J’inspirai profondément, puis je grimaçai de douleur. J’essayais d’apprécier le fait de me prélasser au soleil de Miami, mais j’avais encore un peu mal. Cela faisait plus d’un mois que mon père m’avait méchamment tabassée. J’étais assez en forme pour travailler désormais, mais de temps en temps j’en recevais encore des rappels douloureux quand je respirais mal ou que je faisais un mauvais mouvement.
Mon téléphone sonna, m’indiquant l’arrivée d’un nouveau message, et je grimaçai à nouveau. Il fallait que je pense à le laisser éteint. Cela m’aiderait à retarder l’inévitable. Je tendis la main vers le sol en béton sous ma chaise longue et j’attrapai mon téléphone. J’appuyai sur le bouton « off » jusqu’à ce qu’il s’éteigne.
Quelques secondes plus tard, j’entendis la chanson des Kings of Leon qui servait de sonnerie à Stephan. Il soupira profondément dans la chaise longue à côté de moi, puis il se leva et se dirigea vers le bar de l’hôtel le plus proche de la piscine. Si au début je n’avais pas été certaine que le texto vienne de James, je l’étais à présent. C’était devenu son habitude dernièrement. Il appelait Stephan après avoir échoué à me joindre. Et pour une raison que je ne comprenais pas, Stephan se sentait obligé de lui répondre. Ce qui avait causé une nouvelle tension inhabituelle entre nous.
Un instant plus tard, une silhouette différente se profila devant moi. Son ombre tombait sur moi en traînant près de la chaise que Stephan venait de quitter.
– Je peux venir à côté de toi, B ? demanda Damien avec son fort accent australien.
Je n’ouvris pas les yeux derrière mes lunettes de soleil, mais je reconnus sa voix sans mal.
Je poussai un grognement qui signifiait que cela m’était égal, et il s’allongea à côté de moi.
Stephan et moi nous avions dû demander de grosses faveurs à un autre équipage pour obtenir une escale à Miami. Mais j’avais si désespérément voulu éviter New York que Stephan avait réussi à obtenir ce que je voulais.
D’une manière ou d’une autre, capitaine Damien et copilote Murphy avaient réussi à faire de même, après que Stephan avait mentionné dans un texto que nous reporterions notre voyage à New York cette semaine. Au début, j’avais pensé que c’était un peu harceleur de leur part, mais j’appréciais de plus en plus ces deux hommes. Damien n’avait fait aucune tentative de séduction. Il était en fait de très bonne compagnie pour une personne qui voulait un peu de calme. Cela ne le dérangeait pas du tout de rester confortablement silencieux, faisant de temps en temps des commentaires légers qui me tiraient de mes sombres pensées. Et il était le plus souvent accompagné de Murphy. Murphy pouvait faire rire n’importe qui. Même moi, dans l’état déprimant où je me trouvais dernièrement.
– Cette tunique va te faire un bronzage intéressant, me dit Damien d’un ton amusé.
Je portais une tunique de plage noire qui descendait jusqu’au début de mes cuisses. Je la portais sur mon bikini noir uni. La tunique était transparente, mais elle était tout juste assez sombre pour dissimuler les traces d’hématomes qui marquaient mon torse et qui rappelaient la violence à laquelle j’avais survécu quelques semaines auparavant. Elles s’étaient considérablement estompées, mais elles étaient encore assez sombres pour devoir être couvertes. J’aurais attiré l’attention si j’avais dévoilé ma peau, ce qui ne m’aurait pas du tout plu. J’avais déjà suffisamment été au centre de l’attention. Les paparazzis utilisaient n’importe quelle excuse pour me mettre en une, désormais. Je n’étais pas d’humeur à les encourager.
– Crois-moi, personne ne veut voir ce qu’il y a sous cette tunique, lui dis-je sans bouger et en n’ouvrant toujours pas les yeux.
Il étouffa un petit rire qui me mit mal à l’aise. J’étais assez perspicace pour savoir que Damien s’intéressait plus qu’un peu à moi. Tout ce qui me le rappelait était malvenu.
– Permets-moi d’en douter, dit-il doucement, et je me sentis froncer les sourcils.
– Pardon, pardon, dit-il rapidement avant que je puisse parler.
Je laissai passer sa remarque. Tant qu’il savait que je n’étais pas intéressée par autre chose que son amitié, je n’allais pas réveiller le chat qui dort.
Damien était beau, amusant et très agréable. C’était aussi un coureur de jupons sans vergogne. Je me dis que c’était dans sa nature d’essayer de montrer son intérêt pour toutes les femmes de son voisinage. C’était aussi dans sa nature de flatter n’importe quelle femme quand il en avait l’occasion. En général, je faisais plus attention à ne pas lui en donner l’occasion.
– Tout va bien entre Stephan et toi ? Je ne vous ai jamais vus comme ça. Vous êtes tellement tendus l’un avec l’autre. Vous vous êtes disputés ?
Mon estomac se noua. Les choses semblaient en effet se passer mal entre nous et je ne savais pas comment les améliorer. Je supposais qu’il devait m’en vouloir au moins un peu de lui faire rater son temps avec Melvin cette semaine. Non pas que je le lui eusse demandé. Je lui avais dit plus d’une fois que je comprendrais tout à fait s’il voulait aller à New York. L’équipage avec qui nous avions fait l’échange avait même accepté de faire l’échange avec moi seule. Mais Stephan avait insisté pour que nous restions ensemble. Je savais qu’il s’inquiétait pour moi.
J’aimais bien Damien. Je le considérais même comme un ami. Un de mes rares amis pilotes. Mais je ne pouvais pas m’imaginer discuter avec quelqu’un d’autre de mes problèmes qu’avec Stephan. Cela me semblait presque déloyal.
– Je crois qu’il s’inquiète juste pour moi. Depuis l’agression, on est tous les deux sur les nerfs, expliquai-je.
Tout cela était vrai, mais cela ne concernait pas le malaise qu’il y avait entre nous.
Damien fit un petit bruit neutre.
– Et ce James ? Tout se passe bien entre vous ? J’ai aperçu un peu du cirque médiatique autour de lui. Tu t’en es lassée et tu l’as largué ? Tu pourrais avoir tous les hommes que tu veux, tu sais.
Je soupirai. En général, Damien était doué pour ne pas me poser de questions de ce genre. C’est pourquoi il avait été de si bonne compagnie ces derniers temps.
– Je n’ai pas envie d’en parler, répondis-je froidement.
Il comprit le message.
– Merde, désolé. Je suis en pleine forme, non ? Je n’arrête pas de mettre les pieds dans le plat.
Je fis un demi-sourire en le regardant enfin. Je hochai légèrement la tête et il se mit à rire.
– Bon, j’imagine que je t’en dois une maintenant. Tu veux me poser des questions indiscrètes et malpolies sur ma vie personnelle ? demanda-t-il.
Il avait un sourire fantastique. Il était tout en dents blanches régulières et en autodérision. Cela aurait été difficile de ne pas le lui rendre. Je n’essayai même pas.
– Non, lui dis-je sans hésitation.
Il se remit à rire, comme si j’étais beaucoup plus drôle que je ne l’étais.
– Je suppose que quand tu répondras oui à cette question, je saurais que tu ressens ce que je veux.
Je me contentai de froncer le nez et je détournai les yeux.
– Tu veux faire une balade sur la plage ? demanda-t-il après quelques minutes de silence.
Je fus surprise de me rendre compte que j’avais effectivement envie de me lever et de bouger un peu. Dernièrement j’avais été tellement inactive à cause de mes blessures.
– Ce n’est pas pour une promenade romantique, hein ? demandai-je prudemment.
Il s’assit en me faisant un grand sourire. Il était vraiment beau. Il ne portait qu’un caleçon de bain taille basse noir. Il était bronzé et musclé. Ses cheveux bruns et ses yeux marron chaleureux étaient dignes de Hollywood. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi il investissait tant de temps dans une fille passablement attirante qui ne s’intéressait pas du tout à lui. J’essayais d’utiliser cette analyse de sa personnalité pour me prouver qu’il ne souhaitait être que mon ami, mais j’étais toujours étrangement mal à l’aise avec lui.
Je me levai lentement. J’étais encore assez raide, mais je m’étais remarquablement remise de ce qui m’était arrivé. Je n’avais pas été autorisée à quitter l’hôpital avant qu’ils aient fait une batterie de tests, donc je n’avais plus de blessures sérieuses.
Je commençai à marcher et Damien adopta mon rythme. Il sembla savoir qu’il valait mieux ne pas essayer de m’aider. Je trouvai la passerelle en bois qui menait de l’hôtel jusqu’à la plage et je m’y dirigeai avec détermination.
Je marchai presque jusqu’à l’eau avant de commencer à longer la plage. Mes pieds nus se mouillèrent, mais c’était agréable après être restée à cuire au soleil. Je descendis même un peu plus profondément dans l’eau avant de me mettre à suivre le rivage en passant devant les différents hôtels du bord de l’océan. Je comptais distraitement les hôtels devant lesquels nous passions.
– Il y a un gars bizarre qui vient de nous prendre en photo, me dit Damien pendant que nous marchions.
Je jurai intérieurement. Extérieurement, je ne fis que hausser les épaules.
– Tu veux qu’on aille lui casser la gueule pour lui prendre son appareil ? demanda-t-il.
Je ris.
– C’est trop tard, dis-je.
J’imaginais bien le genre de choses qu’ils publieraient à mon sujet cette semaine. Je me dis que peu importait ce que c’était, cela ne pourrait pas être pire que l’angle qu’ils avaient choisi le mois dernier.
Ils m’avaient traitée de tout. Je m’étais rapidement immunisée contre ça. C’était presque une surprise agréable de me rendre compte à quel point j’étais devenue insensible aux insultes publiques. Un jour, j’allais peut-être parvenir à étouffer mon besoin malsain de vérifier sur Internet ce qu’ils disaient à mon sujet. Je n’étais pas sûre d’avoir un jour assez de contrôle de moi-même pour m’empêcher de vérifier ce qu’ils écrivaient sur James…
– Tu en as réellement terminé avec ce James Cavendish, ou bien c’est juste un break ? demanda Damien en marchant près de moi, comme s’il craignait que je perde l’équilibre.
Il n’avait peut-être pas tout à fait tort. Je me sentais un peu chancelante, mais c’était surtout parce que j’étais si raide.
Je le regardai dans les yeux. Je décidai d’être brutalement honnête avec lui.
– J’aimerais penser que je suis assez raisonnable pour en avoir terminé avec lui. Je suis assez réaliste pour savoir que, terminé ou pas, je suis ruinée pour les autres hommes. Si tu dois le savoir, lui et moi nous avons certains… goûts en commun. Je n’ai pas vraiment envie d’en dire plus.
Damien me toucha brièvement le bras en me faisant un sourire chaleureux.
– Si t’es une dominatrice, B, je peux vivre avec. N’hésite pas à m’attacher et à me mettre la fessée quand tu en auras envie.
Je ris, parce qu’il plaisantait et parce que c’était l’opposé de la vérité.
– Euh, non, fut ma seule réponse.
– Tu l’aimes ? demanda-t-il. C’est sérieux à ce point ? Tu peux me le dire, Bianca. Je ne te jugerai pas. Je veux seulement être ton ami.
Je fis une grimace. C’était un ami. Pourquoi est-ce que j’ai tant de mal à m’ouvrir aux autres ? m’interrogeai-je. Même avec un ami. Je réfléchis à la question en essayant de refouler mon besoin naturel de me renfermer sur un sujet aussi personnel.
– Oui, répondis-je enfin. Je sais que c’est sans espoir. C’est peut-être pour cela que mon cœur a été assez pervers pour se donner à lui. Mais je l’aime.
Il me serra le coude.
– Hé, je sais ce que c’est. Ne t’en veux pas trop. Qu’est-ce que tu vas faire ?
Je pris quelques inspirations profondes en réfléchissant sérieusement.
– Je ne sais pas. Je ne peux pas nier ce que je ressens, mais je peux refuser où ça me mène. Il me veut encore. Est-ce que je le laisse faire ? Je suppose que c’est la question à un million !
Damien me jeta un regard peiné.
– C’est vrai.
Je fis un petit haussement d’épaules, de ceux dont je ne pouvais pas m’empêcher. C’était un geste qui semblait rendre fous tous les gens de mon entourage.
– Il se lassera de moi, j’en suis sûre, dis-je doucement. C’est son mode opératoire. La question est de savoir si je suis assez désespérée pour accepter de faire un bout de chemin avec lui.
Damien n’avait pas de réponse. Moi non plus.
Damien et moi retournâmes lentement vers l’hôtel. On trouva des sujets de discussion plus neutres pour le retour.
Cette fois je remarquai l’homme accroupi dans les buissons devant l’hôtel qui bordait le nôtre. Il nous avait encore pris en photo. C’était un homme rondouillard qui perdait ses cheveux. J’eus envie de lui dire qu’il n’avait pas besoin de se blesser les genoux en essayant de se cacher. Il était très visible, même caché.
Au lieu de cela, je me forçai à l’ignorer. Sa publication dirait quelque chose d’horrible à mon sujet dans tous les cas, j’en étais sûre.
– Tu veux qu’on aille au resto cubain au coin de la rue ? demanda Damien.
Nous étions presque de retour à l’hôtel. Je haussai les épaules.
– Allons voir ce que veut faire Stephan, dis-je d’un ton neutre.
La nourriture me faisait envie, mais je n’avais pas envie de ne manger qu’avec Damien.
– D’accord. On pourra y aller tous les quatre. Murphy aura certainement un avis sur la question, dit Damien joyeusement.
Son attitude me rassura. J’avais à moitié craint qu’il essaie de me piéger à sortir avec lui.
On trouva les deux hommes en train de discuter ensemble dans le bar immense et bondé de l’hôtel. Tout le monde fut d’accord pour le resto cubain. La nourriture y était d’enfer.
On se sépara pour aller se changer avant le repas et on se retrouva dans le hall d’entrée vingt minutes plus tard. J’enfilai juste un short et un débardeur.
Nous marchâmes jusqu’au restaurant, les trois hommes plaisantaient sans arrêt pour me faire rire. C’était vraiment bien d’être en leur compagnie.
Je commandai une soupe de haricots noirs et du riz. C’était un repas simple, mais calorique. Je m’en moquais. Je voulais de la nourriture réconfortante. Je m’empiffrai, ce qui ne m’arrivait pas souvent. Je commandai même un deuxième service à emporter. C’était un petit déjeuner fantastique, si on y ajoutait du jus d’orange. J’en achetai un carton dans l’épicerie, à un pâté de maisons de l’hôtel.
Stephan porta tout pour moi sans dire un mot. Même si c’était bizarre entre nous, il restait un gentleman dans l’âme. Son éducation mormone avait enraciné en lui le besoin de me protéger et j’avais été incapable de l’en décourager. Je l’acceptais trop désormais pour essayer de l’en dissuader. Je me contentai de le remercier quand il me prit les sacs.
Contre toute attente, il me prit la main en marchant. Je serrai instantanément la sienne. Je ne supportais pas la distance entre nous.
– Tu m’en veux ? lui demandai-je.
On ne marchait qu’à quelques pas devant Murphy et Damien, donc je parlais à voix basse.
Il me regarda d’un air surpris, les yeux écarquillés.
– Bien sûr que non, Bouton d’Or. Je suis terrifié que tu sois fâchée contre moi parce que je garde le contact avec James.
Je lui serrai à nouveau la main.
– Non. Je comprends très bien à quel point c’est difficile d’ignorer cet homme-là. Il est persévérant. J’étais inquiète que tu sois fâché contre moi parce que je t’empêchais de voir Melvin cette semaine.
Il serra les lèvres.
– Pas du tout. Je me suis rendu compte que Melvin n’était pas doué pour les relations amoureuses. Il a avoué être sorti avec un autre gars la semaine dernière, alors que nous avions été d’accord pour y aller lentement, mais exclusivement. Et je crois qu’il a aussi essayé de parler à la presse à notre sujet. Je me sens mal de l’avoir si mal jugé. Au début, j’étais si attiré par lui que je le voyais comme j’aurais aimé qu’il soit. Tu vois ce que je veux dire ?
Je grimaçai.
– Malheureusement, je vois exactement ce que tu veux dire, dis-je en pensant à James.
Il secoua la tête et me serra légèrement la main.
– James n’est pas comme Melvin, B. J’en suis certain. J’aimerais que tu puisses t’en rendre compte toi aussi.
Je lui jetai un regard. C’était mon regard « laisse tomber ».
Murphy et Damien avaient envie de faire la tournée des bars à South Beach.
Je déclinai rapidement leur invitation. Stephan fit comme moi. Murphy se concentra sur son téléphone pour envoyer des messages au reste de l’équipage. Nous avions brièvement vu les trois autres à la piscine, mais ils semblaient vouloir rester dans leurs chambres pour la soirée. Murphy avait l’air très déçu. Un équipage antisocial était son pire cauchemar.
– Un film ? Il y a un cinéma à moins de dix minutes.
Stephan me jeta un regard interrogateur.
Je haussai les épaules. Tout ce que je voulais, c’était retourner dans ma chambre et me glisser sous la couverture jusqu’au matin, mais je savais que je me rendrais folle si je faisais ça. Un film me sembla moins terrible.
– D’accord, acceptai-je enfin. Laissez-moi juste attraper un pull. J’ai toujours froid dans ce cinéma.
Ma chambre était à côté de celle de Stephan. Malheureusement, l’hôtel n’avait pas pu nous donner de chambres communicantes comme nous le souhaitions.
