1

Sam

Liz : Mon téléphone en manque de sexe aimerait inviter votre téléphone frustré à échanger quelques SMS inconvenants que nous regretterons lorsque nous aurons dessoûlé.

Lorsque je relève les yeux après voir lu ce message, je croise le regard de Lizzy Thompson qui m’observe depuis sa table à quelques mètres de la mienne. Une autre femme pourrait rougir. Liz, elle, me fait un clin d’œil.

Elle porte des talons aiguilles rouges et une de ces robes moulantes et courtes, dessinées spécialement pour faire baver les hommes. Juchée sur un tabouret, elle croise haut les jambes.

Je lève un sourcil interrogatif et elle hausse les épaules.

Il y a foule chez Brady ce soir. Au bar, tous les sièges sont occupés par des hommes qui cherchent à échapper à leur femme pour la soirée, et autour des tables de billard par ceux qui essaient de trouver celle qu’ils pourraient raccompagner chez elle. Je me situe quelque part entre les deux, assis à une table devant une bière et quelques verres à shot vides. Je ne suis pas d’humeur à faire la conversation, mais l’idée de rentrer chez moi et de me retrouver seul avec mes pensées est encore plus déprimante.

La semaine dernière, je me suis plaint que le téléphone de Will sonnait plus souvent que le mien et Liz m’a demandé mon numéro. J’ai cru qu’elle plaisantait. Apparemment, ce n’était pas le cas.

À ce moment-là, j’aurais été tout à fait partant pour échanger quelques textos cochons avec la blonde aux jambes fuselées qui a fait l’objet de certains de mes fantasmes. À ce moment-là, je n’imaginais pas un instant qu’une personne puisse, à elle seule, foutre ma vie en l’air à ce point.

Mais ça, c’était la semaine dernière. Ce soir, je ne suis plus le même homme. J’ai changé. Putain, je suis démoli.

Je ne peux pas en parler à Liz. Je ne peux en parler à personne. Parce qu’en parler entraînerait des questions auxquelles je n’ai pas envie de répondre.

Elle fait une petite moue du bout des lèvres, et je soupire en écrivant une réponse.

Sam : Mon téléphone en manque de sexe apprécierait sûrement, mais mon cerveau en manque de sexe craint que cela ne te donne des idées.

Je l’observe en attendant que mon message lui parvienne. Elle le lit et fait un petit sourire avant que ses doigts ne s’activent sur son écran. Trente secondes plus tard, mon téléphone vibre de nouveau.

Liz : Oh, mais j’ai déjà des idées. Qu’est-ce qui cloche ? Ton petit bonhomme ne se sent pas à la hauteur de la tâche ?

Je sourirais presque. Presque. Je ne pensais pas pouvoir sourire ce soir, mais Liz est la personne la plus susceptible de provoquer cet effet. Dans le genre cash, on ne fait pas mieux. Bien sûr, la moitié des conneries qu’elle profère n’est destinée qu’à choquer, mais elle dit généralement tout haut ce que tout le monde pense tout bas. C’est ce que j’ai toujours apprecié chez elle.

Sam : Désolé de te contredire, mais mon bonhomme n’est pas PETIT. Ma queue se sent tout à fait à la hauteur de tout ce que tu proposes. Simplement, c’est le jour d’après qui poserait problème. Je ne suis pas ton genre, Canaille.

Liz : Vraiment, tu crois ? Et c’est quoi, mon genre, d’après toi ?

Sam : Ce qu’il te faut, c’est un type bien. Un type qui reste. Un type romantique qui sorte avec toi, le genre qui noue des liens sentimentaux.

Liz : Et c’est quoi ton genre, alors ?

Sam : Moi, je suis juste un sale con qui a envie de t’attacher, de te faire jouir, puis de disparaître.

Je l’observe avec attention quand ce dernier message lui parvient, mais elle ne cille pas. Au contraire, elle entrouvre les lèvres – des putains de belles lèvres, roses et pleines, parfaites. J’ai déjà embrassé ces lèvres, j’y ai goûté. J’ai fait tout ce que je pouvais pour en rester là, mais je n’ai pas oublié ce baiser et j’ai pensé plus d’une fois à renouveler l’expérience.

Elle lève les yeux vers moi. Rien dans son regard ne dit qu’elle se sent insultée par mon message. Sa poitrine se soulève et le rose lui monte aux joues.

Personne ne peut dire que je baratine les femmes pour coucher avec elles. Je n’ai jamais eu besoin de faire ça. Quand je couche avec une femme, je ne fais aucune promesse et je fais tout ce qu’il faut pour qu’elle ne soit pas déçue. Je ne m’engage pas et je ne parle pas d’avenir, sans jamais en faire un secret.

Ses yeux s’assombrissent et elle s’humecte les lèvres de la pointe de sa langue.

Putain.

Je me lève et jette de la monnaie sur la table pour payer mes consommations. Il faut que je sorte d’ici avant de la prendre au mot. Des démons ont entrepris de s’incruster dans ma vie facile. Me servir d’elle pour leur échapper ne pourrait que nous faire souffrir l’un et l’autre.

