vas-y, dit Connor, montrant le canapé. Mais ne t’attends pas à ce qu’il te baise. Jamie pourrait, en revanche. Tu sais quoi ? demande-t-il d’une voix contemplative. C’est une super-idée. Je rêve de voir sa bouche sur toi.

Hudson retient son souffle lorsqu’elle sent celui de Connor sur son oreille.

– Je veux entendre les bruits que tu feras quand sa langue touchera ton bouton d’amour, chuchote-t-il. Oui, découvrons-le. Ramène ton joli petit cul là-bas et fais-moi un petit spectacle, tu veux ?

Hudson ne bouge pas d’un iota.

– Ou pas, ricane-t-il.

Et puis zut. Il fait exprès de la taquiner et elle ne comprend pas pourquoi. Elle est piégée et sans défense. Chaque mouvement de tête lui révèle une scène plus sale que la précédente. De l’autre côté de la pièce, Xander s’amuse autant que Rylan. Il s’allonge sur une pile de coussins tandis qu’une femme aux cheveux noirs, avec un tatouage sur le bras, grimpe sur lui.

Kade est étalé à l’autre bout du canapé, sa queue entre ses mains. Son expression est presque diabolique, rien à voir avec son air habituel. Elle pensait qu’il était le plus mignon, mais il n’a rien de doux en ce moment. Il est aussi obsédé que les autres.

– Pourquoi tu m’as amenée ici ? chuchote-t-elle.

Connor se rapproche d’elle, la faisant frissonner. Sa présence est terrifiante. Excitante. Elle meurt d’envie de l’embrasser.

– Tu sais pourquoi.

– Pour… coucher avec moi ? demande-t-elle alors que son désir augmente violemment.

Il sourit, et elle comprend qu’elle se trompe. Il ne l’a pas amenée pour la prendre. Il veut qu’elle regarde, qu’elle soit témoin. Pour qu’elle… pour que… quoi ? Quel est son but ? Qu’est-ce qu’il attend d’elle, bon sang ?

– Regarde le visage de Rylan. Tu vois qu’il fronce les sourcils quand elle l’avale profondément ? On dirait qu’il souffre, mais ce n’est pas le cas, n’est-ce pas, Hudson ?

– Non, marmonne-t-elle. Il aime ça.

– Oh que oui, il aime. Il va bientôt baiser sa bouche. Rapidement, jusqu’à ce qu’elle s’étouffe sur sa queue. Rylan aime quand c’est brutal.

Sa voix suave glisse dans son oreille, et soudain, elle repense aux histoires que son père lui racontait à propos de Dieu et du diable. Dans les colonies, il est interdit de vénérer un pouvoir supérieur, mais le père d’Hudson pensait qu’il était important qu’elle connaisse les religions du passé. Toutefois, elles lui avaient toutes paru terrifiantes, ancrées dans la douleur et la pénitence. Or, en cet instant, envoûtée par les cochonneries que Connor chuchote dans son oreille, il lui est facile de croire que le diable existe, une créature séductrice qui attire les êtres dans les flammes du péché, toujours plus près, jusqu’à les faire brûler vivantes.

– Regarde, répète-t-il d’une voix grave et autoritaire.

Il saisit sa gorge pour diriger ses yeux là où il les veut.

Hudson se mord la lèvre pour réprimer un gémissement alors que la blonde, Jamie, suce toujours Rylan. Connor a raison. Le visage de son ami est déformé, comme s’il agonisait, mais le plaisir dans ses yeux dit tout le contraire. Jamie l’avale encore et encore, si profondément que son nez se cogne aux abdos de Rylan. Soudain, il laisse tomber sa tête en arrière et pousse un grognement qu’Hudson entend clairement, même de loin.

– Tu crois qu’il jouit, mais ce n’est pas le cas, commente Connor, la ramenant à la réalité.

– Comment tu sais ?

– Parce que je sais à quoi il ressemble quand c’est le cas.

Mince. Était-il obligé de planter cette image dans sa tête ? Combien de fois ces hommes ont-ils baisé côte à côte. Ou ensemble ?