Il me passa les sacs de nourriture et de jus de fruits en partant dans sa chambre. Je posai le tout dans mon mini-frigo et j’attrapai un pull dans ma valise.
Je posai mon téléphone sur la table près du lit et je le branchai pour le charger. Je l’allumai à contrecœur. J’avais seulement l’intention de mettre le réveil pour le lendemain matin, puis de laisser le téléphone se charger dans ma chambre.
Il y avait plusieurs textos et appels manqués. Il y en avait toujours, ces temps-ci. La plupart étaient de James, bien sûr, même s’il y en avait quelques-uns d’autres amis et d’un numéro en 702 inconnu venant de Vegas. Je me demandai brièvement qui cela pouvait être, car je le voyais de plus en plus souvent dans ma liste des appels manqués. J’avais même répondu une fois, mais il n’y avait eu que quelques secondes de bruit de fond avant que l’on me raccroche brutalement au nez.
Je pensais à autre chose quand, perdant tout contrôle de moi-même, je jetai un œil sur le texto raté le plus récent. Je ne fus pas du tout surprise de voir qu’il venait de James, mais mon cœur bondit malgré tout rien qu’en voyant son nom.
James : Je me demandais comment tu allais. Tu me manques.
Je renvoyai un texto avant de pouvoir m’en empêcher.
Bianca : Je vais bien. Arrête de t’inquiéter pour moi. Je traîne avec l’équipage. J’espère que tu vas bien.
Il répondit immédiatement.
James : Assez bien. Je serai à Londres pendant la plus grande partie de la semaine, donc s’il te plaît n’échange pas ton vol pour New York avec un autre juste pour ne pas me voir. Quand pourrai-je te revoir ?
Mon désir de le revoir me faisait mal au cœur, mais mon cœur ne me guidait pas dans la bonne direction ces derniers temps.
Bianca : J’ai besoin de plus de temps. Je suis désolée. Je perds tout contrôle de moi quand je suis près de toi. J’ai besoin de remettre les pieds sur terre.
James : On peut se revoir comme tu veux. C’est toi qui dictes les conditions. J’accepterais n’importe quoi pour pouvoir te revoir cinq minutes. Littéralement. Je pourrais rencontrer l’équipage ou te rejoindre pour le café. Dis-moi ce que tu veux et je le ferai. Je veux désespérément te revoir.
Je déglutis. J’étais perdue. Le voir dans les conditions que je voulais, même si ce n’était que pour cinq minutes. Je devais pouvoir me contrôler, si ce n’était que pour cinq minutes…
Bianca : Laisse-moi réfléchir. Tu connais mon emploi du temps. Fais-le-moi savoir quand nous serons dans la même ville et j’essaierai de trouver une façon courte et neutre de se voir.
James : Ne me tente pas, ma belle. Si tu le penses vraiment, je saute dans un avion dans moins de trente minutes.
Mon estomac se noua.
Bianca : Ne fais pas ça. Je voulais dire : si ton planning te fait venir dans la même ville. Ne voyage pas spécialement pour me voir, s’il te plaît.
James : Il faut que je vienne à Vegas bientôt. J’aimerais te voir quand je serai là. Dis-moi où et quand et j’organiserai mon emploi du temps en fonction.
Bianca : Stephan et moi nous allons voir des amis dans une semaine. On n’a pas encore décidé de l’heure ni de l’endroit, mais je te tiendrai au courant. Tu pourras te joindre à nous si tu veux.
James : J’en ai très envie. Donne-moi les infos quand tu les auras. Je compterai les jours, ma belle.
Après ça, j’éteignis mon téléphone.
On se rejoignit dans le hall de l’hôtel. Je fus la dernière à arriver. Je me sentais mal de les avoir fait attendre, mais personne n’avait l’air embêté.
Ils étaient en train de se disputer gentiment sur le fait de marcher ou de prendre un taxi.
Je fronçai le nez en regardant Murphy, qui semblait penser que cela valait la peine de prendre un taxi sur une si courte distance.
– Il y a moins d’un kilomètre et demi, lui dis-je. On gaspillerait nos sous. En plus, il fait tellement bon dehors.
Damien pointa un doigt sur le ventre dodu de Murphy.
– On dirait qu’une promenade te ferait du bien.
Murphy piqua le ventre de Damien.
– Ne m’attribue pas tes problèmes d’image corporelle. Je suis sexy. Si je veux des carrés de chocolat, je vais chez le chocolatier. C’est vachement plus agréable que de passer trois heures par jour dans la salle de gym, comme Monsieur Univers ici présent.
On se mit tous à rire.
Murphy vit qu’il était minoritaire, alors nous partîmes à pied.
La balade fut agréable, mais une fois sur place, nous eûmes du mal à choisir ce que nous voulions voir. Pour une raison ou pour une autre, les pilotes insistaient pour voir une comédie romantique. Stephan et moi nous voulions voir un film d’horreur SF qui venait de sortir. Je n’aimais pas les comédies romantiques en général, mais je refusais particulièrement de voir celle qu’ils avaient choisie. La jeune actrice rousse que j’avais vue en photo avec James était dedans.
Si je regardais ce film, je savais que j’allais être obsédée par lui et que je retomberais dans ma déprime. Quand je suggérai de nous séparer pour voir les films qu’on voulait, les pilotes finirent par céder.
– Mais si je fais des cauchemars après ça, Damien aura un compagnon de chambre cette nuit. Et je me collerai contre lui, nous avertit Murphy.
Stephan et moi nous mîmes à rire, mais Damien eut l’air grognon, comme s’il craignait vraiment que Murphy essaie. Ce regard me fit rire encore plus fort.
Je trouvai le film génial, mais Murphy n’était pas d’accord.
– Cette scène où la fille se découpe pour extraire l’alien… Je ne peux pas m’arrêter de la voir dans ma tête. Je vais être marqué à vie. Vous m’en êtes redevables. La prochaine fois, je vous forcerai à regarder une comédie légère, menaça Murphy sur le chemin du retour.
La nuit était tombée pendant le film, mais les rues étaient bien éclairées et beaucoup de gens marchaient encore dans cette rue populaire.
Je remarquai que Stephan se tendait et je suivis son regard jusqu’à un homme qui nous prenait en photo. Je lui tins fermement le bras en continuant à marcher. Stephan avait l’air prêt à lui mettre un coup de poing.
– On va devoir apprendre à ignorer ce genre de choses, lui dis-je doucement. On ne peut pas les empêcher de prendre des photos et on ne peut pas contrôler ce qu’ils écrivent, donc il ne nous reste qu’à les ignorer.
Il m’évalua du regard.
– Peut-être que tu peux te faire au mode de vie de James. C’est impressionnant que tu sois déjà habituée aux paparazzis alors que ça ne fait que quelques semaines que tu dois les supporter.
Je fis mon petit haussement d’épaules.
– C’est pas la fin du monde. Je pourrais me passer de toutes les choses affreuses qu’ils publient à côté des photos, mais je dois juste apprendre à ne plus les lire. C’est de la merde. Avant de sortir avec James, je n’y aurais jamais jeté un coup d’œil. Je dois revenir à cet état d’esprit.
Stephan hocha fermement la tête.
– Moi aussi. J’ai des alertes Google sur James et toi maintenant. Je dois arrêter de me torturer avec ça. Ce n’est pas comme si on pouvait les arrêter.
– Si tu me vois consulter des saloperies de sites people en ligne, arrête-moi, je t’en prie. Tout ça a dégénéré.
– Idem, Bouton d’Or.
Les jours passaient lentement et il me tardait de revoir James. Malgré mes réserves, je faillis l’appeler plusieurs fois pour que l’on se voie plus tôt.
Finalement, je le contactai à peine, sauf pour lui envoyer des textos brefs le dimanche avant de le voir. Je me contentai de lui dire où tout le monde avait décidé de se rejoindre. C’était un rendez-vous entre collègues auquel je n’avais pas particulièrement envie d’aller. Mais Stephan ne me quittait plus d’une semelle dernièrement et j’en avais assez de l’obliger à rester à la maison. Je savais qu’il adorait sortir, alors j’avais accepté de venir à cette fête deux semaines plus tôt.
Bianca : On se retrouve à 18h au Dime Lounge. C’est près du Strip, à l’est de Tropicana. Il y aura beaucoup d’hôtesses de l’air, de stewards et de pilotes.
James : J’y serai.
Je commençai à me préparer à 15h30, ce qui était tôt pour moi. Me donner plus d’une heure pour me préparer était inhabituel, alors prévoir plus de deux heures signifiait que j’étais nerveuse. Nerveuse et excitée.
Je mis anormalement longtemps à choisir ce que j’allais porter. Je finis par choisir une minijupe noire qui montrait beaucoup mes jambes. Je l’accordai avec un haut en soie noire sans manches qui révélait un décolleté généreux, mais sobre. La tenue entièrement noire me donna envie de mettre des chaussures de couleur vive, alors je sortis des sandales compensées avec un mélange de couleurs qui ne pouvaient s’accorder qu’avec du noir. C’était un mélange d’orange, de jaune, de rose et de bleu qui me faisait sourire. De larges rubans en satin servaient à les attacher autour des chevilles. Je n’avais jamais eu l’occasion de porter cet achat impulsif et j’étais ravie du style de ma tenue.
Je trouvai de grandes créoles argentées pour mes oreilles. Je jetai un regard sur une boîte argentée qui était arrivée dans ma boîte aux lettres le jour de mon retour de l’hôpital. J’avais regardé à l’intérieur, vu le contenu et fermé la boîte. Elle contenait le collier et la montre que James m’avait donnés avant que tout dégénère. Je ne savais pas quoi faire des bijoux. Je ne pensais pas devoir les garder, parce que nous n’étions pas ensemble. Mais j’étais certaine que James ne les accepterait pas si je les lui rendais. C’était évident, parce que la dernière fois que je les lui avais rendus, ils avaient fini dans ma boîte aux lettres.
Je coiffai mes cheveux et me maquillai en songeant aux bijoux.
J’avais envie de les porter. Le collier irait bien avec mon décolleté. James serait heureux de me voir le porter, je le savais. Mais cela pourrait aussi lui donner de fausses idées. Il pourrait comprendre que je voulais reprendre où nous nous étions arrêtés. Je n’étais pas sûre de le vouloir.
Je subissais une transformation quand j’étais près de James. Une transformation que je n’étais pas certaine d’apprécier. Il m’avait fait tomber amoureuse de lui alors que je ne le connaissais que depuis une semaine. Et si ça, ce n’était pas de la folie, qu’était-ce ?
Je laissai mes cheveux raides tomber dans mon dos en formant une ligne blonde. Je soulignai mes yeux de marron clair. Je mis une bonne dose de mascara et de fard à paupières doré. Mes lèvres étaient rose pâle et couvertes de gloss. C’était plus de maquillage que d’habitude, mais je trouvais que cela irait parfaitement dans un endroit comme le Dime.
L’effet d’ensemble me donna l’impression d’être sexy et sophistiquée et c’était exactement ce que je voulais. Il fallait que j’aie confiance en moi en revoyant James.
J’entendis mon téléphone annoncer un message et je sus que c’était Stephan pour me dire qu’il était l’heure de partir. Un regard vers l’horloge le confirma.
Sur un coup de tête, j’ouvris la boîte argentée. Je soupesai le magnifique collier. Il était de couleur argentée, mais je n’avais aucune idée du type de métal utilisé. Je ne savais pas faire la différence. Mais il avait l’air coûteux, avec des diamants éparpillés sur l’ensemble du collier et la boucle sur le devant faite entièrement de gros diamants. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point ils étaient gros.
J’inspirai profondément et me le mis autour du cou. Son poids était agréable contre ma peau et je l’examinai en faisant courir un doigt le long du collier. Il fallait que je parte, mais je n’arrivais pas à détacher mon regard du collier.
Je jetai un œil à la boîte et remarquai pour la première fois qu’il y avait autre chose que la montre et le collier à l’intérieur. J’ouvris une petite boîte que je n’avais pas vue lors de ma première inspection rapide. Elle contenait de grandes créoles exquises faites de gros diamants qui s’accordaient parfaitement avec ceux de mon collier.
Je me mordis la lèvre et les mis. Autant faire les choses jusqu’au bout, me dis-je imprudemment.
Je me précipitai dehors, la voiture de Stephan m’attendait dans l’allée. Je montai tout en fouillant dans mon petit sac à main. Je vérifiai que j’avais bien pris tout ce dont j’avais besoin.
Stephan siffla doucement en me voyant.
– T’es super-sexy, Bouton d’Or. Si tu ne m’avais pas dit que James passerait te voir, j’aurais pu le deviner rien qu’en voyant ta jupe.
Je lui jetai un regard menaçant, mais je ne pus pas le maintenir longtemps. Il avait raison. Je ne m’habillais presque jamais de cette façon.
– Tout le monde sera là, me dit joyeusement Stephan pendant que nous faisions le trajet de vingt minutes jusqu’au lieu de rendez-vous.
Il se mit à énumérer tous ceux qui allaient être présents. En tant normal, j’aurais été très heureuse de voir certains d’entre eux, mais à ce moment-là, pas tellement.
Tout le monde savait que j’avais été attaquée chez moi. Et que j’avais été hospitalisée une semaine. La rumeur était qu’un cambrioleur m’avait agressée, mais les gens allaient me poser des questions malgré tout. Je détestais que les gens aient ne serait-ce qu’une vague idée de ce qui m’était arrivé.
J’avais survécu, le reste n’était que détails, me dis-je fermement. C’était un mantra qui me faisait toujours arrêter de m’apitoyer sur mon sort. Comme d’habitude, cela fonctionna. J’étais en vie et c’était suffisant.
Pendant que Stephan conduisait, je me moquai de sa façon de porter le col de son polo. Il l’avait relevé et je l’avais remarqué presque immédiatement. Je n’arrivais pas à me faire à ce style. Ce look avait quelque chose de terriblement ringard. Je lui dis ma pensée.
Il finit par céder et il remit son col droit avec un sourire chagrin.
– Ce n’est pas parce que tu aimes le look que c’en est un qui marche, le taquinai-je.
Nous arrivâmes avec dix bonnes minutes d’avance. Le videur contrôla nos cartes d’identité et même nos badges de travail. Nous les avions tous les deux sur nous, parce qu’on nous avait dit de les prendre pour bénéficier de la réduction pour les employés, mais c’était inhabituel de devoir les montrer à l’entrée.
J’entendis une voix familière derrière moi.
– Ce sont les invités de Monsieur Cavendish. Je les accompagne.
Je me retournai en faisant un sourire surpris à Clark. Je grimaçai intérieurement en repensant à la dernière fois qu’il m’avait vue. J’étais dans un état terrible et j’avais traversé la route comme une folle. Mais ce n’était pas de sa faute s’il m’avait vue ainsi, alors j’essayai de le saluer comme si cela n’avait jamais eu lieu.
– Comment allez-vous, Clark ?
Il me sourit chaleureusement.
– Très bien, Miss Karlsson. Je suis très heureux de vous voir en forme.
Je hochai la tête, essayant de ne pas penser à ce qui m’avait mise en si mauvaise forme récemment.
Clark nous guida à travers le bar tamisé pour nous mener jusqu’à la section VIP.
Je soupirai.
James allait évidemment se trouver là, ce qui allait à l’encontre de ce qui était prévu, c’est-à-dire discuter avec les collègues.
Et en effet, nous venions tout juste de nous asseoir quand Stephan bondit sur ses pieds en voyant une amie à nous de l’autre côté de la salle. C’était Jessa. Cela faisait plus d’un mois que je ne l’avais pas vue et j’avais très envie de la saluer.
Je vis rapidement que James n’était pas là.
Je fis un regard désolé à Clark.
– Merci de nous avoir montré notre table, Clark, mais je vois quelqu’un avec qui j’aimerais discuter. Où est James ?
Clark eut l’air mal à l’aise. Il triturait même sa cravate. Ce geste nerveux ne lui ressemblait pas du tout.
– Dans la voiture, il termine quelques coups de fil. Je crois qu’il ne pensait pas que vous arriveriez si tôt, sinon je suis sûr qu’il aurait terminé de traiter ses affaires.
Je hochai la tête et je me dirigeai vers Stephan et Jessa qui se saluaient. Elle me vit et sursauta. Elle me prit si fort dans ses bras que je dus cacher ma douleur. Mes côtes me faisaient encore un peu mal. Elle avait touché pile au mauvais endroit avec son câlin exubérant. Je cachai ma réaction et lui rendis son embrassade.
– C’est si bon de te revoir en meilleure forme, s’extasia-t-elle. Je suis désolée de ne pas avoir pu passer te voir à l’hôpital ou chez toi. Ça a été la folie dernièrement et je n’étais au courant de rien jusqu’à ce que tu quittes l’hôpital. Et je n’étais pas en ville à ce moment-là.
Elle jeta un regard mauvais à Stephan.
– Stephan me l’a caché. À moi !
– S’il te plaît, n’y pense plus. En fait, n’en parlons plus jamais. Comment ça va ? Tu étais sur quels vols ce mois-ci ?
Jessa venait de notre classe de personnel navigant. C’était une grande brune, presque aussi grande que moi, avec de jolis yeux noisette et un sourire des plus chaleureux. C’était une des personnes que je préférais. Quand c’était possible, nous essayions de nous voir au moins deux fois par mois pour nous donner des nouvelles. Elle avait un grand sens de l’humour et elle adorait sortir. Même Stephan était casanier par rapport à elle.