 

 

 

Liz

 

– Je me serais bien passée de voir ça.

Je lève les yeux de mon verre. Della Bradshaw se glisse sur le tabouret en face de moi.

– De voir quoi ?

– Tu baisais littéralement mon frère du regard.

Elle frissonne.

– Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête quand je t’ai demandé d’essayer de savoir ce qui ne tourne pas rond chez lui.

– Il est super-sexy, Del. Toutes les filles le pensent. Seulement, je suis la seule qui soit suffisamment franche pour oser te le dire.

Elle lève les yeux au ciel.

– Bon, peu importe. Est-ce qu’il t’a dit ce qui ne va pas ?

Connor, le petit ami de Della, pense que Sam a un problème mais qu’il refuse d’en parler à sa famille. Della m’a demandé d’essayer de savoir de quoi il s’agit. Cela m’a semblé plutôt étrange comme requête – tout le monde a le droit d’avoir des secrets, non ? Mais j’ai bien vu qu’elle s’inquiétait pour lui, alors j’ai accepté de mener ma petite enquête.

– Pas encore, mais fais confiance à ma méthode.

– Je commence à croire que ta méthode, comme tu dis, pourrait bien impliquer des choses auxquelles je préfère ne pas penser.

– Tu as peur que je brise le cœur de ton frère ?

Elle renâcle.

– Ce serait plutôt l’inverse. Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenue. J’ai bien vu la façon dont tu le regardais.

– D’accord, je suis prévenue.

Elle passe la sangle de son sac sur son épaule et saute du tabouret.

– Connor m’attend.

– Dis-lui que je suis désolée de n’avoir encore rien découvert.

Elle repousse mon excuse d’un geste de la main.

– Il n’est pas au courant que je te l’ai demandé. J’ai l’intention de m’attribuer tout le mérite de ta découverte.

Je lève un sourcil.

– Et moi, qu’est-ce que j’y gagne ?

– Tu y gagnes de faire les yeux doux à mon frère sans que je te vomisse dessus.

– Ah d’accord, je vais essayer de cacher ma joie.

– On se voit au mariage, demain soir ?

– Bien sûr. Je ne vais pas rater une occasion de boire à l’œil.

Je souris malicieusement.

– Et de voir ton frère en costume.

Elle secoue la tête.

– Tu joues avec le feu, Lizzy.

– Salue Connor pour moi.

Ça se voit bien que Sam a des problèmes sentimentaux. Tout sur son visage ce soir disait que quelqu’un lui a brisé le cœur. Mais je ne pense pas que cela soit assez précis pour m’en dire plus, et puis cela n’explique rien. Autant que je sache, il n’entretient aucune relation sérieuse – et il est difficile de garder secret ce genre de choses dans une ville aussi petite que New Hope.

Je pourrais bien avoir des motivations personnelles pour aider à creuser un peu dans la vie de Sam. Je suis pratiquement sûre qu’il existe une règle implicite chez les adolescentes, qui les conduise à flasher sur les frères aînés de leurs meilleures amies.

En ce qui me concerne, c’était sur Sam, le frère de Della – jusqu’à ce qu’il me rejette.

Je n’arrive toujours pas à croire qu’il se soit barré ce soir, au mépris de mon invitation sans ambiguïté. Je suis stupéfaite, mais je ne peux pas lui en vouloir. Pas après avoir surpris la façon dont il me dévorait des yeux en sortant. Et surtout pas après son dernier SMS qui enflamme mon imagination.

Je suis juste un sale con qui a envie de t’attacher, de te faire jouir, puis de disparaître.

2

Liz

– Oublie.

Je prends le verre plein de vin rouge que me tend le barman et je fronce les sourcils en regardant Connor Everett.

– Oublier quoi ? De boire ce verre de vin ? De finir tellement bourrée que j’accepterai de coucher avec n’importe qui ?

– N’essaie pas d’user de ton charme pour tirer des informations de Sam Bradshaw.

Il s’appuie contre le bar et scrute les invités. Connor est mignon, grand et mince, avec des grandes mains et des yeux gentils. Certaines personnes pourraient même le trouver séduisant, mais il y a longtemps que j’ai abandonné l’idée de lui trouver plus de sex-appeal qu’à un Bisounours.

Apparemment, il a trouvé ce qu’il cherchait – ou qui – parce qu’il arrête de parcourir la foule du regard et déglutit avec difficulté.

– Tu risques de souffrir.

Je suis son regard et je vois Sam assis à une table en compagnie de sa famille.

– Il n’y a pas de mal à se faire un peu souffrir, tant que c’est consensuel.

Connor me fusille du regard.

– C’est mon affaire, d’accord ? Oublie tous tes projets de m’aider en laissant Sam s’insinuer sous cette jupe.

Il me parcourt des yeux et sourit.

– Très sexy ce soir, je dois dire.

Je lui donne une tape sur le bras.

– Tu es avec Della maintenant, donc tu n’es pas autorisé à me dire ce genre de truc.

Il fait une grimace en se frottant le bras.

– Même si c’est vrai ?