Connor passe sa main dans ses cheveux, et son sang s’embrase de plus belle tandis que sa peau se couvre de sueur. Il ajoute :

– Je sais aussi que, quand il a le choix, il préfère éjaculer dans une chatte étroite que dans une bouche mouillée.

Il saisit une poignée de ses cheveux et les tire à lui délicatement.

– T’as vu ça ? Faut croire qu’elle partage le même avis.

Hudson retient son souffle en voyant Jamie se lever et baisser son jean. Rylan ne perd pas une seconde pour l’attirer de nouveau sur ses genoux. Il la tient par la taille alors qu’elle s’abaisse brusquement sur lui et ils gémissent à l’unisson, faisant trembler les cuisses d’Hudson.

C’est trop pour elle. C’est trop… intime. Elle s’oblige à tourner la tête, mais elle tombe sur la main de Kade qui empoigne la verge de Xander alors que la femme aux cheveux noirs lui taille une pipe.

Hudson est pantelante. Son regard se déplace et atterrit sur Pike, debout dans l’encadrement de la porte, une bouteille ambrée à la main, observant la même scène qu’elle vient de fuir des yeux.

– Pourquoi Pike ne les rejoint pas ?

Connor appuie ses coudes sur le bar derrière lui.

– C’est pas son truc.

– C’est quoi son truc ?

– Pike aime observer. Il y a des gens qui aiment être vus, d’autres qui préfèrent regarder. D’autres encore aiment les deux.

– Et toi, tu es dans quelle catégorie ?

Il ne répond pas, et la frustration d’Hudson grandit.

– Très bien, ne me le dis pas. Tu ne vas pas me demander ce qu’est mon truc ?

– Pas besoin. Je connais déjà la réponse, rétorque-t-il en souriant.

Elle aimerait le savoir, elle. Elle n’avait jamais pensé à ce genre de chose avant, ce qui l’excitait, ce qui excitait les autres. Personne ne parle de sexe dans la cité, puisque ça se passe derrière des portes fermées à clé. Même à la caserne, où les Exécuteurs ne se cachent pas, elle n’en a pas souvent été témoin. Dominik s’assurait toujours qu’elle reste loin des activités lascives de ses hommes.

– Pourquoi ça ne leur fait rien que tout le monde les voie ?

La mâchoire de Connor se contracte et elle comprend qu’elle a encore dit ce qu’il ne fallait pas.

– Pourquoi ça devrait les déranger ? Tu veux qu’ils se sentent gênés ? Qu’ils craignent ce que les gens en pensent demain ? Demain n’existe pas, Hudson. Il n’y a que l’instant présent qui compte.

– Vivre au présent, marmonne-t-elle.

– C’est ce qu’on fait, chérie. On prend du plaisir là où on peut, parce qu’on ne sait jamais quand on aura une autre chance.Oui, on vit au présent. Et quel présent magnifique, n’est-ce pas ? ricane-t-il en désignant le canapé.

Hudson réprime un grognement. La fille aux cheveux noirs chevauche Xander, et Kade… bon sang… Kade est à genoux derrière elle, sa main sur son sexe, prêt à s’enfouir dans son… son…

La chatte d’Hudson se contracte si fort qu’elle doit s’agripper au tabouret pour ne pas tomber. Connor voit sa réaction et sourit grossièrement.

– T’aimes ça, hein ? Tu as déjà pris la queue d’un homme dans le cul, Hudson ? Et une autre dans la chatte, au même moment ?

Elle est en feu. Sans rire, elle pourrait exploser à tout moment. Son excitation est insoutenable. Atroce. Si elle avait été seule, elle aurait plongé sa main dans son pantalon pour soulager sa souffrance.

– Qu’est-ce que t’attends ? demande Connor, semblant lire dans ses pensées. Vas-y, fais-toi jouir. Je sais que t’en as envie.

Son cœur bat et son souffle est rauque et saccadé.

– Fais-le pour moi, répond-elle.

CHAPITRE 6

Connor n’a jamais vu de femme aussi prête à baiser. Les pupilles d’Hudson sont dilatées, ses joues sont écarlates et sa gorge semble gonflée, comme si ses poumons manquaient d’oxygène. Il peut pratiquement sentir son désir. Il enflamme l’air qui les entoure, chatouille sa peau et réchauffe ses testicules. Les tétons qui pointent à travers son tee-shirt le supplient de les lécher, supplient ses doigts de déchirer le coton pour les dévorer.