Elle lança son épaisse chevelure bouclée en arrière en nous racontant l’histoire d’un passager de son dernier vol qui avait essayé de fumer dans les toilettes puis de mentir. Elle commençait à s’énerver rien qu’en relatant les mensonges éhontés tentés par le vieil homme.
Je dus dissimuler un sourire. Elle s’énervait toujours à cause des fous. Et sa façon culottée de les gérer était très drôle.
Une serveuse en minijupe et en corset s’approcha rapidement de nous et prit notre commande de boissons. Stephan prit le cabernet maison, je restai à l’eau. Je ne voulais plus d’alcool, en particulier si James était là. Il haïssait cela.
J’aperçus Brenda près du bar et je lui fis signe de la main. Elle nous rejoignit en souriant.
– Vous nous avez manqué cette semaine, dit-elle en guise de bonjour.
– Mais Cindy et Lars sont géniaux, non ? lui demandai-je en souriant.
Le couple avec lequel nous avions fait l’échange était connu pour être très agréable et amusant.
– Oh oui, ces deux-là sont très marrants. Mais vous nous avez manqué quand même. (Elle pinça les lèvres.) À Jake et moi, je veux dire.
On échangea un sourire sarcastique. Je n’avais pas besoin de lui demander pourquoi elle n’avait pas cité Melissa. Cette dernière agissait de façon de plus en plus déséquilibrée chaque fois que je la croisais. Je savais que nous ne lui aurions pas manqué.
Brenda remarqua mes bijoux.
– Ton collier et tes boucles d’oreilles sont magnifiques. C’est si original.
Je tripotai mon collier en la remerciant.
– Ton mari est venu ? lui demandai-je en regardant autour de nous.
Il venait souvent aux fêtes entre collègues et il la rejoignait parfois même à ses escales.
– Non, il est rentré du travail à six heures et il dit qu’il est crevé. Je ne resterai probablement pas longtemps. Mais c’est si dur de manquer l’occasion de voir tous les collègues que je vois si peu normalement. On devrait s’organiser pour se voir plus souvent.
Jessa acquiesça fermement et elles bavardèrent sur le sujet pendant dix bonnes minutes.
Jake nous rejoignit pendant que nous discutions. Il embrassa tout le monde en faisant mine de s’intéresser à la conversation en cours. Je lui rendis doucement son embrassade. J’avais eu du mal à m’habituer à tous ces câlins entre hôtesses et stewards, mais j’avais fini par m’y habituer. Quand on avait des amis proches qu’on ne voyait qu’une fois par mois en passant, un câlin semblait approprié. Même si tout le monde, même les amis pas si proches, semblait insister. Je m’y résignais désormais. Je savais que personne ne comprenait ma réticence, alors j’avais appris à ne pas la montrer.
Un grand homme mince aux cheveux bruns s’approcha de Stephan et fit claquer une main sur son épaule en guise de salutation. Il se pencha à l’oreille de Stephan et il lui chuchota quelque chose. Stephan eut l’air de rougir jusqu’aux orteils.
Je regardai la scène comme si elle se déroulait au ralenti, et ma mâchoire tomba d’étonnement.
Je mis un long moment pour reconnaître cet homme, parce que ce que je voyais n’avait aucun sens.
Javier Flores et Stephan n’étaient pas vraiment amis. La dernière fois que j’en avais parlé avec lui, ils étaient plutôt des ex aigris. Les deux hommes ne s’étaient pas adressé la parole depuis plus d’un an. C’est ce que je pensais, en tout cas.
Javier était celui qui avait échappé à Stephan.
Les deux hommes étaient aussi différents physiquement que moralement. Même s’ils étaient tous les deux grands et beaux, Stephan était beaucoup plus grand. Javier faisait peut-être un peu moins d’un mètre quatre-vingts. Et si Stephan ressemblait à un mannequin pour Abercrombie&Fitch avec son allure de beau blond, Javier était presque délicat. Son visage était très fin avec des traits réguliers et parfaits et d’immenses cils. Ses cheveux noirs lui arrivaient aux épaules, et ils tombèrent élégamment devant ses yeux quand il pencha la tête en avant pour faire un sourire irrésistible à Stephan. Il était mince, presque maigre. Ses yeux marron foncé étaient mystérieux et magnifiques, mais je l’avais toujours trouvé un peu froid et distant.
Les deux hommes étaient sortis ensemble pendant un mois seulement, il y avait de cela plus d’un an. Cela avait été un mois intense, mais qui s’était terminé vite et mal. Javier avait un véritable problème avec le fait d’être l’amant secret de Stephan et il n’avait pas toléré longtemps la situation.. Il avait donné un ultimatum à Stephan : qu’il arrête de cacher leur relation ou c’était terminé.
Javier avait été choqué et blessé quand Stephan avait fait le deuxième choix. Depuis, il n’adressait plus la parole à Stephan et il l’évitait dans les fêtes comme celle-ci. Pendant plusieurs mois après la rupture, il sortait de la pièce quand il voyait Stephan. Mon meilleur ami avait été anéanti par tout ça.
J’avais compris que Javier avait été très blessé, mais je pensais malgré tout qu’il avait mal réagi après la rupture. J’avais moi-même été attristée par leur séparation. Stephan n’avait jamais regardé qui que ce soit de la même façon que Javier et j’avais vraiment espéré, au moins au début, que leur relation fonctionnerait.
Javier me vit le regarder et son sourire s’effaça. Il avait toujours été poli et courtois, mais j’avais l’impression qu’il se méfiait de moi. Il n’y avait pas grand monde qui comprenait la relation entre Stephan et moi.
Javier me surprit en marchant vers moi et en m’enveloppant dans un câlin doux câlin.
– Je suis si heureux de te voir en bonne santé, Bianca.
Je lui rendis machinalement son câlin. Il ne me lâcha pas.
– Tu ne me détestes pas, si ? me chuchota-t-il à l’oreille.
Je restai bouche bée et croisai le regard gêné de Stephan derrière Javier.
– Pourquoi te détesterais-je ? demandai-je doucement, surprise.
– Pour avoir été un gros con avec Stephan pendant si longtemps. J’avais le cœur brisé, mais ce n’est pas une excuse pour la façon dont je l’ai traité. Et je n’ai pas non plus été sympa avec toi. J’ai arrêté de te parler à toi aussi, alors que rien de tout ça n’était de ta faute. Stephan m’a même dit que tu m’avais défendu jusqu’au moment où j’ai piqué une crise à la fête de la Saint-Valentin et que je me suis fait honte.
Cela faisait un mois que Javier était dans notre équipage quand lui et Stephan avaient commencé à sortir ensemble. Je n’avais jamais réfléchi au fait que Javier ne m’avait pas parlé depuis leur rupture. En fait, je m’étais attendue à ça.
– Je sais que ça paraît fou, mais j’étais jaloux de toi. Je m’étais à moitié convaincu qu’il y avait quelque chose entre vous et que c’était pour ça que Stephan ne semblait pas pouvoir s’engager avec moi.
Je me raidis. Il me serra plus fort, même si cela restait doux. J’étais persuadée que cet homme si mince ne saurait pas être brutal.
– Je sais, c’est fou, non ? continua Javier. Mais Stephan et moi nous nous sommes reparlé. S’il te plaît, dis-moi que ce n’est pas un problème pour toi.
Je hochai la tête, même si je ne savais pas vraiment quoi en penser. Le fait que Javier soit là était si soudain et inattendu, et Stephan ne m’avait rien dit. Je venais tout juste de me faire au fait qu’il ne voyait plus Melvin.
– Oui, bien, sûr. Je ne suis pas la gardienne de Stephan, contrairement à ce que les gens pensent.
Il m’embrassa le front et recula pour me regarder.
– Je sais, mais tu es sa famille. Je veux juste que tout se passe bien entre nous.
Ses yeux étaient sincères et suppliants maintenant, très loin de son regard froid habituel. Cela me donna de l’espoir. Peut-être n’était-ce qu’une façade : il paraissait froid pour mieux cacher ses sentiments. Je pouvais très bien le comprendre.
Je lui souris. C’était laborieux, mais je fis un effort.
– Oui. D’accord. Je veux le bonheur de Stephan. Toujours.
Javier hocha la tête avec emphase, puis il finit par faire un pas en arrière.
– Bien. Super. Stephan était inquiet que tu n’aimes pas qu’on se fréquente à nouveau.
Je jetai un regard stupéfait en direction de Stephan. Il nous regardait toujours, l’air angoissé.
– Il devrait pourtant mieux me connaître, dis-je alors.
Javier retourna vers Stephan. Je fus abasourdie par ce qui se produisit ensuite. Stephan jeta un bras sur les épaules de Javier et ébouriffa ses cheveux d’un air joueur. Il le relâcha presque instantanément, néanmoins, je ne l’avais jamais vu faire un geste aussi affectueux en public à un autre homme.
Pour une raison ou pour une autre, je sentis mes yeux devenir humides.
Stephan croisa mon regard et il s’approcha de moi. Il me colla contre lui en se baissant pour me parler à l’oreille.
– Ça ne te dérange vraiment pas ?
– Qu’est-ce que c’est que cette question ? demandai-je d’une voix étouffée par son polo orange pâle. Et pourquoi est-ce la première fois que j’en entends parler ?
Il me caressa le dos d’un geste apaisant.
– C’était pas le bon moment. J’avais l’intention de te le dire, et puis à chaque fois il y avait autre chose. Je n’arrivais pas à trouver le bon moment. C’est lui qui m’a appelé parce qu’il avait entendu dire que tu avais été blessée et il voulait savoir si nous allions bien, tous les deux. C’est mignon, non ?
Je reculai pour le regarder en hochant la tête.
– Et vos… problèmes ?
Il soupira.
– Javier et moi nous en avons parlé. Et je me suis rendu compte qu’il avait raison. Je n’ai pas besoin de l’annoncer au monde entier. Je n’ai pas besoin d’un bal de coming-out, tu vois. Mais je n’ai pas non plus besoin de continuer à mentir. Je peux juste vivre ma vie. Je ne dois d’explications à personne. J’ai toujours dit que je voulais que ma vie privée reste privée, mais je commence à voir qu’il y avait plus que ça. Et puis je n’ai pas à avoir honte, hein ?
Il avait essayé d’en faire une affirmation, mais j’entendis néanmoins la question. Je lui serrai les bras très fort.
– Absolument pas. Je suis si fière de toi, Stephan.
Il me serra le bras. On évita de se regarder dans les yeux pendant une longue minute en essayant de ravaler nos larmes embarrassantes.
Quand il se fut repris, il hocha la tête et retourna près de Javier. Il posa brièvement sa main sur son épaule avant de croiser les bras sur sa poitrine pour écouter ce que disait Jessa.
Je me sentais un peu choquée du changement soudain et drastique de Stephan. Mais c’était un choc salutaire.
J’observai les deux hommes pendant quelques minutes, étonnée par la transformation de Stephan. Il ne déballait pas toutes sa tendresse en public, mais il n’arrêtait pas de piquer du doigt le torse de Javier pour rire, ou de triturer une mèche de ses cheveux. Javier faisait attention et restait plus en retrait, mais je trouvais qu’il lançait des regards très doux et affectueux à Stephan. C’était très beau.
Murphy et Damien furent les suivants à rejoindre notre groupe et ils firent le tour en faisant des câlins à tout le monde. Je me rendis compte que notre petit groupe était devenu plutôt bruyant.
Je balayai la grande salle du regard en pensant que James pourrait avoir du mal à me trouver dans un groupe si imposant, mais je ne le vis nulle part.
J’aperçus Melissa de l’autre côté de la pièce. Elle était assise au bar avec le capitaine Peter. Elle portait une robe rouge moulante et elle regardait notre groupe d’un air boudeur. Je me demandai, un peu méchamment, pourquoi elle insistait pour porter des couleurs qui n’allaient pas avec sa couleur de cheveux. Je me grondai mentalement. Elle était peut-être désagréable, mais ce n’était pas une excuse pour se rabaisser à son niveau.
Je lui fis un petit signe de la main quand nos regards se croisèrent, en me forçant au moins à être polie, puisqu’elle ferait encore partie de notre équipage pendant au moins un mois. Elle hocha la tête puis elle détourna le regard. Elle ne m’avait pas mis un vent, au moins.
Je me concentrai de nouveau sur notre groupe qui grandit encore quand nous fûmes rejoints par deux personnes de plus.
Il s’agissait de Judith et Marnie. Elles avaient fait partie de notre équipage quelques mois auparavant. C’étaient des fêtardes inséparables. Judith avait les cheveux longs et foncés et Marnie était blond platine. Elles étaient toutes les deux très petites avec de belles silhouettes et de jolis visages. Elles me rappelaient un peu de petites fées malicieuses. Des petites fées malicieuses à moitié ivres, à ce moment-là.
Je me souvins qu’elles s’étaient souvent présentées aux hommes dans les bars comme Ella Dorsa et Laurie Fisse. Elles retournaient rarement seules à leur chambre et parfois même elles partageaient certains hommes. Elles étaient très drôles, mais pas pour les âmes sensibles. Stephan et moi avions été à la fête des vingt un ans de Judith il y avait environ deux mois de cela. Ça avait été de la folie. Je l’avais vue embrasser au moins trois hommes et en ramener deux dans sa chambre d’hôtel.
Marnie avait un an de plus que Judith. J’étais plus âgée qu’elles, mais elles me battaient côté expérience. Elles pensaient toutes les deux qu’une femme qui n’avait pas encore perdu sa virginité à quinze ans était une prude. Je n’imaginais même pas qu’elles aient un mot pour quelqu’un qui ne l’avait perdue qu’à vingt-trois ans, comme moi.
Judith poussa un cri de joie en me voyant. Elle se précipita vers moi pour me prendre dans ses bras.
– J’ai entendu parler de l’agression. Comment vas-tu ? cria-t-elle presque.
Je lui rendis son embrassade avec raideur en me disant que j’aurais préféré qu’elle ne parle pas si fort.
– Bien. Comment ça va, toi ?
Elle jeta un regard en coin en direction de Damien.
– Tu veux parier que je me réveillerai dans le lit de Damien demain ? chuchota-t-elle. Alors, je serai quitte. Marnie a couché avec lui il y a quelques mois. Elle dit qu’il est carrément bien loti. Le dernier gars avec lequel j’ai couché était une vraie déception. Ça a dû me donner un karma de belle bite, non ?
Ses mots me firent rire de surprise. Je n’avais pas su au sujet de Damien et Marnie, mais cela ne m’étonnait pas.
– Trop d’infos, Judith, lui dis-je avec un sourire. Je dois travailler avec lui toutes les semaines.
Marnie s’était approchée et faufilée entre nous pour me faire un câlin.
– Si Judith lui court après ce soir, je les rejoindrai. S’il y a un homme qui peut gérer deux filles à la fois, c’est bien lui. C’est un marathonien.
Judith fronça le nez.
– Je ne peux jamais profiter toute seule de ceux qui sont vraiment bien. Il faut toujours qu’elle en veuille un morceau.
Je n’essayai pas de cacher mon rire. Elle se plaignait, mais son ton était plus amusé que boudeur.
Damien m’aperçut d’un peu plus loin. Il ne vint pas vers nous, mais me regarda avec de grands yeux interrogateurs. J’étais sûre qu’il s’inquiétait de savoir ce qu’elles me racontaient. Je lui fis un grand sourire. Il se couvrit le visage des mains et j’aurais pu jurer l’entendre gémir. Je ne me sentais pas vraiment mal pour lui, parce que j’étais prête à parier qu’il finirait avec les deux filles avant la fin de la soirée.
– J’ai entendu dire que tu avais perdu ta virginité. Enfin. Et avec un gars super-riche et sexy. C’est vrai ?
Je fis une grimace. La rumeur était toujours là et, apparemment, il y avait du vrai.
– Oui. S’il te plaît, ne le dis pas si fort.
J’étais morte de honte que ces deux-là sachent que j’avais été vierge jusqu’il y a peu. Elles l’avaient deviné, bizarrement, alors que je connaissais peu de personnes qui soient plus éloignées de la virginité qu’elles. Nous étions dans la chambre d’hôtel de Judith pour regarder une comédie romantique pendant une escale quand les deux filles s’étaient mises à partager leurs meilleures histoires de cul. Elles m’avaient demandé d’en parler moi aussi et j’avais rougi. Elles avaient deviné, sans cacher leur dégoût, que j’étais vierge. Je dus leur parler très fermement quand elles persistèrent à me chercher des hommes qui pourraient régler mon « problème ». Marnie avait même proposé de me prêter son copain de l’époque par intermittence. Je n’avais pas bien pris cette proposition. Mais j’avais dépassé ça très vite, parce que je savais qu’elles ne se préoccupaient pas beaucoup des sentiments des autres pour ce genre de choses.
– Eh bien, félicitations. Il était bon ? Parfois les très beaux sont très nuls au lit. Ils sont du genre « je suis si beau que j’ai pas besoin de faire d’efforts », tu vois ?
Judith donna un coup de coude dans les côtes de Marnie pendant qu’elle parlait.
Je me contentai de secouer la tête, les yeux écarquillés. Je ne voyais pas du tout. Je ne pouvais pas imaginer qu’il y ait un homme au monde qui soit meilleur au lit. Mais je n’avais pas très envie de partager cette information.
– Alors, il était bon ? Ta première fois, c’était bien ? insista Marnie.
Je hochai la tête, toujours mal à l’aise. Ce n’était pas du tout pour moi, ce genre d’échange d’informations intimes.