Je lève les yeux au ciel.

– On dirait que tu ne connais pas Della.

– Tu as raison. Ne t’approche pas de Sam.

– Tu es qui ? Son ange gardien ?

– Il en aurait bien besoin, mais non. Della a fini par me dire qu’elle t’avait demandé de l’aider.

Il baisse la tête et me regarde droit dans les yeux.

– Moi, je te dis que je ne veux pas que tu le fasses.

– Est-ce que tu es jaloux, Connor ?

Mon sourire s’efface quand je vois une lueur passer dans ses yeux.

– Non. Tu es avec Della, maintenant.

Il détourne le regard, son visage anguleux est empreint de culpabilité.

– Je sais. Et la jalousie n’a rien à voir là-dedans. J’essaie juste de protéger une amie. Della n’aurait pas dû t’entraîner dans cette histoire, mais c’est de ma faute, j’aurais mieux fait de ne rien lui dire.

– En fait, maintenant que je suis dans le coup, tu ferais aussi bien de me dire de quoi il s’agit.

Sa mâchoire se crispe.

– Okay. Je vais dire à Sam que tu le surveilles et je verrai bien s’il sait pourquoi.

Connor tourne brusquement la tête.

– Surtout pas.

– Alors, dis-moi.

– Della ! Je vais la tuer, grommelle-t-il.

Je prends une longue gorgée de vin et j’attends.

– La semaine dernière, il a retiré une grosse somme d’argent de son compte et son père craint qu’il ne soit impliqué dans un truc louche.

– Quel genre ?

Connor hausse les épaules.

– Le jeu ? Les putes ? Putain, avec Sam, cela pourrait être n’importe quoi.

J’avale d’une traite le reste de mon vin et je repose mon verre sur le bar.

Sam est assis à sa table, à côté de la piste de danse. Il hoche la tête en écoutant son père. Je me dis que Connor a raison d’être inquiet. Sam n’est pas comme d’habitude. Il est distant. Distrait. Encore une fois, il a l’air… d’avoir des peines de cœur.

Se pourrait-il que Sam – un don Juan patenté – ait laissé quelqu’un s’approcher suffisamment près de son cœur pour pouvoir le briser ? Ou est-ce ma solitude qui me fait imaginer des choses qui n’existent pas ?

Cela n’explique pas l’histoire de l’argent, en tout cas.

– Alors, on est d’accord ? Tu oublies tout ce que Della t’a dit ?

– Bien sûr.

Je fais un signe de tête au barman qui remplit mon verre.

Je le bénis, ainsi que tous ceux qui savent vous faciliter la vie, où qu’ils soient. Les épaules de Connor se détendent.

– Bien. Je sais que cela ne me regarde pas avec qui tu couches, mais tu mérites mieux qu’un dragueur comme Sam.

– Je n’ai jamais dit que je ne coucherai pas avec lui.

Je bois une autre gorgée du breuvage qui donne du courage, et Connor fait la grimace.

– Oh, arrête de faire comme si j’étais une vestale dont tu dois protéger la virginité.

– Connor ! Je te cherchais ! Viens me faire danser !

Je lui fais signe de rejoindre Della.

– Va t’amuser.

J’attends que la famille de Sam ait quitté la table et je me dirige vers lui. Il est appuyé contre le dossier de son siège, les jambes écartées, il fait rouler une bouteille de bière entre ses mains tout en observant les invités éméchés qui vont de gauche à droite. La table où j’étais assise s’est vidée un peu plus tôt dans la soirée, mais j’ai dit que je préférais rester un peu pour danser. En réalité, je voulais juste rester pour Sam. Je tourne ma chaise pour faire face à la piste de danse, comme lui, et je m’assieds. Il me jette un coup d’œil et son regard s’attarde sur mes jambes croisées – juste à l’endroit où l’ourlet de ma jupe s’arrête sur mes cuisses nues. Sam a toujours été attirant, mais ce soir, en costume cravate, le visage rasé de près, le regard embrumé, quelque chose en lui me fait saliver. À moins que ce ne soit mes parties intimes, en alerte maximale depuis notre échange de SMS hier.

– Salut, dit-il avant de reporter les yeux sur la piste de danse.

Ses yeux sont là, mais son esprit est ailleurs. Il est ailleurs, ce soir. Un cœur brisé rend-il un homme plus sexy ? Y a-t-il une façon convenable pour une femme de dire : « Tu n’as pas l’air d’avoir le moral. Ça te dirait que je te chevauche jusqu’à t’en faire oublier son nom ? »

Je connais Sam depuis que nous étions gamins. Il a quelques années de plus que moi et il est parti pendant qu’il terminait sa licence. Alors que j’étais encore au lycée, je me suis incrustée dans une de ses fêtes et j’ai essayé de me faufiler dans son lit. Il était en deuxième année à Notre Dame et il avait la réputation d’être un dragueur. J’étais en terminale et assez bête pour admettre que j’étais encore vierge.

Mais même les bad boys ont un code d’honneur et, cette nuit-là, Sam a suivi le code à la lettre.

 

 

 

 

 

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