Il n’aurait même pas à demander sa permission. Elle le laisserait mettre sa langue n’importe où, il en est certain. Elle écarterait les jambes et s’offrirait à lui comme un sacrifice.

Cependant, ce n’est pas pour cela qu’il l’a amenée ici. Le sexe peut attendre, pas les réponses.

– S’il te plaît, susurre-t-elle d’une voix désespérée. S’il te plaît.

– Tu veux que je te fasse jouir ? dit-il en souriant.

– Ou… oui. S’il te plaît, Connor.

Il caresse son bras du bout du doigt. Bon sang, sa peau est bouillante.

– Comment ? Avec ma langue ? Ma queue ?

– Les deux, râle-t-elle.

Sa main remonte sur son épaule, griffant sa gorge avant d’empoigner son menton pour regarder dans ses yeux gris.

– Demande-moi si j’ai envie de toi, ordonne-t-il.

– Est-ce que… t’as envie de moi ?

– Oui, déclare-t-il en caressant sa lèvre avec son pouce. Demande-moi si je vais te prendre.

– Est-ce que tu vas me prendre ? chuchote-t-elle, si bas qu’il l’entend à peine.

– Non. Alors, si tu veux jouir, tu peux t’en occuper toi-même.

Il réprime un éclat de rire en entendant le grognement frustré d’Hudson.

– Pourquoi tu t’amuses à m’allumer comme ça ?

– Ah tu crois que je t’allume, là ? Chérie, tu n’as pas idée de ce dont je suis capable.

Il glousse lorsqu’il prend la main d’Hudson pour la poser directement entre ses jambes. Elle s’apprête à protester, mais son cri s’évanouit lorsqu’elle sent son érection. Elle gémit et les vibrations de sa voix résonnent jusque dans sa verge, lui faisant avancer le bassin sans le vouloir.

– Tu la veux ? marmonne-t-il, frottant fort sa queue sur sa main.

Elle hoche la tête sans un mot, les yeux grands ouverts.

Bon sang, ces grands yeux sont canon. D’habitude, les femmes innocentes ne l’excitent pas, mais chez elle, ça lui plaît. Il aime savoir qu’une femme forte et pleine de fougue comme elle peut perdre la tête rien qu’en sentant sa verge pulser sous sa main.

Il plonge son regard dans le sien et ferme sa main sur son érection.

– Si tu veux ma bite, il va falloir m’offrir plus que tes grands yeux et tes gémissements.

Elle déglutit.

– Qu’est-ce que t’attends de moi ?

– La vérité.

Il repose sa main sur ses cuisses et se tourne vers les autres. Jamie chevauche Rylan comme un étalon de course, mais il n’en attend pas moins de la copropriétaire de la maison. Ses seins rebondissent dans le visage de son ami alors qu’elle frotte frénétiquement son sexe sur lui. La queue de Connor tressaille d’envie et de frustration parce qu’il sait qu’il ne va pas être soulagé de sitôt.

Il réalise soudain qu’Hudson n’a pas répondu et il la regarde du coin de l’œil.

– Je veux savoir ce que tu caches, et je ne te donnerai rien tant que tu ne me l’auras pas dit.

Une colère vive s’étend sur son visage. De la colère et un désir féroce.

– J’obtiendrai la vérité, chuchote-t-il. Tu le sais. Mais d’ici là… te regarder te masturber est un bon début.

– Un début à quoi ? demande-t-elle d’un air paniqué.

– À découvrir qui tu es. On apprend beaucoup d’une personne quand elle pantelle en plein orgasme.

– Je ne vois pas comment ça t’apprend quoi que ce soit.

– Si tu ne connais pas la réponse, alors tu mens encore plus que je ne le pensais.

Hudson devient silencieuse et dirige son attention sur les corps qui s’entremêlent autour d’eux. Il entend sa respiration laborieuse et, du coin de l’œil, il la voit gigoter sur le tabouret. Il détecte ensuite un mouvement et siffle en signe d’approbation lorsqu’il comprend où est partie la main d’Hudson.