– Sur une échelle de un à dix, il se situait où ?
Je soupirai. Elles n’allaient pas me lâcher.
– « Je veux qu’il me baise à mort et il se pourrait bien qu’il le fasse », ça se situerait où sur l’échelle ?
Les deux femmes étaient mortes de rire, mais elles s’arrêtèrent d’un seul coup en levant les yeux à ma gauche.
Je sentis une main familière se poser dans ma nuque. Des lèvres douces bien connues me posèrent un baiser sur la joue.
– Ce que tu dis là me réchauffe le cœur, ma belle, murmura James contre ma peau.
Je sentis mes joues se mettre à brûler, et un frisson pervers de pur plaisir me secoua le corps.
Le timing typique de James. Apparaître au moment le plus désarmant.
Judith et Marnie se contentèrent de le regarder bouche bée pendant un long moment.
Je me retournai pour le regarder. Sa main tomba de ma nuque et on se fixa du regard. Je me délectai de sa vue.
Il avait l’air… merveilleux. Il était vêtu d’un polo bleu éclatant avec un jean foncé délavé et des tennis bleu marine. C’était la version « top model casual » de James. Même quand il était habillé comme ça, il avait l’air trop sexy pour sortir en public. Je ne l’avais encore jamais vu porter un jean. Il rendait ce vêtement presque obscène. Je vis juste un tout petit bout de torse bronzé au niveau de son col et je dus m’empêcher de vérifier si je ne bavais pas. Ses cheveux caramel frôlaient son col et je serrai les poings pour garder les mains contre moi. J’avais envie de le toucher. Mais quand on se touchait, ça menait toujours trop loin, trop vite.
Je croisai son regard bleu vif. Il était intense et sérieux. Ses yeux tombèrent sur mes boucles d’oreilles puis sur le collier. Il serra la mâchoire puis la desserra. Il passa la langue sur ses dents. Mon corps entier sembla se serrer.
– Merci de les porter. C’est… attentionné de ta part, dit-il de sa voix polie, mais rauque.
Il avala sa salive en enfonçant les mains dans ses poches, ce qui fit gonfler ses biceps d’une façon distrayante sous son T-shirt ajusté. Son torse et ses bras me semblaient plus grands que dans mon souvenir. Ses muscles étaient bombés comme s’il avait trop fait de gonflette. Le tissu de son T-shirt avait l’air si doux que j’eus très envie de le caresser. Mais cette caresse légère se transformerait en vraie caresse. Et puis je me mettrais à le caresser plus fort pour sentir sa peau en dessous…
James me dévisagea de la tête aux pieds et pas pour la première fois. Il avait posé le regard sur mes jambes très nues, puis sur mon décolleté.
– Tes jambes sont scandaleuses. Cette minijupe à l’air indécente sur toi.
Il finit par regarder mon visage.
– Tu es magnifique, dit-il avant d’inspirer profondément, en me regardant toujours. Mais ta tenue n’est-elle pas un peu sexy pour un truc entre collègues ?
Je fronçai le nez puis jetai un regard appuyé autour de moi. Nous étions à Vegas et dans un bar plein de personnel navigant. Ma tenue était carrément sobre par rapport à d’autres.
– Tu avais envie que je te baise devant tes collègues ? Parce que c’est tout ce à quoi je peux penser quand je te vois dans cette tenue.
Il parlait à voix basse, mais j’eus le souffle coupé en entendant ses mots.
– C’était censé être un rendez-vous court et décontracté, lui dis-je avec une pointe d’accusation dans la voix.
Il prit une autre inspiration profonde en regardant autour de lui et loin de moi. Je le vis compter jusqu’à dix en silence.
– Tu m’as manqué, finit-il par me dire.
Il m’avait manqué aussi, mais je ne pouvais pas le lui dire. Il me troublait encore trop pour ce genre sincérité. Au lieu de cela, je dis la première chose qui me passa par la tête :
– Tu es en retard.
Il serra à nouveau la mâchoire.
– Oui, j’étais dans ma voiture, au milieu de l’appel de travail le plus ennuyeux de ma vie. Je crois que je vais devoir virer mon directeur de New York. Je ne t’ai pas vue arriver et j’ai perdu l’heure de vue. Je te demande pardon. Je ne voulais pas rater une seule seconde de notre temps ensemble, ce qui a rendu cet appel téléphonique si particulièrement pénible.
– Ce n’est pas grave. Pour une fois, on était en avance, alors j’étais juste surprise de voir que ce n’était pas ton cas.
– Présente-nous, dit Judith d’une voix forte.
Je ne fus pas surprise. Les deux fêtardes avaient fait preuve d’une force de volonté surprenante en nous laissant parler doucement pendant aussi longtemps.
Je me retournai en leur faisant un sourire gêné. Jessa s’approcha et nous eûmes soudain l’attention du groupe entier.
Je fis le tour du groupe en présentant tous ceux que James n’avait pas encore rencontrés. Je touchai légèrement le bras de James en terminant.
– Tout le monde, voici mon ami James, dis-je, mal à l’aise.
Je n’avais aucune idée de comment le présenter.
– Petit ami, corrigea James, et je levai un sourcil. Je ne savais pas ce qu’il était, mais il ne semblait pas pouvoir se qualifier de ça. Petit ami très sérieux, ajouta-t-il avec un sourire suffisant.
Je pensai savoir ce qu’il était en train de faire. Il avait envie de me parler en privé et il savait qu’en s’attribuant ce statut il m’énerverait assez pour m’entraîner dans une dispute. Je n’allais pourtant pas mordre à l’hameçon, me dis-je résolument. Et il était trop possessif. Il aurait dit n’importe quoi pour éloigner les autres hommes.
Je jetai un regard vers Damien. Il nous regardait, le visage fermé. Je détournai vite le regard, souhaitant éviter d’attirer l’attention des autres sur le fait qu’il nous regardait un peu trop intensément.
Judith et Marnie accaparèrent James sans pitié. Je fus très surprise qu’elles ne le draguent pas. Même pas un peu. C’était plutôt comme si elles étaient en train de l’interviewer. Je trouvai ça mignon. Il s’agissait des femmes les plus du monde, mais elles faisaient de gros efforts pour rester entièrement platoniques avec quelqu’un qu’elles pensaient être mon petit ami. Quelqu’un qui était le plus bel homme de la planète. Cela me prouva qu’elles étaient de très bonnes amies. Peut-être meilleures que ce que j’avais pensé.
J’avais la triste habitude d’être plus cynique que nécessaire. La gentillesse ou les égards me surprenaient toujours quand ils ne venaient pas de Stephan. Il était sans doute la seule personne avec laquelle j’étais exigeante. J’avais beaucoup d’amis. La plupart étaient des amis occasionnels. Mais je n’avais jamais fait le lien entre l’amitié et la confiance. J’écoutai les filles poser des questions ininterrompues à James, avec des mots qui n’étaient même pas vulgaires.
Je me sentis soudain bien plus vieille que mes vingt-trois ans. J’avais toujours pensé que c’était elles qui étaient mûres et qui avaient de l’expérience, mais je les battais assurément dans le domaine du cynisme.
Je touchai le bras de James du bout des doigts.
– Je reviens. Je dois aller aux toilettes.
James essaya de m’accompagner jusqu’aux toilettes, mais je lui fis signe de rester.
– Va dire bonjour à Stephan, lui dis-je.
Il me regarda sévèrement, mais il partit dans la direction que j’avais indiquée.
Judith et Marnie me rejoignirent. Le haut de leur tête arrivait au niveau de ma poitrine. J’avais toujours l’impression d’être une géante quand je traînais avec elles.
– Oh, mon Dieu, Bianca, c’est l’homme le plus beau que j’aie jamais vu, s’exclama Judith pendant que nous traversions le bar.
Je rougis, mais je n’allais certainement pas la contredire.
– Il est carrément joli, dit Marnie.
Je fronçai le nez. Le mot joli me paraissait trop féminin. Et ça ne lui allait pas du tout.
– Il est bon au lit aussi ? demanda Marnie, clairement sceptique. C’est pas juste. Si j’étais aussi belle que lui, je ne sortirais jamais de la maison. Je resterais chez moi et je me baiserais moi-même. Si tu me dis qu’il a une grosse bite, il se pourrait que je devienne coupeuse de queues ou lesbienne.
On rejoignit la file qui s’était formée à plusieurs mètres de la porte des toilettes.
Je fis un sourire gêné.
– Alors, je ne te le dirai pas, lui dis-je.
Les deux filles se mirent à faire des bruits désespérés. Je ris de leur sens du théâtre.
– J’imagine que les bonnes choses arrivent vraiment à ceux qui savent attendre, dit Judith d’un air triste. Je ne peux pas sortir avec un gars sans coucher avec lui. Et je ne peux pas passer deux nuits sans trouver quelqu’un, donc j’imagine que je ne trouverai jamais quelqu’un de bien.
– Je ne peux pas attendre non plus, donc je suppose que je n’aurai rien d’aussi bien non plus. Ce genre de choses bien n’arrive qu’à celles qui attendent vingt-trois ans, apparemment, dit Marnie tristement. Mais on va profiter du capitaine Damien ce soir. C’est une bonne tranche de quelque chose de bien, dit-elle en redevenant joyeuse.
Je ne leur fis pas remarquer qu’il n’avait même pas eu l’air content de les voir. Je ne pensais pas que cela les aurait ralenties. Elles étaient persévérantes.
– C’est quoi toutes ces conneries qu’on voit dans les magazines people ? demanda Marnie en me regardant d’un air plutôt sérieux.
Je fis la grimace.
– Ce sont essentiellement des mensonges et des gens horribles qui disent d’horribles choses pour attirer l’attention. J’essaie de les ignorer.
Judith me fixa d’un air stupéfait.
– Je trouve que c’est génial. C’est comme si on connaissait une célébrité maintenant. Je pense que c’est amusant et excitant. Et il est si beau. Ça pourrait être pire.
Je me dis qu’elle n’avait pas tort pour les choses pires.
Je haussai les épaules.
– Je ne peux pas changer les choses, donc je m’adapte.
– Alors, il n’a pas une petite copine depuis des années ? demanda Marnie. J’ai lu quelque part qu’il fréquentait une magnifique héritière depuis, je sais plus, huit ans.
Le genre de changement de sujet qui cassait l’ambiance.
Je soupirai.
– Il m’a dit que c’était juste une amie. La question est, est-ce que je le crois ? Je cherche encore. Je n’ai pas pour premier instinct de le croire, mais ça n’est pas de sa faute.
Judith indiqua mes bijoux.
– Et tout ce bling-bling magnifique. Je vote pour que tu lui fasses confiance.
Je ris. Elles commençaient à me faire penser à une version à moitié saoule du gentil et du méchant flic.
Marnie me tapota l’épaule.
– Fais attention, Bianca. Cet homme a l’air capable de briser des cœurs pour s’amuser, tu sais ?
Judith fit semblant de s’éventer.
– Oui, mais ça vaut le coup, non ?
Je ne pouvais pas les contredire. J’avais pensé à tout cela moi-même.
Il y avait un groupe de femmes serrées les unes contre les autres un peu plus loin devant nous. Elles chuchotaient en me montrant du doigt. Je ne les connaissais pas, mais je supposai qu’elles étaient des hôtesses avec lesquelles je n’avais jamais travaillé. Je devinai qu’elles avaient dû lire quelque chose à mon sujet. Je les ignorai. J’allais devoir m’y habituer.
Tout cela faisait partie du cirque médiatique de la vie de James. Et apparemment j’avais malgré moi décidé de ne pas renoncer à lui. Il me voulait encore et c’était difficile de l’ignorer quand il vous désirait.
Le groupe éclata de rire. Même leur rire me parut vache, donc je savais qu’elles disaient quelque chose d’affreux. Je me forçai à me concentrer sur autre chose. C’était une habitude de longue date qui me servait à éviter les choses désagréables auxquelles je ne pouvais rien.
On finit par atteindre les toilettes et par entrer, puis sortir sans incident. Le groupe de pimbêches avait presque poussé Judith et Marnie à la bagarre. Elles étaient devenues de plus en plus bruyantes en insistant sur des mots comme « pute » et « croqueuse de diamants » en me lançant des regards étrangement malveillants.
Quoi qu’elles aient lu à mon sujet, je ne comprenais pas en quoi cela pouvait les affecter ou pourquoi elles s’en souciaient assez pour être ouvertement grossières avec une inconnue. Cela me dépassait complètement, alors je n’y songeai pas longtemps.
Mon dos se raidit quand je m’approchai de notre groupe. James était debout près de Stephan et Javier et ils riaient. Mais il n’était pas seul. Melissa était pratiquement collée contre lui et elle riait avec eux.
– Tu as vu que cette pétasse n’a rien dit avant qu’on parte. Puis elle est arrivée comme un vautour, chuchota Marnie.
– Je ne l’aime pas. Elle dit beaucoup de conneries sur des gens qui font des conneries moins dégueulasses que ce qu’elle fait régulièrement, ajouta Judith.
J’essayai de suivre toutes les « conneries » de cette phrase. J’abandonnai quand nous fûmes assez près pour voir la façon dont les mains de Melissa se glissaient par petites touches sur tout le corps de James.
Elle lui toucha le bras, tapota son dos, leva la main très haut pour serrer son épaule. Et puis elle fit glisser sa main le long de son torse et de son ventre en redescendant. James fit un petit pas en arrière en évitant le contact, mais je vis rouge malgré tout. Rouge écarlate. Écarlate comme le sang. Le sang de cette pétasse que j’allais faire couler.
Dans un brouillard de colère, je me plaçai entre eux deux en me collant contre lui et je la fis dégager brutalement en la poussant avec mon corps. Je fis glisser ma main le long de son torse et de son ventre aux endroits qu’elle avait touchés, comme si je pouvais ainsi effacer son contact à elle.
J’entendis les glaçons s’entrechoquer dans son verre quand elle fut bousculée par mon geste soudain.
Elle souffla de rage.
Je l’ignorai et je levai les yeux vers James.
– Pourquoi tu l’as laissée te toucher ? demandai-je doucement.
Il eut l’air surpris et à moitié amusé.
– Je pensais que c’était une amie à toi. J’essayais de ne pas être grossier, mais elle m’a compliqué la tâche. Tu as bu pendant que tu étais partie ? Tu es restée absente une demi-heure et maintenant tu agis un peu… différemment.
– Sale pute ! Tu m’as fait renverser mon verre sur ma robe, cria Melissa derrière moi.
Je n’eus aucun mal à l’ignorer.
Je caressai de nouveau le torse de James en soulignant chaque muscle du bout de mes doigts. Il était incroyablement dur.
– Il n’y a pas un bout de mon corps qui soit aussi dur, songeai-je à voix haute.
– Attention, ma belle. Tu ne peux pas proposer un festin à un homme affamé et t’attendre à ce qu’il le refuse.
Je caressai encore son torse en m’arrêtant à un de ses tétons.
– Je veux voir ta peau, lui dis-je.
Je l’avais fait. Je l’avais touché et c’était pire que d’être saoule. Je ne pouvais plus me concentrer sur autre chose, j’en voulais encore.
– Sale pute ! dit Melissa encore plus fort. Tu as une idée du prix de cette robe ? C’est une BCBG. Tu sais ce que c’est, au moins ? Ordure !
Je vis les yeux de James s’écarquiller une seconde avant qu’il me fasse tourner pour présenter son dos à la folle aux cheveux roux. J’entendis le bruit d’un verre lancé avec son contenu contre le dos dur de James.
Je me rendis compte avec stupéfaction qu’elle avait essayé de viser ma tête.
Elle était vraiment complètement tarée.
– Putain, dit James en jetant un regard noir derrière lui vers Melissa qui fulminait toujours. Sors d’ici, sinon c’est la sécurité qui te fera sortir. Je crois que tu t’es assez ridiculisée pour la soirée, non ?
Il parlait d’un ton cinglant.
Melissa poussa un long juron et partit en trombe.
Notre groupe se mit à bavarder dans tous les sens quand elle s’en alla. Tout le monde était d’accord pour dire qu’elle était folle.
– Elle est complètement chèvre, résuma Murphy à sa façon.
Tout le monde rit, et cela effaça les dernières tensions.
Je levai les yeux vers James en pinçant les lèvres.
– Tu as été un vrai gentleman en prenant le coup à ma place, lui dis-je. Merci.
Il secoua son T-shirt et des glaçons tombèrent encore de son dos que j’examinai. Le T-shirt était trempé. Même son jean était trempé. Je fus soulagée de voir que le verre s’était brisé sur le sol et qu’il ne l’avait pas blessé.
Une serveuse arriva avec un seau et une serpillière et elle se mit à essuyer le liquide et le verre cassé. On se décala pour la laisser travailler.
– On dirait que tu vas devoir enlever tous tes habits, lui dis-je avec un sourire.
Il me sourit à son tour, mais d’un air carnassier.
– J’ai des vêtements de rechange dans la voiture. Tu m’accompagnes ?
Je me penchai contre lui en inspirant profondément. Il sentait si bon que je sentis mes paupières se fermer de plaisir. J’aimais tant son odeur que j’avais envie de lui donner un nom et de la mettre en bouteille.
– Persuade-moi, lui dis-je doucement en me forçant à rouvrir les yeux pour le regarder.
Il regarda autour de lui et il fit passer sa langue sur ses dents sexy.