– C’est ça, bébé, murmure-t-il en la voyant défaire son pantalon. Fais-toi du bien, allez.

Elle soupire et ses doigts tremblent lorsqu’elle défait sa braguette. Lorsqu’elle glisse délicatement sa main dans sa culotte, Connor est à deux doigts de lui ordonner de tout enlever. Il rêve qu’elle écarte les jambes pour qu’il la voie. Pour que tout le monde la voie.

Cependant, le mystère est excitant, aussi. Le mouvement érotique de sa main, la façon dont elle se courbe sur son sexe et la manière dont son bassin se soulève pour la rencontrer.

Il sent d’autres regards sur elle et, lorsqu’il se retourne, il voit les yeux bleus de Rylan fixés sur la main d’Hudson. Il continue de répondre aux allers-retours brutaux de la femme qui s’empale sur son sexe et il hausse un sourcil en direction de Connor, lui proposant qu’Hudson les rejoigne.

Connor secoue discrètement la tête avant de se concentrer de nouveau sur la jeune femme à côté de lui.

– Regarde Rylan, bébé. Regarde combien il aime ce que tu te fais.

– Je préfère te regarder toi, déclare-t-elle fermement.

Leurs regards se croisent et il doit se retenir de se jeter sur elle. Il aime voir les femmes se masturber, le plaisir sans vergogne dans leurs yeux, les bruits qu’elles font. Toutefois, il y a quelque chose chez cette femme qui l’excite plus que d’habitude. Sa queue est dure comme du fer, et il meurt d’envie de la sortir pour se caresser. Or, il sait que ça plairait trop à Hudson, et il n’a aucune intention de lui céder quoi que ce soit tant qu’elle ne lui aura pas donné ce qu’il veut.

– Je parie que tu regrettes que ce ne soit pas ma main. Tu regrettes que ce ne soient pas mes doigts sur ton clito, c’est ça ?

Sa respiration accélère.

– Tu mouilles ? Est-ce que ma queue serait trempée si je la plongeais en toi, maintenant ?

Son regard se perd au loin et elle gémit, signe de son abandon. Sa main accélère, mais il sait qu’elle ne se doigte pas, c’est impossible avec son pantalon.

Bon sang, il rêverait qu’elle soit nue. Il rêve d’enfoncer ses doigts en elle et de la baiser pendant qu’elle se caresse. Mais il garde ses mains pour lui, les poings fermés, appuyés de chaque côté du tabouret pour éviter toute tentation. Rylan regarde toujours Hudson, et il n’est pas le seul. Lennox offre à Connor un sourire approbateur et satisfait.

La porte de Lennox est toujours ouverte pour Connor et les autres, et il ne demande rien en retour, à part des renforts quand c’est nécessaire. C’est ainsi que ça fonctionne, en terre libre. Le troc marche pour tout ce qui est matériel et, pour le reste, les Insurgés font appel aux faveurs. Cependant, Lennox demande rarement des services. Du moins, pas assez pour compenser tout le temps que Connor et ses hommes passent ici. Ainsi, même s’il n’a pas amené Hudson ici pour Lennox, il est content que celui-ci apprécie le spectacle.

Hudson gémit d’un ton désespéré qui se propage tout droit dans le caleçon de Connor. Merde. Parfois, il regrette de ne pas penser avec sa bite. Si c’était le cas, il serait déjà en elle, en train de baiser à leur en faire perdre la tête.

Quand elle referme sa main libre sur le rebord du tabouret, Connor soupire et saisit sa main. Elle sursaute, comme s’il l’avait électrocutée, et elle le regarde derrière un voile de plaisir.

– Il y a tant de choses auxquelles tu peux t’agripper, et tu choisis la chaise ?

Il siffle de nouveau et déplace sa main sur son sein puis il la couvre avec la sienne, l’obligeant à serrer fort son globe. Un cri essoufflé lui échappe et il sent bientôt sa main bouger sous la sienne, frottant son téton en dessinant des cercles légers.

– C’est ça. Excite-toi.

Il enlève sa main et respire par le nez, essayant d’éteindre le désir qui brûle dans ses veines. Sans y réfléchir, il frotte sa cuisse, espérant soulager sa douleur, mais ça ne fait qu’accroître les pulsations qui parcourent sa verge.

Il prend son verre et le finit cul sec, priant pour que l’alcool brûlant lui fasse oublier les flammes qui font rage plus bas. Hudson pousse un grognement et Connor est à deux doigts d’éjaculer. Son orgasme est imminent, il le devine à la tension de son corps, il l’entend à ses gémissements, il le sent à la température de sa cuisse contre la sienne.

Eh merde. Il faut qu’il la goûte. Une fois. Avant qu’il n’ait pu s’en empêcher, il se penche et colle sa bouche à la sienne, avalant son cri de surprise. On ne peut pas appeler ça un baiser, ce sont deux bouches qui se dévorent, deux langues qui se cherchent, sans tendresse ni finesse. C’est parfaitement désespéré, et Hudson jouit dès que ses lèvres la touchent.

Connor arrache sa bouche à temps pour voir l’extase assombrir ses yeux et rougir ses joues. Elle frissonne de plaisir, et c’est magnifique. Il ne peut résister à l’envie de lui voler un autre baiser, cette fois sur le côté de sa gorge. Sa chair est chaude sous ses lèvres et il la sent trembler lorsqu’il y promène sa langue.

Quand elle redevient immobile, elle fixe ses grands yeux sur lui. Elle regarde ensuite autour d’elle, rougissant de plus belle lorsqu’elle réalise qu’elle avait un public. Rylan l’observe depuis le canapé, sa queue entre les mains, seul.

– Je… j’arrive pas à croire que je viens de faire ça.

Elle a l’air confuse et atterrée, et sa réaction confirme tout ce que soupçonnait Connor.

Sans un mot, il pose son verre vide sur le bar et se lève.

– Où tu vas ? demande-t-elle en regardant la bosse dans son pantalon.

Il l’ignore et, croisant le regard de Pike, il lui ordonne sans un mot de veiller sur Hudson. Son ami avance vers eux et Connor balaie la pièce des yeux jusqu’à trouver ce qu’il cherche.

– Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande à Pike ou Ry, marmonne-t-il avant de tourner les talons.

 

Hudson essaie de cacher sa surprise lorsque Connor lui tourne le dos et traverse la pièce avec l’attitude de quelqu’un qui possède tout ce qu’il croise. Toutes les femmes le suivent des yeux, mais il les ignore, avançant avec détermination vers une rousse élancée, vêtue d’une minirobe noire.

Il ne se retourne pas en direction d’Hudson. Pas une seule fois.

Les restes de l’orgasme légendaire qu’elle vient de subir finissent de disparaître lorsque, incrédule, elle voit Connor murmurer quelque chose à l’oreille de la rousse. La jeune femme lui répond, et Connor rit de sa grosse voix. Elle est vexée de l’entendre rire avec une autre femme et furax de le voir partir avec elle.

Cependant, de quel droit est-elle en colère ? Ils ne sont pas ensemble. Ils se connaissent à peine ! Connor peut coucher avec qui il veut, et Hudson n’a aucun droit de lui en vouloir.

Sauf que… elle lui en veut, justement. Elle est jalouse.

Elle vient de vivre l’orgasme le plus intense de sa vie, dans une pièce remplie de gens, et elle est loin d’être satisfaite. Elle veut plus. Elle veut revivre ce même plaisir enivrant, mais cette fois-ci, elle veut que Connor le lui procure.

– Alors, t’es qui ?

Hudson lève brusquement la tête et se retrouve face à une des plus belles femmes qu’elle ait jamais vue.

– Quoi ?

– Je me demandais simplement qui tu étais, susurre la femme. Je n’ai jamais vu Conn débarquer ici avec une femme.

Hudson regarde Pike du coin de l’œil. Il est debout, à l’autre bout du bar, et ça ne semble pas le déranger qu’elle parle avec une autre femme.

Cette dernière étudie Hudson avec des yeux bruns envoûtants dont les coins remontent légèrement, lui donnant un air exotique. Ses longs cheveux bruns tombent en cascade sur une épaule, couvrant son corset noir.