– D’accord. Tu as quelque chose de particulier en tête, ou c’est moi qui choisis ? J’essaie d’être gentil, là, parce que je ne veux pas que tu t’enfuies à nouveau. Même si tu ne me rends pas les choses faciles.
– Ton T-shirt est tout mouillé. Je veux que tu l’enlèves. Je veux voir ta peau.
Il m’évalua du regard.
– C’est tout ? Tout ce que j’ai à faire pour te faire monter dans la voiture, c’est d’enlever mon T-shirt ?
Il l’enleva avant même d’avoir terminé sa question.
Des sifflements s’élevèrent de la salle quand les gens virent son torse nu et impressionnant.
Je retins ma respiration à la vue de toute cette peau nue. Il avait vraiment fait gonfler ses muscles pendant le mois où nous avions été séparés et sa poitrine avait gonflé très joliment. C’était un vrai spectacle.
– Tu as soulevé des haltères, observai-je.
Il fit un petit sourire peiné.
– J’ai eu besoin de faire plus d’activité physique pour m’adapter au truc du célibat. En général je fais deux heures dans la matinée. Là j’ai dû ajouter deux heures le soir pour, disons, m’aider à dormir.
J’eus un étrange sentiment de culpabilité et une excitation de joie beaucoup moins étrange en l’entendant parler de son célibat. J’ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais je semblais incapable de réfléchir avec toute cette peau nue devant moi. Mon regard captivé descendit un peu.
Il portait son jean très bas. Je traçai le contour de sa peau juste au-dessus. C’était un territoire dangereux qui se finissait en un V bien défini. Une érection impressionnante et grandissante rendait son jean de plus en plus obscène.
Il m’attrapa la main.
– Sauf si ton plan était que je te persuade en te baisant contre le mur le plus proche, je me mettrais à marcher très vite, Bouton d’Or.
Il m’entraîna vers la porte.
– Il me faut un autre T-shirt, dit James à Stephan quand on passa près de lui. On revient tout à l’heure.
Stephan le regarda en écarquillant les yeux, mais il hocha la tête.
– J’ai envie qu’il me fasse des bébés, marmonna quelqu’un.
Je jetai un regard méchant en direction de la voix. Mais je ne pouvais pas vraiment me fâcher pour ça. Je lui avais fait révéler le plus beau torse du monde dans une salle pleine d’hôtesses de l’air en chaleur… Et si quelqu’un jetait un coup d’œil à son jean, cela ne pouvait certainement pas diminuer son intérêt.
Clark nous rejoignit à l’entrée de la boîte et nous ouvrit la porte d’un regard impassible.
– Bien défendu, Monsieur, dit-il doucement.
Je lui souris en comprenant qu’il faisait référence au verre dont il m’avait protégé.
– Il y a des paparazzis dans le parking ? demanda James brusquement.
– Max vient de vérifier. Pour l’instant ça a l’air bon, Monsieur Cavendish.
James hocha la tête et il me traîna presque pour traverser le petit parking à l’arrière. Clark réussit encore une fois à nous devancer et il ouvrit la portière de la voiture.
– Votre valise est déjà à l’intérieur et elle est ouverte.
James hocha la tête.
– Très bien, dit-il en me poussant tête la première dans la voiture.
Je m’assis puis je me décalai pour lui faire de la place. Il entra sans attendre et la portière se ferma derrière lui. Je l’entendis prendre quelques inspirations bruyantes et puis il fut sur moi.
En l’espace d’une respiration, il m’avait couchée sur le dos. Il écarta mes jambes et il se glissa entre elles. Il déboutonna son jean et il sortit son érection dure en poussant un grognement.
– Je voulais prendre mon temps avec toi, mais je ne peux pas attendre. Déboutonne ton chemisier. J’ai trop envie de le déchirer, il vaut mieux que je ne le touche pas.
Pendant qu’il parlait, il remontait ma jupe sur mes hanches. Heureusement qu’elle était un peu stretch. Je me dis qu’il n’aurait pas hésité à la déchirer dans le cas contraire.
Ma culotte n’eut pas cette chance. Il attrapa la dentelle des deux mains et la déchira des deux côtés. Je gigotai tout en travaillant sur les petits boutons de mon chemisier. Quand j’eus défait le dernier, il écarta impatiemment le vêtement. Ses mains étaient déjà sur l’agrafe de mon soutien-gorge quand je le vis se figer. Mon torse était toujours taché par les derniers vestiges d’hématomes qui avaient été terribles. Je vis ses mains trembler un peu quand il dégrafa mon soutif. Du bout des doigts, il caressa les marques qui s’estompaient.
– Plus d’un mois après, et c’est encore à ce point ? demanda-t-il d’une voix très agitée.
Je détournai le visage.
– Je n’ai pas envie d’en parler. J’en ai assez parlé.
Il me prit le menton et tourna mon visage vers lui. Il avait des yeux fous.
– Je ne pourrais pas le supporter s’il t’arrivait quelque chose. Tu le comprends ? Je ne me suis jamais senti aussi impuissant ou terrifié de toute ma vie quand j’ai vu l’ambulance partir avec toi, sans savoir ce qui s’était passé ni même si tu allais bien. Et puis d’apprendre qu’une espèce de monstre avait posé la main sur toi ? J’ai envie de le tuer. Je dois te protéger.
Je serrai la mâchoire.
– Ce n’est pas ce que j’attends de toi. Et je ne veux pas en parler.
Il m’embrassa soudain. C’était un baiser rageur et passionné. Je répondis à son baiser avec tout autant de passion. Tout autant de rage. Il me pénétra si rapidement que je fus emplie par lui avant de comprendre son intention. J’étais mouillée et prête, mais j’étais si serrée et lui était si épais que cela fit néanmoins une friction délicieuse proche de la douleur.
Je poussai un soupir en rejetant la tête en arrière et en fermant les yeux.
Il me serra le menton.
– Regarde-moi, ordonna-t-il.
Je regardai la ferveur dans ses yeux avec une douleur mélancolique dans la poitrine. J’aurais donné n’importe quoi pour lui faire ressentir la façon dont il me regardait quand il était profondément en moi. Il me regardait parfois comme si je lui étais plus chère que l’air qu’il respirait et c’était presque plus que je ne pouvais en supporter.
Ses cheveux effleurèrent nos visages quand il approcha sa tête de moi. Il tint mes poignets au-dessus de ma tête en utilisant ses mains comme des menottes. Il prit mes deux poignets dans une main pour passer l’autre autour de l’anneau de mon collier et il tira dessus brutalement. Il ne ralentit ni n’interrompit son va-et-vient.
– Tu es à moi, Bianca. Dis-le.
– Je suis à toi, James, m’entendis-je dire d’une voix rauque.
– Jouis, m’ordonna-t-il en me pénétrant si vite et si durement que j’eus un sanglot pendant l’orgasme.
Il grogna mon nom plusieurs fois en se déversant en moi.
Il se releva ensuite doucement sur ses coudes en protégeant mon torse et mes côtes encore fragiles.
Il attrapa un T-shirt propre dans sa valise pour m’essuyer puis il fit de même pour lui. Je restai allongée presque paresseusement à le regarder pendant qu’il enfilait un nouveau boxer, un jean et un T-shirt gris pâle tout doux au col en V.
Il s’agenouilla à côté de moi pour remettre presque tendrement mes vêtements en place.
– Je t’ai fait mal ? me demanda-t-il en reboutonnant mon chemisier.
– Mmm, non.
Rien qui aurait pu être considéré comme de la douleur ne m’avait gêné sur le moment.
– Pas même tes côtes ?
Il lissa mon chemisier quand il eut fini avec les boutons.
Je respirai profondément, mais non, il n’y avait toujours aucune douleur.
– Non, pas du tout. Elles ne me gênent plus trop. Au début, c’était assez dur de respirer.
Il serra la mâchoire en lissant ma jupe vers le bas.
– On n’a pas besoin de faire des trucs brutaux si tu n’en as pas envie. Je ne veux pas dire juste pendant que tu guéris. Je pourrais abandonner ces trucs-là entièrement, si tu ne le veux plus.
– Si, je le veux encore. Rien n’a changé de ce côté-là. Ce qu’il a fait… et ce que tu fais, je ne les vois pas comme la même chose. Je ne peux pas l’expliquer, mais l’un m’aide à gérer l’autre. On pourrait ne plus en parler ?
Il caressa mes cheveux vers l’arrière et m’embrassa sur le front.
– Nous devons parler plus, pas moins. Au sujet de plein de choses. Si tu me laissais simplement te parler, on pourrait stabiliser les choses entre nous. Je ne supporte pas cette incertitude constante te concernant.
Je m’assis, ayant besoin d’un peu de distance.
– Faisons un marché. On ne parle pas. Je rentre avec toi ce soir. Je reste chez toi pour la nuit. On peut faire tout ce que tu veux. Tu pourras me baiser toute la nuit.
Ma voix devenait sourde, c’était gênant. Et mon accent revenait lui aussi.
– Mais, poursuivis-je, je ne veux pas parler de l’agression. Et je ne veux pas parler de notre relation, ou de son absence.
Il serra la mâchoire, mais je vis immédiatement qu’il ne refuserait pas ma proposition.
– Devons-nous d’abord retourner à la fête ? finit-il par demander.
Il était visiblement d’humeur plus sombre.
– Oui, dis-je fermement.
On retourna dans le bâtiment sans un mot. James me prit le coude de façon possessive.
Nous rejoignîmes mon groupe d’amis. Quelques-uns d’entre eux nous firent des sourires entendus pour notre absence, mais personne n’en parla.
James resta silencieux et renfermé. J’eus du mal à m’amuser en sachant que j’étais la cause de sa soudaine humeur morose. Il me touchait même à peine. Il ne devint affectueux que quand Damien engagea la conversation avec moi. Damien me demandait si j’avais des projets pour la prochaine escale à New York quand je sentis James s’appuyer contre mon dos et m’entourer très doucement de ses bras, juste sous ma poitrine.
Quel homme contrariant, pensai-je sombrement quand il enfouit son visage dans mon cou.
– Euh non, je ne crois pas, essayai-je de répondre à Damien, distraite par l’homme à l’humeur changeante dans mon dos.
Il avait appuyé son sexe contre moi et je n’avais aucun doute sur ce à quoi il pensait. James leva la tête en entendant ma réponse.
– J’ai une soirée à laquelle j’aimerais que tu viennes, si tu te sens prête. C’est une soirée formelle, pour une œuvre caritative.
Je me raidis, perplexe face à sa proposition. C’était une volte-face pour lui, de m’inviter à quelque chose de si public. Nous avions établi dès le départ que nous ne sortirions pas ensemble en public. Ce n’était pas ce que nous recherchions chez l’autre. J’avais vite été blessée par cet arrangement, mais je ne savais pas qu’il avait changé d’avis. Quand et pourquoi ? Ou n’était-ce qu’une façon de montrer que je lui appartenais devant Damien ?
– Euh, je n’ai rien à mettre pour quelque chose comme ça, dis-je en citant la première excuse qui me venait à l’esprit.
Ses mains commencèrent à bouger sur mon ventre et à le caresser. Puis il me prit par les hanches et il me tint immobile en se redressant derrière moi. Le mouvement aligna son érection contre mes fesses et je dus étouffer un petit bruit de surprise. Je ne voulais pas que quelqu’un voie ce qu’il était en train de faire. Je fis de mon mieux pour avoir l’air naturelle, mais je ne savais pas si c’était crédible.
– J’ai demandé à mon habilleuse de sélectionner une garde-robe pour toi, que tu pourras laisser chez moi, dit-il d’un ton nonchalant. Et elle sera là vendredi matin pour t’aider à sélectionner quelque chose dans cette garde-robe ou ailleurs. Elle aura préparé des échantillons de différents couturiers pour que tu puisses les essayer.
Je restai bouche bée, ne sachant pas quoi penser.
– Tu n’aurais pas dû…
– C’est normal que je te fournisse les vêtements que tu devras porter si je veux que tu viennes avec moi à des soirées ennuyeuses. En outre, on a déjà parlé en détail du truc des cadeaux. Si je me souviens bien, c’était un des compromis que tu as bien voulu faire.
Il bougeait contre moi en parlant. C’était difficile de se concentrer sur une pensée quand il faisait ça.
– Quand as-tu fait tout cela ? La garde-robe ? demandai-je, étonnée.
– Il y a plusieurs semaines, quand je me suis rendu compte que j’allais devoir me faire à l’idée de ne pas pouvoir te protéger des paparazzis. Alors autant que j’en profite pour te montrer.
Je restai stupéfaite.
Damien nous observait en étudiant James. J’avais presque oublié qu’il était là. James avait cet effet-là sur moi.
– Tu viendras avec moi ? me murmura James à l’oreille.
Il mit ses bras autour de mes épaules et il les déplaça lentement en frottant contre mes tétons. J’étais certaine qu’il avait conscience de les toucher. C’étaient de petits galets durs qu’il devait sentir à travers la matière fine de mon chemisier et mon soutien-gorge en dentelle.
– Euh, je ne sais pas. L’invitation est inattendue, je suis sûre que tu t’en rends compte. Je ne suis jamais allée à une soirée de ce genre.
– Ce n’est rien de compliqué. On s’habille et on se promène en se mélangeant aux invités. Je ne te quitterai pas si tu es nerveuse. Je veux juste ta compagnie.
Damien partit, probablement parce qu’il se sentait ignoré. Il alla vers Murphy qui racontait une histoire assez fort pour que l’ensemble de la salle l’entende.
Je baissai la voix pour parler au-dessus de mon épaule.
– Je pensais qu’on n’allait rien faire de tout ça. Tu dis depuis le début qu’on ne sortira pas en public.
– Je t’en parlerais bien, mais je n’ai pas le droit de parler ce soir ! gronda sa voix dans mon oreille.
Je vis à quoi il jouait. Il voulait que je sois assez curieuse pour retirer ce que je lui avais dit. Je n’allais pas le faire, même si ma curiosité me bouffait.
Je mis un coup de coude dans mon dos.
– Très bien, ne parlons pas non plus de soirées, tant qu’on y est. Cela pose trop de questions sur notre relation.
Il eut un petit grondement désapprobateur derrière moi, dont je sentis la vibration. Il ne parla plus pendant plusieurs minutes. Je dus me mordre la langue pour m’empêcher de lui poser des questions.
Il finit par rompre le silence.
– Tu aimes les chevaux ? demanda-t-il.
– Les chevaux ? répétai-je, étonnée.
– Oui, les chevaux. Tu les aimes ?
J’y réfléchis. Je me demandais davantage pourquoi il me posait la question que si oui ou non j’aimais les chevaux. Finalement, je me concentrai sur sa question.
– Oui, j’aime les chevaux. N’est-ce pas le cas de tout le monde ? Pourquoi ?
– Tu es déjà montée à cheval ?
Je rougis.
– Une fois. C’était une visite guidée de deux heures, dans les montagnes, alors je ne suis pas sûre que ça compte, mais j’ai adoré.
– Tu penses que tu te sens assez bien pour essayer de monter maintenant ? Ou dois-tu guérir encore ?
Je lui jetai un regard méfiant.
– Tu as des chevaux en ville ?
Je n’avais pas remarqué d’étable chez lui, mais je n’avais pas non plus fait le tour de la propriété.
– Oui. Je dois te montrer toute la propriété un de ces jours, étables comprises. Elles sont à l’écart de la maison. Mais ce n’est pas ce que j’avais en tête. Tu as dit que je pouvais faire ce que je voulais avec toi. Tu ne m’as pas donné de restrictions, comme de rester en ville. Je t’aurais bien amenée à la plage pour qu’on se détende, mais depuis peu je hais la plage.
Je levai les sourcils.
– Tu n’aimes pas la plage ? demandai-je, stupéfaite.
Il serra la mâchoire et jeta un regard hostile de l’autre côté de la pièce. Je suivis son regard. Il observait Damien comme s’il avait envie de l’étrangler.
– En ce moment, l’idée de la plage suffit à me donner des envies de meurtre, dit-il d’un ton menaçant. Alors, j’ai une autre idée, si tu es prête à monter à cheval.
Je l’étudiai en essayant de suivre ses étranges enchaînements de pensée.
– Où veux-tu m’emmener ?
Il dirigea son regard froid sur moi.
– Tu as dit que je pouvais faire ce que je voulais de toi ce soir. Et tu ne m’as pas dit que je devais te dire quoi et où. Tout ce que je veux savoir, c’est si tu penses pouvoir monter à cheval.
Je lui jetai un regard froid à mon tour.
– Je ne sais pas. Je me sens bien. Si je ne fais rien de trop extravagant et que le cheval est calme, je suppose que oui.
Il hocha la tête d’un air déterminé.
– D’accord, on ira doucement. Laisse-moi passer quelques coups de fil.
Je le regardai sortir, un peu étonnée du tour qu’avaient pris les événements.
Il semblait toujours faire ça, retourner toutes les situations jusqu’à ce que je me sente étourdie et à bout de souffle et que je cède à ses caprices sans protester. C’était rageant et excitant. J’avais pensé que ma vie était satisfaisante et bien remplie avant de le rencontrer. J’avais pensé que l’excitation était la dernière chose que je voulais. Et l’idée de tomber amoureuse avait été hors de question. Comment le fait de rencontrer quelqu’un pouvait-il tout faire changer si soudainement ? Je me posai la question, et ce n’était pas la première fois. Je ne savais pas où il avait l’intention de m’emmener, mais cela n’avait pas d’importance. J’irais. Mon contrôle de moi-même devenait illusoire quand j’entrais dans son orbite.