– T’es avec lui ? demande-t-elle.

– Il est parti avec une autre. On a l’air d’être ensemble ?

La jeune femme éclate de rire.

– Regardez-moi ça, le chaton a des griffes, murmure-t-elle en caressant l’épaule nue d’Hudson. Je m’appelle Tamara, au fait.

– Hudson, répond-elle à contrecœur.

– Comment tu connais Conn et les garçons ?

– Et toi ?

– Je t’ai posé la question d’abord, chaton.

Hudson ne peut s’empêcher de sourire.

– Je les ai croisés il y a quelques jours.

– Tu crèches avec eux ? demande Tamara en l’étudiant de plus près.

Hudson n’est pas sur le point de se confier à une inconnue, surtout à propos de l’emplacement du campement des mecs.

– Non, ils bougent sans cesse depuis que je les ai rencontrés, répond-elle en haussant les épaules. S’ils ont un campement permanent, je ne sais pas où il est.

– Ouais, répond la femme en se détendant. Ça fait un an que j’essaie de découvrir où ils sont, mais ils ne cèdent jamais.

Hudson hoche la tête et sirote sa tequila. Un silence s’installe entre les deux femmes et elle repense à Connor et à la rousse, à tout ce qu’il doit être en train de lui faire. Maintenant qu’elle y pense, elle est vraiment en colère. Parce que… mais quel culot ! Comment peut-il rester là, à la regarder jouir, puis l’abandonner pour s’éclipser avec une autre femme ?

Tamara rit doucement, comme si elle avait lu dans les pensées d’Hudson.

– Allez, ne le laisse pas t’atteindre, chérie. Connor n’est pas facile à séduire.

Elle allume une cigarette et souffle sa fumée dans le visage d’Hudson, puis elle lui tend le paquet. Hudson n’est pas vraiment une fumeuse, mais elle est tellement à cran que la nicotine lui fera du bien.

Elle se décide à glisser la cigarette entre ses lèvres et laisse Tamara l’allumer.

– Honnêtement, tu n’imagines pas combien de femmes se jettent sur lui, explique Tamara en rangeant son briquet dans sa poche. Je l’ai croisé dans un bar, vers l’ouest, une fois, et il avait à peine passé la porte que chaque nana le suppliait de la chevaucher. Mais il est très sélectif. Ah, et il ne baise jamais la même femme deux fois, donc ne t’en fais pas. D’ici quelques heures, la jolie petite rousse ne sera plus qu’un lointain souvenir.

Hudson tire une latte et regarde Tamara d’un air pensif.

– Est-ce que t’as déjà… tu sais… ?

– Avec Connor ? Non. Il est plus malin que ça, déclare-t-elle en souriant. Il sait que je le mangerais tout cru. Mais lui…

Elle hoche la tête en direction de Rylan, qui est de nouveau avec Jamie.

– Il me laisse lui faire tout ce que je veux. Peu importe le nombre de morsures que je lui laisse.

Cette fois-ci, Hudson ne rougit pas lorsqu’elle observe Rylan en pleine action. Ses fesses musclées se contractent quand il prend Jamie par-derrière, mais Hudson est parfaitement à l’aise. Elle n’en revient pas de s’être habituée si vite à voir autant de sexe.

– Crois-moi, dit Tamara en suivant le regard d’Hudson, ce mec sait se servir de sa queue. Quant à son pier-cing… ? C’est dingue.

Elle expire sa fumée et hoche discrètement la tête en direction de Pike.

– Maintenant, si tu cherches quelqu’un d’un peu plus intense, je te recommande d’essayer Pike. En tout cas, tu peux tenter ta chance. Mais il est encore plus difficile que Conn. C’est aussi un enfoiré, parfois, mais si tu veux quelque chose de sauvage, c’est ton homme. Toutes les nanas ont besoin d’un peu de violence, de temps en temps, ajoute Tamara avec un regard diabolique.

– Et eux ? demande Hudson en désignant Xander et Kade. Qu’est-ce qu’ils ont à offrir ?

– Rien. Je baise les hommes, pas les petits garçons.

Elle sourit de nouveau et Hudson lui répond. La franchise de Tamara est plutôt divertissante. Cela dit, toutes les femmes qui sont présentes dégagent le même air de confiance. C’est comme si elles avaient conscience de leur pouvoir. Elles n’entretiennent pas les mecs, comme celles qui venaient à la caserne. Elles ne se contentent pas de donner du plaisir, elles en prennent. Et, bon sang, c’est excitant.

Elle commence à comprendre un peu ce monde où l’on vit l’instant présent et où on prend ce qu’on désire. Toute sa vie, Hudson a fait ce que son père attendait d’elle. Elle a suivi ses règles, ou celles de Dominik, celles du CM. Mais il n’y a pas de règles ici, et il faut qu’elle s’en souvienne. Elle doit oublier le monde dans lequel elle vivait et apprendre à vivre dans celui-ci.

Il faut qu’elle commence à prendre.

 

Hudson n’est pas surprise que Connor lui ordonne de monter dans la Jeep avec Rylan plutôt qu’avec lui à moto, et quelque part, elle est reconnaissante de ne pas être collée à lui. Elle a du mal à réfléchir en sa présence, à respirer, même. Heureusement, Rylan ne la pousse pas à parler, du moins pas tout de suite. Cela fait plus d’une heure qu’ils roulent lorsqu’il la regarde avec un sourire moqueur.

– Qu’est-ce qu’il y a, ma belle ? Quelqu’un qui a joui aussi fort que toi ne devrait pas avoir l’air aussi perturbée.

Elle rougit, mais sa gêne est évincée par son désir urgent de prendre. Ou plutôt d’apprendre comment prendre.

– Allez, dis-moi ce qui ne va pas, insiste-t-il.

– Je ne suis pas certaine de savoir vivre l’instant présent, admet-elle.

Sa réponse semble l’intriguer.

– Pourquoi tu dis ça ?

Hudson réfléchit à la quantité d’informations qu’elle accepte de révéler.

– J’aime les gens que j’ai rencontrés depuis que j’ai quitté mon autre groupe. Je t’aime bien, toi. Mais je ne comprends pas bien l’idée de saisir le moment présent. Je…

Avant de changer d’avis, elle se rapproche et effleure la main posée sur le boîtier de vitesses. Elle la caresse et elle devine à l’accélération de son souffle que ça ne le laisse pas insensible.

Elle respire lentement, ignorant sa nervosité.

– Je veux que tu m’apprennes.

– T’apprendre quoi ? demande Rylan d’une voix rauque.

– Comment lâcher prise. Comment arrêter de lutter, pour commencer à ressentir. Comment prendre du plaisir.

Enhardie par ses propres paroles, elle se penche pour l’embrasser dans le cou.

Lorsqu’il grogne doucement, elle prend cela comme un signe prometteur et elle devient encore plus osée, glissant sa main entre les jambes de Rylan pour l’empoigner par-dessus son jean.

– Apprends-moi, chuchote-t-elle.

Rylan soupire et couvre sa main avec la sienne, figeant ses mouvements.

– Si c’est vraiment ce que tu veux, alors je serai ravi de t’aider, déclare-t-il avant d’enlever sa main. Mais ce n’est pas à moi que tu dois demander.

– Qu’est-ce que ça veut dire ?

– Ça veut dire que c’est à Connor de décider, pas à moi.

Elle n’en revient pas.

– Tu veux dire que c’est lui qui contrôle ta queue ? Que tu ne peux pas coucher avec qui tu veux sans sa permission ?

– Parfois. Ça dépend s’il a revendiqué la nana ou pas.

C’est une blague ?

Elle soupire, exaspérée.

– Je ne suis pas un bout de terre qu’il peut revendiquer et déclarer sien !

– Non, mais que ça te plaise ou non, tu lui appartiens. Il a décidé de t’accepter parmi nous, et maintenant, il a le droit de décider ce qui advient de toi, et qui te touche.

– N’importe quoi, grogne-t-elle en passant une main furieuse dans ses cheveux. Je ne lui appartiens absolument pas.

– On lui appartient tous, répond simplement Rylan. Plus vite tu l’accepteras, mieux tu t’intégreras.

Commander Conquête