Je m’approchai de Stephan en écoutant la longue histoire de Murphy avant qu’on me remarque. Il expliquait à tous l’horreur de se réveiller avec deux femmes et un nouveau tatouage avec le nom de l’une d’entre elles. Seulement il ne se souvenait d’aucun de leurs prénoms, il supposait juste que l’une des deux était Lola, puisque c’était écrit en lettres noires sur son torse.
J’écarquillai les yeux en entendant son histoire ridicule. Bizarrement, je ne la connaissais pas encore, même si j’avais remarqué le tatouage quand il s’était fait bronzer au bord de la piscine. J’écoutai, voulant savoir comme les autres pour qui était le tatouage et pourquoi.
– Il se trouve que c’était une autre femme que j’avais rencontrée plus tôt dans la soirée. Elle avait fait une crise de jalousie après le tatouage, quand j’ai commencé à parler aux deux avec lesquelles je me suis réveillé, et elle est partie. Je suis sûr que je m’efforçais seulement d’être aimable !
Sa façon de défendre le fait qu’il se soit réveillé avec deux femmes fit rire tout le monde. Il était toujours sincèrement offensé par la femme qui lui avait inspiré le tatouage et qui ne lui avait plus jamais reparlé.
Quatre autres pilotes rejoignirent le groupe. Je ne les reconnus que vaguement. Ils faisaient partie de la génération de pilotes plus jeunes et je savais qu’ils étaient des amis de Damien et Murphy, mais je ne me souvenais pas de leurs noms.
– Il l’appelle « celle qui s’est échappée » chaque fois qu’il se bourre la gueule, dit Damien d’un ton amusé en me faisant sursauter.
Il était juste derrière moi.
Je me retournai pour lui faire un petit sourire.
Il parlait d’une voix assez forte pour que le grand groupe l’entende, mais il semblait s’adresser à moi.
– Il ne se souvient même pas d’elle, mais il dit qu’il a suffisamment confiance en son propre jugement, même saoul, pour savoir que si elle lui a inspiré un tatouage en une seule nuit, elle devait être son âme sœur. Chaque fois qu’il râle d’être célibataire, il dit que c’est à cause du mauvais caractère de Lola.
Je regardai Murphy en riant. Il affichait un sourire gêné, mais bon enfant. Cela ressemblait à quelque chose qu’il pouvait dire et il ne le nia pas.
– C’était où ? lui demandai-je.
– Melbourne, Australie. Je parie qu’elle avait un accent sexy, dit Murphy d’un air découragé.
– Et on sait tous combien tu aimes les accents australiens sexy, ajouta l’un des pilotes en faisant à nouveau rire tout le monde.
– Hé, dit Damien en levant les mains. Ne m’impliquez pas là-dedans. Je suis avec Murphy depuis des années, et il ne s’est pas encore fait tatouer mon nom, malgré mon accent sexy.
– Alors on peut être sûr qu’il n’a jamais couché avec toi, l’interrompit Marnie. S’il l’avait fait, Damien serait tatoué quelque part sur le corps, je peux le garantir. Au bout d’une nuit avec toi, j’ai dû me retenir de ne pas te marquer sur mon cul.
Sa déclaration osée fit fuser des exclamations et des rires, Murphy riant plus fort que tous. Son rire était particulièrement contagieux.
Il fallait que je jette un coup d’œil à Damien. J’aurais pu parier qu’il rougissait.
– Ne pensez pas que je n’ai pas essayé, s’exclama Murphy en riant toujours. Il est l’homme le plus mignon que je connaisse. Plus mignon au moins que la moitié des femmes avec lesquelles j’ai été. Mais même quand il est saoul, je ne peux pas obtenir un seul câlin de lui.
Notre rire fut assez bruyant pour que les regards dans le bar pourtant agité se tournent vers notre groupe.
Ce fut à peu près le moment où James revint à l’intérieur.
J’étais la plus proche de Damien, même si nous nous tenions bien à une soixantaine de centimètres l’un de l’autre. Et je ne pouvais pas m’arrêter de rire, même en voyant l’orage qui se forma instantanément dans les yeux de James en nous voyant tous les deux.
Je savais qu’il avait un problème avec Damien. Il semblait penser qu’il y avait quelque chose entre nous. Je ne comprenais pas pourquoi. Je connaissais Damien depuis des années. Si nous nous étions vraiment intéressés l’un à l’autre, quelque chose se serait évidemment déjà produit depuis longtemps. Je comprenais l’attrait de Damien, mais ce n’était pas pour moi. J’avais des goûts plus… exotiques. Je pensais que cela aurait dû être évident pour James, alors j’avais du mal à supporter son étrange hostilité envers l’un de mes amis.
James s’avança vers moi, beaucoup trop beau, même de mauvaise humeur.
Je m’émerveillai, comme je le faisais bien trop souvent, de voir à quel point il était beau. Ses cheveux châtains plutôt longs tombaient joliment sur les côtés de son visage. Les muscles de ses bras et de son torse taillés au burin étaient clairement définis sous son T-shirt fin. Sa mâchoire serrée était la perfection même. Les coins de sa bouche formaient presque un arc vers le bas, mais ses lèvres étaient trop fermes pour faire une moue, même si c’était très beau. Ses sourcils arqués et ses cils épais étaient d’une teinte plus sombre que ses cheveux et attiraient l’attention sur ses yeux turquoise. Son nez était droit et dilaté juste au bout, posé exactement comme il fallait sur son visage sans égal. Il était simplement magnifique. Il n’était pas féminin, mais le mot beau ne rendait pas justice à ses traits fins. Il était grand et mince, mais ses vêtements moulants ne cachaient rien de ses muscles. Il est la perfection absolue, pensai-je distraitement. Que fait-il avec moi ? C’était toujours la question qui suivait ce genre de pensées.
Il s’approcha de moi, mais il ne me toucha pas.
– On dirait que j’ai raté le plus drôle, dit-il d’une voix étrangement creuse.
Mon sourire s’effaça.
– Tout est arrangé, dit-il sèchement. Tu es toute à moi, quand on aura fini ici.
– Et vous deux ? Vous avez l’air assez attirés l’un par l’autre pour commencer les tatouages. Quand est-ce que vous allez tatouer vos prénoms ? nous demanda Marnie en souriant et en remuant les sourcils.
Je lui fis un sourire de travers.
Il me fit un minuscule sourire à son tour.
– Ce serait du gâchis de gâter sa peau parfaite avec une encre, dit James. Mais je serai ravi de me faire tatouer « Bianca », si c’est ce qu’elle veut.
Je levai un sourcil tandis que le groupe se à crier des encouragements pour cette folie. J’avais vu le corps de James. Il n’avait pas un seul tatouage, alors il se moquait d’eux, bien sûr.
– Bianca, tu ne lui ferais pas le même honneur ? cria Judith stupéfaite.
Je haussai les épaules en regardant James d’un air méfiant.
– Je suppose que s’il se faisait tatouer pour moi, je le laisserais me faire un piercing aux tétons, dis-je plus pour lui que pour la foule.
Mais ils se mirent tous à éclater de rire à cette plaisanterie.
Il passa sa langue sur ses dents de cette façon alléchante qu’il avait. Il me tendit la main comme pour la serrer.
– Nous avons un accord, ma belle. S’il te plaît, scelle le marché, rien ne me ferait plus plaisir.
J’entendis quelqu’un s’étouffer dans son verre juste derrière moi. Et j’entendis Stephan crier quelque chose du genre : « ça va pas, Bouton d’Or ? »
Je regardai sa main en me demandant pourquoi il allait aussi loin dans sa blague. Mais je la serrai sans trop y penser, en entrant dans son jeu. Une des remarques préférées de Murphy me vint à l’esprit. Il aimait dire qu’il fallait toujours tout donner pour la vanne. On ne peut pas la laisser tomber à plat.
– Mais toi d’abord. Je veux voir le tatouage avant de percer quoi que ce soit, dis-je en voulant avoir une assurance, au cas où il soit vraiment devenu fou.
Il sourit d’un air absolument diabolique.
– Bien sûr.
– Et je veux voir ces piercings, B ! lança quelqu’un.
Je ne savais même pas qui c’était.
– On veut voir les deux, pour prouver que vous avez tous les deux tenu votre part du marché.
Je reconnus la voix de Judith cette fois.
– Dans ce cas, mets son nom sur ta bite ! cria Marnie.
Elle eut assez de réactions choquées autour d’elle pour demander : j’ai été trop loin ? Trop loin cette fois ?
James jeta un bras autour de mon épaule en m’attirant contre lui.
– Personne n’aura le droit de voir ses piercings, mais je vous montrerai mon tatouage. Bianca peut même choisir l’endroit où elle veut que je le fasse.
La plaisanterie avait assez duré. Je m’écartai pour lui jeter un regard sévère et j’ouvris la bouche pour parler.
Il posa sa bouche brûlante sur la mienne avant que j’aie le temps de sortir un mot. Il m’embrassa d’un baiser langoureux et pas adapté à être montré en public. Sa langue s’enfonça loin dans ma bouche, me suppliant de la sucer. Je repoussai son torse, car j’avais l’intention d’éviter son besoin de démonstrations d’affection en public. Sa main se serra dans mes cheveux et l’autre se posa fermement au bas de mon dos pour m’attirer contre lui.
Je luttai un moment avant de céder, perdue, fondant contre lui et suçant sa langue comme si ma vie en dépendait. J’entortillai vainement mes mains dans son T-shirt en ressentant l’envie douloureuse que mes poignets soient attachés.
J’oubliai mes amis, j’oubliai la plaisanterie pour laquelle il était allé trop loin. Il aurait pu me prendre là, contre le mur, s’il l’avait voulu. C’était son pouvoir sur moi.
Ce fut à son tour de s’écarter en souriant. Il regarda au-dessus de ma tête et je sus qu’il faisait un sourire à Damien. Un sourire froid et triomphant.
– Si tu ne choisis pas un endroit, je serai obligé de suivre l’autre suggestion que j’ai entendue, quelque chose au sujet de ton nom sur ma bite.
Il parla suffisamment fort pour que le groupe se mette à rire et à siffler.
Je ne pus même pas former les mots pour lui répondre. Il prit une de mes mains serrées et il la posa à plat sur son cœur.
– Que penses-tu d’ici, ma belle ? me chuchota-t-il.
Je me léchai les lèvres en ouvrant la bouche pour parler. Je savais que je devais dire… quelque chose, mais mon esprit était parti. Parti dans des considérations sur ce qu’il pouvait me faire. Il rit, visiblement content de l’état dans lequel il m’avait mise.
Il était suffisant et il triomphait en me caressant les cheveux. Je n’arrivais pas à m’en préoccuper. J’allais bientôt être à sa merci pour la soirée. L’idée occupait toutes mes pensées. J’étais excitée et effrayée.
Était-ce trop tôt depuis mes blessures ? Allais-je faire ressortir les douleurs qui venaient tout juste de s’estomper ? Allait-il y aller doucement, ou allait-il me pousser durement ? Je voulais connaître les réponses plus que ce que je craignais la douleur.
J’étais sûre d’une chose. Il allait me baiser à fond et j’avais du mal à attendre.
– Tu es prête à partir ? me murmura James quelques minutes plus tard.
Nous étions devenus silencieux quand notre groupe était passé à un autre sujet de conversation. James me caressait doucement, il me touchait partout, à la limite de l’indécence.
Il touchait ma clavicule en s’arrêtant juste avant mes seins. Une main traînait sur ma hanche, dangereusement près de tomber plus bas et de devenir obscène. Je me perdais de plus en plus sous son contact et je perdais de vue ce qui était approprié ou non, oubliant toutes les raisons qui m’avaient fait émettre des réserves à son sujet.
C’était pour cette raison que j’avais essayé de garder mes distances, mais c’était aussi pour cela que je n’y arrivais pas. Je ne pouvais tout simplement pas lui résister. J’avais tenu un moment, mais si j’étais honnête avec moi-même, cela n’avait été qu’un compte à rebours jusqu’à ce que je capitule.
Je ne lui répondis pas et il le prit comme un défi. Il m’embrassa à nouveau en ne se retenant pas cette fois. Il serrait mes cheveux presque à m’en faire mal et son autre main m’agrippait les fesses pendant qu’il se frottait contre moi. Il était excité et je gémis dans sa bouche. Je remarquai à peine ce bruit dans mon brouillard de désir.
Il s’écarta en haletant.
– Tu es prête à partir ? L’idée de te baiser contre le mur derrière toi ne me déplaît pas du tout. Je n’ai jamais eu de problèmes avec l’exhibitionnisme. C’est quelque chose que tu aimerais essayer ?
Il se pressait contre moi à chaque mot qu’il prononçait et sa voix était moqueuse, presque en colère. J’enregistrais à peine ce qu’il disait, car j’étais focalisée sur ce qu’il faisait.
– Hein ? fut tout ce que je pus dire.
– Tu es prête à partir maintenant ? Ou préfères-tu que je te baise devant tous tes collègues ?
James parla assez sèchement pour me ramener enfin à moi.
– Non, dis-je à bout de souffle, agitée.
Comment pouvais-je oublier si vite que je me trouvais dans un endroit rempli de personnes que je connaissais ?
– Non, tu n’es pas prête à partir ? Ou non, tu ne préférerais pas que je te baise dans une pièce remplie avec tes amis ? Où ils pourraient me voir enfoncer ma bite en toi contre ce mur à moins de trois mètres d’ici. C’est quelque chose que tu veux qu’ils voient ?
Je me contentai de le regarder pendant un moment, mon esprit fonctionnant comme dans du coton.
Il semblait se mettre de plus en plus en colère.
– Réponds-moi. Tu veux que je le fasse ? demanda-t-il durement et d’un ton mordant.
– Non, répondis-je en secouant la tête. Non, répétai-je en essayant de sembler convaincante. Nous devons partir.
Il serra les dents.
– J’en ai bien conscience. Va dire au revoir à Stephan, ordonna-t-il.
Je m’écartai et je repris mon souffle pendant un moment.
Je comptais dans ma tête en me dirigeant vers Stephan, en essayant de penser à ce que je faisais, en essayant de penser à autre chose que James.
Stephan me regarda approcher d’un air légèrement inquiet. Il se pencha à mon oreille pour parler.
– Ça va, B ?
Je hochai la tête en le regardant.
– James et moi nous partons. Je rentre chez lui. Je t’appelle demain, lui dis-je.
Il se mit à regarder autour de lui pendant que je parlais, cherchant à voir James. Il croisa son regard quand James s’avança vers nous, se pencha et dit quelque chose à l’oreille de Stephan. Il parlait trop bas pour que je puisse l’entendre.
Stephan hocha lentement la tête et il fronça sévèrement les sourcils, mais il ne dit rien.
James me guida hors de la pièce en me tenant par la main. On ne parla à personne d’autre. J’étais assez lucide pour savoir que j’aurais dû être un peu gênée d’avoir laissé James aller aussi loin dans une salle pleine de monde.
James me traînait presque quand on arriva près de sa voiture. Il me poussa assez brutalement dans la limousine à la seconde où Clark ouvrit la porte. Il était cette présence dure derrière moi quand je me décalai sur les sièges. Il s’assit près de moi, mais il ne fit pas un geste pour me toucher. Cela ne me dérangeait pas, car je pus ainsi profiter de la pause pour reprendre mes esprits.
Plusieurs minutes passèrent en silence. James regardait par la fenêtre comme s’il voulait éviter de me voir. Je voyais bien qu’il était en colère, mais je ne savais pas pourquoi.
– Alors, tu as déjà fait ça avant ? finis-je par lui demander doucement. (Mon esprit s’était entêté à ruminer cette idée au cours du long silence.) Tu as déjà eu une relation sexuelle devant d’autres gens ?
Il me regarda d’un air froid, les sourcils arqués.
– Oui. On échange des informations, maintenant ? Je croyais que ce soir, c’était totalement hors limites. Ton idée, si je me souviens bien.
Je le regardai froidement.
– N’aborde pas des sujets dont tu ne veux pas parler, alors.
Ses sourcils montèrent d’un coup à ces mots.
– C’est la règle, désormais ? Tu dis que si on aborde un sujet, on doit en plus répondre aux questions qui s’y rapportent ? Si tu es d’accord pour le faire à ton tour, j’accepte ces conditions.
Je me mordis la lèvre en me demandant comment ceci allait se retourner contre moi. Je savais que ça finirait ainsi. Je devais me demander à quel point j’avais envie de connaître ses tendances exhibitionnistes.
Beaucoup.
– Très bien. Raconte-moi.
Il pinça sa jolie bouche.
– Que je te raconte quoi, exactement ? Les relations sexuelles en public ?
Je hochai la tête.
– Tu t’y intéresses parce que tu as envie d’essayer, ou parce que tu es simplement curieuse ?
J’écarquillai les yeux d’horreur. Avait-il cru que j’avais envie de le faire devant mes collègues alors que j’avais toute ma tête ? L’idée était répugnante.
– Juste curieuse, dis-je en rougissant. Plus à ton sujet qu’au sujet de la pratique. Je veux savoir ce que tu as fait devant des gens et avec qui.
Il ouvrit les mains.
– Je l’ai fait plusieurs fois. Il existe des… événements pour les gens comme nous. Des démonstrations de BDSM. J’ai dominé, mis la fessée et baisé plusieurs femmes dans ce genre d’occasions. Devant quelques personnes ou même des foules. Je n’ai jamais eu de problème avec ça, même si c’était pour la nouveauté et pas une de mes préférences. Et j’ai baisé des femmes dans les maisons de fraternité à la fac, devant des foules, quelquefois parce que j’avais été mis au défi, si je me souviens bien. Je n’exagérais pas quand j’ai dit que je couchais avec tout ce qui bougeait. J’ai été plus circonspect ces dernières années, mais seulement comparé à mes exploits du passé. Autre chose que tu aimerais savoir ?
Vers la fin de son explication, sa voix était tendue et agitée, et sa question fut posée avec colère.
J’eus soudain la nausée, et les derniers restes de mon excitation s’évanouirent.
– Et tu n’aurais aucun problème à me faire ça devant une foule ?
Il serra la mâchoire et détourna la tête. Il fut silencieux si longtemps que je pensai qu’il ne répondrait pas, même si la réponse était importante pour moi.
– J’ai un énorme problème avec ça, dit-il enfin. Cela ne veut pas dire que je ne le ferais pas. Même en sachant à quel point je l’aurais regretté après, j’ai eu beaucoup de mal à me retenir. J’avais l’impression que tu en avais envie et du coup j’avais du mal à m’arrêter. Je commence à voir que ce n’est pas ce que tu voulais. Malgré tout, j’aurais été furieux contre nous deux si cela avait été aussi loin.
– Pourquoi furieux ? Tu as dit toi-même que tu l’as fait plusieurs fois.
Il me jeta un regard presque malveillant.
– Parce que tu es à moi. Je ne veux pas que d’autres te voient comme cela. Je ne veux pas te partager de cette façon. Quand je l’ai fait avant, c’était avec des femmes qui étaient… dont je pouvais me passer. Toutes, Bianca. Je n’en suis pas fier, mais c’est la vérité. Même les quelques soumises qui étaient sous contrat pour du long terme ne m’étaient pas indispensables, d’une certaine façon. Je ne les ai jamais partagées, mais cela ne me dérangeait pas du tout que l’on me voie en train de les baiser.
Je me léchai les lèvres.
– Tu avais des soumises sous contrat ? Pour du long terme ? demandai-je en sentant la nausée monter.
Il soupira.
– J’ai abordé le sujet, donc je suppose que je dois continuer. Oui, j’ai eu quelques soumises sous contrat. Elles étaient serviables, même s’il n’y en avait que deux qui étaient compatibles pour ce que l’on peut considérer comme du long terme. C’est parfois un arrangement nécessaire quand tu as beaucoup d’argent et que tes inclinations sexuelles sont… inhabituelles. Je ne voulais pas qu’il y ait de malentendus, et aucune d’elles n’était une nouvelle venue dans le monde BDSM.
– C’est quelque chose que tu aimerais essayer avec moi ? Le truc du contrat ? lui demandai-je d’une voix plus basse que je ne l’aurais voulu.
Il me regarda d’un air stupéfait.
J’eus une pensée horrible. Je n’avais pas voulu de cet arrangement et je l’aurais certainement refusé, mais ce qui me traversa l’esprit ensuite était encore plus terrible.
– Oh, dis-je en sentant mon estomac se nouer de plus en plus fort. C’était un arrangement plus long que ce que tu avais prévu pour moi, je suppose.
Je vidai ma voix de toute trace d’émotion en parlant, souhaitant prendre la chose avec légèreté.
– Tu préfères sans doute quelqu’un avec plus d’expérience dans les choses que tu aimes, pour remplir ce rôle ? poursuivis-je. Eh bien, c’est mieux. Je ne pourrais pas m’engager de cette manière, de toute façon.
Il laissa tomber la tête en avant et ses cheveux couvrirent son visage. Je le vis serrer et desserrer les poings.
Il fut silencieux pendant un moment. Puis il parla d’une voix basse, mais dure et intense.
– Ce n’est pas le contrat que j’avais en tête pour toi. Mais on fait quoi, Bianca ? On parle de notre relation ou ce n’est pas autorisé ? Parce que tu n’arrêtes pas de dire des choses exaspérantes et j’ai de plus en plus de mal à tenir ma langue. Alors, on parle de notre relation ce soir, ou pas ? Je veux m’expliquer depuis longtemps, mais tu t’enfuis toujours en courant avant que j’aie le temps de commencer.
Je déglutis. Je voulus soudain désespérément savoir ce qu’il dirait si j’encourageais la discussion. Mais je me dégonflai, assez terrifiée par ce qu’il pourrait dire pour repousser encore une journée de plus.
– Pas ce soir, finis-je par dire.
Après cela, la voiture fut remplie d’un silence froid. Il ne bougea pas, ne parla pas, ne me toucha pas. Je m’isolai dans mes propres pensées pendant un moment. Nous restâmes ainsi jusqu’à ce que la voiture se gare dans le parking de l’aéroport privé de Las Vegas. Il était proche de l’aéroport principal, mais je ne l’avais encore jamais vu.
– Que fais-tu ? demandai-je à James.
Il ne leva pas la tête.
– Tu as dit que je pouvais faire ce que je voulais avec toi. C’est ce que je fais.
Je lui lançai un regard exaspéré qu’il ne vit pas.
– Je n’ai rien avec moi. Je n’ai même pas fait de valise. Et il est tard.
– Je m’en suis occupé.
– Ce sera le matin avant qu’on arrive quelque part. Je ne peux pas porter cette tenue ailleurs qu’en boîte.
– Je sais. Je t’ai dit que je m’en suis occupé.
Nous nous étions arrêtés, et Clark ouvrit la porte quelques secondes plus tard. James sortit d’un bond en me tirant derrière lui dès que je fus à sa portée. Il me prit fermement par le coude et me guida vers le petit terminal.
– Nous devrions pouvoir partir immédiatement, dit-il brusquement.
– Tu vas me dire où nous allons ?
– Non. Pas sur une plage. Je peux déjà te dire ça.
Je me mis presque à rire.
– Quel est ton problème avec la plage ? Tout le monde adore la plage.
Je le regardai en souriant pour essayer de le sortir de son humeur maussade.
Son visage s’assombrit.
– Je m’en rends compte, dit-il sèchement.
Apparemment, la plage était un sujet douloureux. Je notai mentalement cette information.
– Je dois me changer, me plaignis-je.
– Je m’en rends compte, répéta-t-il.
– Tu es la personne la plus lunatique que je connaisse, lui dis-je en maugréant à mon tour.
Il me serra le bras, très fort.
– Tu me rends fou. Si tu me donnais le moindre indice de ce que tu penses ou ressens, si tu ressens quelque chose pour moi, je pense que cela me permettrait de gérer la situation avec un peu plus de stabilité.
Ses paroles me réduisirent au silence et nous marchâmes comme cela à travers le petit aéroport. On fit tout machinalement, pendant que je tournais tout en boucle dans ma tête.
Il voulait savoir si je ressentais quelque chose pour lui ? C’était une drôle d’idée pour moi, je n’arrivais pas à la lui attribuer. Il se soucie du fait que je l’apprécie ? songeai-je.
Je rejetai cette pensée après l’avoir ruminée un certain temps. J’avais déjà eu ce type d’interaction avec des hommes. Ce n’était pas qu’il se souciait de moi. C’était juste que je semblais assez distante pour devenir un défi à ses yeux. James avait rarement dû se sentir mis au défi d’obtenir l’affection des femmes. Une nuit avec lui, et elles devaient pour la plupart lui avouer leur amour. Mais je n’allais pas lui faire ce plaisir, pas si cela devait me coûter le peu de fierté que j’avais l’intention de garder jusqu’à la fin de notre liaison.
Nous fûmes à bord de son jet en un temps record. Je n’avais encore jamais vu l’intérieur d’un jet privé, et c’était impressionnant. J’examinai la magnifique décoration intérieure tout en gardant le visage impassible comme j’avais appris à le faire, quand l’hôtesse nous accueillit chaleureusement.
Il me mena directement à mon siège, attacha ma ceinture sans un mot, la bouche pincée. Nous n’avions pas parlé depuis son étrange déclaration, et je ne savais pas quoi dire.
Il s’assit à côté de moi dans un siège en cuir immense et il s’attacha. À côté de ces sièges, les fauteuils de première classe de ma compagnie aérienne semblaient minuscules.
– Le décor est très beau. Tes décorateurs, comme toujours, ont très bon goût, lui dis-je.
L’intérieur de l’avion était d’un rouge discret avec des accents marron profond. Je n’aurais même pas su qu’il s’agissait d’un avion si je n’avais vu que l’intérieur.
– Eh bien merci. Je décore la plupart des choses moi-même, me dit-il en rougissant un peu.
Je fus surprise.
– C’est… impressionnant.
Il haussa les épaules, l’air mal à l’aise.
– Je suis propriétaire d’hôtels. J’ai toujours trouvé logique de mettre la main à la pâte, alors je prends moi-même une grande partie des décisions de décoration intérieure depuis l’adolescence. Il va sans dire que j’ai choisi mon propre décor dans mes propriétés privées. J’aime que les choses soient faites d’une certaine façon.
Je rougis un peu à ces mots. Il aurait dû dire qu’il aimait tout contrôler. Bizarrement, cette pensée m’excitait à chaque fois.
– Tu aimes la décoration intérieure ? Ou n’est-ce qu’une nécessité pour ton travail ?
Il eut l’air pensif.
– J’aime ça. Pour être honnête, j’aime même faire les courses. Je viens de baisser dans ton estime, n’est-ce pas ?
Je lui fis un petit sourire taquin.
– Pas vraiment. Je préfère de loin ce genre de révélations à celles de ton exhibitionnisme.
Il avait commencé à sourire et il s’arrêta net. Il redevint silencieux pendant que l’avion était préparé et que nous décollâmes.
– Tu crois que tu seras capable d’accepter mon passé ? Ou est-il trop sordide pour toi ? finit-il par demander doucement.
Il bascula la tête en arrière en se reposant dans son siège.
– Je suppose, dis-je, surprise. Tant que cela reste dans le passé, je pense pouvoir m’y faire, si tu es toujours honnête avec moi.
Il hocha la tête, l’air soulagé, mais étrangement triste.
– Je le serai. Je l’ai été. J’ai fait d’énormes efforts pour te dire beaucoup de choses que je ne voulais pas te dire, parce que tu m’avais posé la question. Il faut juste que tu me donnes un peu de temps pour te le prouver. Pour gagner ta confiance.
Je réfléchis à cela quand il redevint silencieux.
L’hôtesse de l’air était attentive et elle nous demanda si nous désirions quelque chose quelques secondes à peine après avoir atteint l’altitude de croisière.
Je remarquai qu’elle était très belle. Elle avait de longs cheveux bruns et lisses qui lui tombaient dans son le dos, séparés par une raie au milieu. Elle avait des traits sublimes. Elle était fine, mais avec des formes. Son uniforme était fait d’une jupe noire unie et d’un chemisier blanc ajusté, presque trop serré. Elle portait des talons aiguilles rouges de dix centimètres comme une pro. Je n’aurais pas pu marcher avec ces chaussures, même si c’était pour une question de vie ou de mort.
Je me souvins de la proposition de James quand il m’avait suggéré de travailler pour lui en tant qu’hôtesse de l’air personnelle. Avait-elle eu le poste de la même façon ? Avais-je envie de le savoir ? Mon côté masochiste le voulait, c’était certain.
– Tu as déjà couché avec Helene ? demandai-je à James d’un ton presque nonchalant.
Il m’étudia. Il hésita, et j’eus ma réponse.
Je regardai par le hublot.
– Une fois, quand elle est venue travailler au début, dit-il lentement. Elle l’a proposé assez ouvertement, et j’ai accepté. C’était il y a plusieurs années, et depuis nous ne nous voyons que pour des raisons professionnelles. Est-ce que tu es contrariée ?
– Est-elle une soumise ? demandai-je.
Je l’entendis pousser un soupir de frustration.
– On dirait que tu joues avec moi en faisant comme si tu pouvais être jalouse. Je ne devrais pas y compter, hein ? Non, elle ne l’est pas. Nous n’étions pas compatibles en ce sens. Je ne l’ai même pas envisagé. Comme je te l’ai dit, c’était il y a des années. J’étais plus libéré à l’époque. Elle était magnifique et serviable et cela m’avait suffi à ce moment-là.
Je pensais berk, berk, berk. Je ressentais aïe, aïe, aïe.
– Cela ne me semble pas très professionnel de coucher comme ça avec tes employées, dis-je sèchement.
Il couvrit ma main avec la sienne.
– Non, ça ne l’était pas. Je n’agis plus de cette façon, même avant de te rencontrer.
– Est-ce que nous allons croiser des femmes avec lesquelles tu as couché partout où nous irons ? demandai-je.
Il me serra la main.
– Pas partout, mais de temps en temps, oui. Si cela te gêne trop, je pourrais la renvoyer ou la faire changer de poste. Je détesterais que tu te sentes mal à l’aise.
Je lançai un regard en direction de l’endroit où l’hôtesse travaillait dans son minuscule galley. Elle avait été tout à fait professionnelle et efficace.
– Est-ce qu’elle flirte encore avec toi ?
– Non. Je lui ai dit très clairement après la première fois, que cela ne se reproduirait pas. Elle l’a pris avec élégance. C’est une vraie professionnelle. Mais j’agirai en fonction de ce que tu souhaites. Je veux que tu fasses partie de ma vie et je ferai toutes les concessions nécessaires pour que cela arrive. Est-ce que je dois la renvoyer ?
– Bien sûr que non, dis-je sans le regarder.
Si nous étions en train de coucher ensemble, il ne m’aurait jamais laissé détourner le regard de cette façon. Il ne m’aurait jamais autorisé la distance que cela me donnait. Mais pour une raison qui m’échappait, il semblait me donner le contrôle en dehors de la chambre à coucher.
– Elle a l’air douée pour son travail.
– Oui, elle est assez douée. Et elle est toujours disponible pour partir, même quand on la prévient au dernier moment.
– Où est-ce que tu m’emmènes ? lui demandai-je en changeant de sujet de conversation.
Cela me déprimait évidemment de regarder et de parler de cette autre femme.
– Dans le Wyoming, répondit-il.
Je le regardai sans comprendre.
– C’est un vol assez court, mais il y a un lit à l’arrière si tu veux dormir un peu. Il y a aussi des habits et un nécessaire de toilette pour toi, poursuivit James.
– Il y a quoi, dans le Wyoming ? demandai-je.
– J’y ai un ranch avec des chevaux. C’est très isolé et paisible. Je me suis dit que cela pourrait être un répit agréable pour nous, pendant un jour ou deux.
– Tu n’as pas besoin de travailler ?
– Je forme un directeur nord-américain à reprendre une partie de mes responsabilités. Je me suis rendu compte depuis peu que je microgère mes entreprises depuis trop longtemps. J’ai un employé que je pense être à la hauteur, et il pourra certainement gérer les choses pendant quelques jours. J’ai besoin d’avoir une vie en dehors du travail. Pour une fois, j’en ai vraiment envie. Alors, ce sera un test pour lui. Quand j’aurai envie de prendre quelques jours, ou même quelques semaines, je veux laisser les choses en de bonnes mains.
Je ne m’attendais pas à ce que ma question nonchalante appelle une réponse aussi détaillée. Il me surprenait toujours, et involontairement je sentis quelques-unes de mes barrières s’affaiblir.
– Je dois être de retour jeudi soir, lui dis-je.
Il me sourit et son humeur s’arrangea.
– Oui, je sais.
Un bâillement soudain m’indiqua que j’étais assez fatiguée pour dormir.
James le vit et il me jeta un regard langoureux.
– Prête à aller au lit ? me demanda-t-il.
– Tu es fatigué ?
J’étais sur le point de lui dire qu’il n’était pas obligé de venir avec moi.
Il me dévisagea avec des yeux brûlants.
– Ma belle, cela fait des semaines que j’attends de te voir. Le sommeil est bien la dernière chose à laquelle je pense.
Il défit ma ceinture en parlant, m’aida à me lever et me guida jusqu’à l’arrière de l’avion, sans autres manières.
Juste avant d’atteindre la porte fermée à l’arrière, il lâcha ma main et il passa un doigt dans l’anneau du collier que je portais. Il ne me regarda même pas, mais je sentis un changement en lui.
Il ouvrit la porte et il m’attira dans une chambre à coucher étonnamment spacieuse. Il me fit faire le tour de la pièce en me montrant où je pourrais trouver ce dont j’aurai besoin. La moitié des vêtements dans le placard étaient des vêtements de femme. Allais-je oser lui poser la question ?
– Ces vêtements me vont ?
– J’espère bien, répondit-il d’un ton glacial. J’ai demandé à mon acheteuse personnelle de te les acheter et elle avait toutes tes mensurations.
La salle de bains était minuscule, mais elle contenait l’essentiel.
Il était déjà en train de déboutonner mon chemisier, son torse contre mon dos, avant que nous ayons terminé la courte visite. Il le glissa de mes bras et il défit l’agrafe de mon soutien-gorge d’un geste rapide. Ma jupe fut dézippée et elle tomba à mes pieds en un clin d’œil.
Il me surprit en me mordant entre le cou et l’épaule, exactement sur le tendon, assez fort pour me faire sursauter. Il suçota la blessure qu’il venait de faire et je me mis à gémir.
– Garde tes chaussures. Couche-toi sur le dos et écarte les jambes, ordonna-t-il.
J’obéis.
Il sortit des liens de sous le matelas et il attacha mes poignets puis mes chevilles. Je me sentis prise dans un brouillard sensuel pendant que je le regardais. J’étais ensorcelée par le spectacle de James qui se déshabillait.
Il enleva son T-shirt d’un geste rapide. Je retins ma respiration pendant qu’il défaisait le bouton et la fermeture Éclair de son pantalon, délivrant son érection. Il le fit descendre et il l’enleva avant de monter immédiatement dans le lit.
Il m’étudia pendant de longues minutes et ses yeux intenses me dévoraient comme s’il mémorisait cet instant.
– Tu m’as manqué, me dit-il en un chuchotement rauque, et je le crus.
Il rampa au pied du lit et il enfouit son visage entre mes jambes avant que je puisse voir son intention.
Je m’exclamai pendant qu’il me léchait avec de longues caresses parfaites. Il suçota mon clitoris et je gémis. Il m’avait conduite au bord de l’orgasme en quelques secondes, mais il se retira d’un seul coup en recommençant à me lécher.
– James, je t’en prie, suppliai-je.
Je ne reçus aucune réponse, si ce n’est un coup de langue très lent le long de ma chatte.
– Monsieur Cavendish, s’il vous plaît, essayai-je encore.
Il remonta le long de mon corps en léchant et suçotant mon nombril. Il passa quelques longues minutes au niveau de mes seins en suçant et aspirant fort mes tétons et en massant mes seins gonflés, jusqu’à ce que cela suffise à me mener au bord d’un nouvel orgasme. Il s’arrêta là aussi.
Je sanglotai.
Il ne laissa aucune partie de mon corps exposé intouché, frottant, pinçant, léchant, mordant. Ce fut la torture la plus exquise.
Son érection lourde traîna sur moi pendant qu’il bougeait et je tirai fort sur mes liens, essayant de me rapprocher de cette partie de lui. Je tirai si fort dessus que mes pieds et mes mains se mirent à perdre leurs sensations, mais James ne céda pas.
J’essayai à nouveau de le supplier.
– Je vous en supplie, Monsieur Cavendish.
Il ignora mes mots, ne parlant pas, ne cédant jamais.
– Vous me punissez, Monsieur Cavendish ? finis-je par crier.
– Bien sûr, murmura-t-il contre ma peau, et sa voix était dure. Je ne peux pas te fouetter. Ceci est une alternative. Tu préfères les coups de fouet ?
– Oui, dis-je sans hésitation.
Il n’y avait aucune commune mesure. L’un me libérait alors que l’autre me rendait désespérée et exposée. Des larmes coulèrent le long de mes joues pendant qu’il travaillait sans relâche sur mon corps.
– Pourquoi ? demandai-je à bout de souffle.
Il plongea soudain deux doigts en moi, et mon dos se plia en un sursaut.
Sa propre respiration était bruyante quand il parla en me caressant.
– C’est juste pour te donner un avant-goût. J’étais désespéré de te revoir. De te réconforter, de m’occuper de toi. Putain, ne serait-ce que de te regarder. Mais tu t’es complètement éloignée de moi, jusqu’à ce que je te sois pathétiquement reconnaissant pour un simple texto, et même cela tu l’as refusé la plupart du temps. Alors il fallait que je te donne au moins un petit aperçu de mon désir.
Il fit glisser ses doigts le long de l’endroit parfait en me parlant.
Je me tendis en sentant approcher l’orgasme quand il retira ses doigts.
Je hurlai de frustration.
Il m’embrassa. Ce fut un baiser violent et je sentis mon goût sur sa bouche. Il envahit ma bouche et se positionna au-dessus de moi. Je me mis à gémir bruyamment quand je sentis sa queue à l’entrée de mon corps. Il me taquina en faisant de petits cercles. J’essayai de remonter vers lui, mais cela ne servit qu’à étrangler un peu plus mes chevilles.
– Je… je suis désolée d’avoir fait ça, dis-je finalement. Tu me fais peur. Les sentiments que j’ai pour toi me font peur, alors j’ai couru.
Il me pénétra d’un coup pendant que je parlais.
Je criai. Il gémit.
Il se releva sur ses coudes en me pénétrant furieusement, mais en soutenant mon regard. Il tira sur la boucle de diamants de mon collier pendant son va-et-vient et je sentis l’attirance, la connexion qu’il symbolisait.
– Rien de toute ma vie n’a jamais été aussi parfait que lorsque je suis en toi, s’exclama-t-il en prenant mon visage dans ses mains sans ralentir son rythme punitif. Jouis, mon amour, ordonna-t-il.
C’est ce que je fis.
– James ! criai-je, et je regardai ses yeux quand il fut pris à son tour par l’orgasme.
La façon dont il me regarda alors me donna envie de pleurer de désir. Si j’étais assez folle pour croire ce regard, j’étais perdue à jamais.
J’étais déjà au bord du sommeil quand il défit les sangles. J’entendis d’abord comme un sanglot de douleur s’échapper de sa gorge, puis une série de jurons brutaux. Cela me ramena suffisamment à la réalité pour ouvrir les yeux. Il était en train d’examiner les marques que les cordes avaient laissées sur ma peau. Je ne sentais même pas les marques qui semblaient l’ennuyer, alors je fermai les yeux et je sombrai.
Quand je me réveillai, il était en train de me mettre une culotte. Il était déjà vêtu d’un jean et d’un T-shirt blanc propres.
Je me sentis étonnamment bien en m’asseyant. Il avait disposé un T-shirt, un jean et un soutien-gorge sur le lit pour moi.
– Tu peux prendre autre chose si tu préfères. Il y a plein de choix dans le placard, me dit-il en sortant de la chambre et en fermant la porte dans un claquement bruyant.
Je partis me changer dans la petite salle de bains. Je me rafraîchis vite fait et je mis le jean, ravie de voir qu’il m’allait réellement. Il avait la bonne taille. Il était même assez long, ce qui était rare. Il était de la marque Diesel, que je n’avais jamais portée, mais je devins rapidement fan. C’était un bootcut qui me moulait parfaitement les fesses, le tissu s’étirant un peu. La teinte noire était flatteuse. J’étais impressionnée par la capacité de son habilleuse à choisir un jean pour moi, car c’était une tâche qui me faisait en général grincer des dents de frustration.
J’enfilai le T-shirt blanc. Il était doux et fin, avec une petite poche sur mon sein gauche. C’était beaucoup plus moulant que ce que j’aurais choisi moi-même, mais je n’allais pas me plaindre. Je tripotai le beau collier autour de ma gorge. Il était clairement visible au-dessus du col du T-shirt. Je remarquai pour la première fois que les boucles d’oreilles de la nuit précédente avaient disparu. James devait les avoir enlevées et je ne savais pas où elles étaient. Je me dis qu’il fallait que je lui pose la question.
Je vis qu’il avait préparé des chaussures de jogging bleu marine près de la porte. En les mettant, je remarquai qu’elles me semblaient étrangement familières. J’étais toujours en train de les regarder quand la porte s’ouvrit et qu’une paire similaire de chaussures pour homme apparut.
– On a les mêmes chaussures ? lui demandai-je, sans pouvoir dissimuler un ricanement.
Il m’attira contre lui et me caressa le dos puis les fesses.
– Les chaussures et le T-shirt, et le jean, c’est presque le même aussi.
Je ris.
– C’est une sorte de fétichisme ? Tu aimes assortir les vêtements ?
Il me lissa les cheveux vers l’arrière et il releva ma tête en se mettant à les tresser.
– Ce n’était pas vraiment délibéré. J’ai juste remarqué que tu portais des choses similaires et j’ai choisi ces vêtements-là inconsciemment. Mais j’aime bien. Personne ne peut douter du fait que nous sommes ensemble quand on est habillés de cette façon.
Il finit de tresser mes cheveux et il utilisa un élastique de son poignet pour les attacher.
Il tripota mon collier en métal avec un regard doux. Il me surprit en sortant une petite boîte de sa poche. Cela ressemblait à un petit étui de bague.
J’eus la respiration coupée et je me mis à paniquer en pensant à ce que cela pouvait contenir. Je fus presque soulagée lorsqu’il révéla des clous d’oreilles avec des gemmes bleu pâle taillées en carrés. Ils étaient magnifiques et inattendus, et je fus tellement surprise que je le laissai me les mettre sans protester. Bêtement, j’avais eu horriblement peur pendant un moment qu’il m’offre une bague. Je fus soulagée, mais stupéfaite qu’il s’agisse de totalement autre chose.
– C’est trop, James. Tu n’as pas besoin de me couvrir de cadeaux. Ce n’est pas vraiment mon truc.
Il toucha doucement mon oreille.
– Non, ce n’est pas ton truc. C’est mon truc, alors fais-moi plaisir. Et elles s’accordent avec tes yeux. Je le savais.
– Qu’est-il arrivé aux autres ? Celles que je portais hier ? J’espère que je ne les ai pas perdues.
Il se contenta de me sourire.
– Non, je les ai mises dans tes bagages. Quand apprendras-tu que je suis un homme qui pense à tout ?
Je souris à cette description de lui-même. Bizarrement, je lui en voulus de la pertinence de sa remarque.
Il m’embrassa le front et il me prit par la main pour me mener hors de l’avion.
Helene nous fit un signe de tête en nous souhaitant une bonne journée. Je hochai la tête à mon tour. J’étais mal à l’aise, mais polie.
On émergea dans un paysage de collines vertes et vallonnées entourant une minuscule piste d’atterrissage dont je doutais que l’on puisse l’appeler aéroport. Ce fut un changement soudain et agréable par rapport à Vegas.
– Comme c’est joli, dis-je pendant qu’il me guidait vers un cabriolet sport élancé de couleur métallique. Deux 4x4 noirs étaient garés derrière, et je vis Clark s’installer au volant de l’un des deux.
Les sièges en cuir du cabriolet étaient bleu vif qui contrastait avec la couleur gris acier de la voiture. L’emblème était une couronne, je n’avais aucune idée de la marque, mais je ne connaissais rien aux voitures, alors je n’aurais pas dû être surprise. Il était évident que cette marque était hors budget pour moi.
Il ouvrit la portière passager pour moi et me fit asseoir, attachant même ma ceinture. Je lui fis un sourire sardonique.
– Je ne peux pas laisser passer une occasion de t’attacher, me dit-il doucement en faisant glisser sa main le long de la ceinture.
Il s’assit dans le siège conducteur et ouvrit la boîte à gants pour en sortir deux paires de lunettes de soleil. Je pris la mienne en le remerciant.
– Tu as pensé à tout, dis-je en confirmant ce qu’il avait dit quelques minutes plus tôt.
Sa main droite, qui serrait mon genou, se posa sur mon poignet. Les marques étaient rouge écarlate et la peau était à vif à certains endroits.
– Pas à tout, apparemment. Ceci est allé trop loin.
Il démarra la voiture en faisant signe aux 4x4. Clark passa devant nous et l’autre se mit en place derrière.
Clark partit à fond devant. Il devait dépasser les limitations de vitesse quand il fut presque hors de vue sur l’autoroute à deux voies. Je regardais passer les jolies collines vallonnées pendant que James conduisait la voiture de sport comme le reste : avec une maîtrise exceptionnelle.
Les collines se transformèrent rapidement en contreforts couverts de pins. Le trajet était joli et très plaisant. Même la météo était parfaite. Nous avions été transportés depuis le désert dans un havre de verdure.
James laissa sa main sur ma cuisse, il me caressait et me serrait la jambe en conduisant, ne levant la main que pour passer une vitesse quand c’était nécessaire.
Je bougeai légèrement dans mon siège, déjà un peu endolorie par nos activités de la nuit précédente.
James le remarqua immédiatement.
– Tu as mal ? me demanda-t-il.
Il devait lever la voix un petit peu pour se faire entendre en dépit du bruit du vent et de la voiture.
J’eus un petit haussement d’épaules.
– Rien de gênant, répondis-je. Absolument rien qui m’empêcherait de vouloir recommencer.
– Que dirais-tu d’une demi-douzaine de fois ? demanda-t-il avec un sourire chaleureux, les yeux cachés derrière ses lunettes de soleil.
Je ne pus m’empêcher d’y répondre avec un petit sourire.
J’avais passé moins de vingt-quatre heures avec lui et j’étais déjà à sa merci.
C’était difficile de rester loin de lui, même pendant qu’il conduisait. Une console envahissante nous séparait. Je glissai ma main jusqu’à sa taille et j’appuyai sur la protubérance de son jean.
Sa main vint recouvrir la mienne et il me jeta un regard plutôt surpris.
Je jetai un coup d’œil pour voir les 4x4 qui nous escortaient. Ils semblaient tous deux suffisamment hors de vue pour le moment.
Je tâtonnai un peu avec le bouton de son jean et finis par le défaire en utilisant les deux mains. Je découvris son érection grandissante, et il eut le souffle coupé quand l’air frais le frappa. Je me penchai au-dessus de la console et le pris dans ma bouche avant qu’il ait le temps de protester. La console me comprimait les côtes et cela faisait un peu mal, mais pas assez pour que je m’arrête.
Il m’agrippa fermement les cheveux.
– Putain, jura-t-il d’une voix rauque et basse. C’est dangereux, Bianca, dit-il sans pour autant m’arrêter.
Je soulevai brièvement la tête pour dire :
– Alors, jouis rapidement et on sera hors de danger plus vite.
Je repris sa queue dans la chaleur de ma bouche et je caressai doucement ses couilles pour le faire jouir plus vite. Il me serra les cheveux jusqu’à me faire mal pendant que je montais et descendais mes lèvres de plus en plus rapidement.
En moins de deux minutes, il éclatait dans ma bouche. Je ne savais même pas qu’il était capable de partir si vite. Il jura et grogna pendant que j’avalais son sperme brûlant.
– Putain, putain, putain. Bianca, t’es trop. J’ai failli quitter la route. J’y voyais trouble.
Je m’assis et me rattachai. Je lui fis un sourire diabolique. J’avais les paupières lourdes, mais elles étaient cachées par les lunettes.
Il me fixa, hypnotisé.
– Tu vas me faire crever, n’est-ce pas ?
Cela faisait un peu plus d’une heure que nous étions sur l’autoroute quand James se mit à ralentir, apparemment au milieu de nulle part. Clark avait tourné devant nous. James le suivit et il tourna vers une route bien pavée, mais étroite. On passa un grand portail presque immédiatement après avoir quitté l’autoroute. Il était situé de façon à ce qu’il soit impossible de faire demi-tour devant le portail s’il n’était pas ouvert.
Nous restâmes sur cette petite route pendant une vingtaine de minutes, en passant entre des collines, puis une forêt de chênes. Les collines herbeuses étaient parsemées de pins. Le paysage était changeant, exactement comme son propriétaire.
– On est presque arrivés, dit James, sa main toujours sur mon genou.
Je vis les bâtiments quelques minutes avant d’atteindre le ranch. Ces bâtisses isolées dans leur enclos au milieu de nulle part semblaient presque irréelles.
James s’arrêta directement devant le bâtiment principal. Tous les bâtiments se ressemblaient, construits en bois foncé élégant dans une version moderne de la maison en rondins de bois, avec d’immenses baies vitrées réfléchissantes. Cela ressemblait à une interprétation ultramoderne de la cabane dans les bois, mêlant modernité et nature, en prenant des éléments de la région et en y ajoutant une touche d’élégance. Typique du style Cavendish.
– C’est magnifique, lui dis-je.
Il sourit, ravi.
– Les étables sont à l’arrière, mais laisse-moi d’abord te montrer la maison.
– Je les ai vues depuis la route. Que sont tous les autres bâtiments ? La maison a l’air déjà si grande à elle seule.
– Pour les employés, dit-il en m’attirant à l’intérieur.
Il me montra la maison pièce par pièce. Évidemment, c’était magnifique.
– C’est toi qui as fait la décoration, dis-je.
Je n’avais pas besoin de le lui demander, je commençais à reconnaître sa touche personnelle. Les sols et les murs très modernes, mêlés à des tables rustiques et des meubles qui donnaient un sentiment d’authentique Wyoming, portaient sa marque.
Il se contenta de hocher la tête et me guida à travers le hall d’entrée jusqu’à un salon gigantesque. Il me montra chaque pièce du rez-de-chaussée en attirant mon attention sur des détails de la décoration.
– Quoi ? Pas de bois de cerf ? lui demandai-je au cours de la visite.
Il me jeta un faux regard fâché.
Quand il me fit monter à l’étage, je me rendis compte que j’avais besoin de faire une sieste. J’essayai d’étouffer un bâillement.
Il me regarda.
– C’est l’heure de la sieste, me dit-il.
Je hochai la tête, même si cela n’avait pas été une question.
– On finira la visite plus tard, ajouta-t-il.
Il me mena jusqu’à la chambre principale et dans un dressing ridiculement grand. La moitié des rangements contenait des vêtements de femme. Je lui jetai un regard.
– À qui sont ces habits ? demandai-je.
J’avais essayé d’adopter un ton nonchalant, mais les mots sortirent sèchement.
Il me regarda d’un air sévère.
– Les tiens. Je t’ai dit que j’avais fait acheter une garde-robe pour toi. Tu peux ajouter ce que tu veux, mais j’ai pensé que ce serait pratique, pour le moment, d’avoir au moins les vêtements nécessaires à ta disposition, de façon à ce qu’on n’ait pas à faire les bagages chaque fois que l’on part pour une de mes maisons.
– Tu as dit que tu l’avais fait à New York. Et je ne pensais pas qu’il y aurait tout ça. C’est trop, James.
– C’est rien, dit-il sèchement en enlevant une minuscule nuisette transparente de son cintre et en me la jetant. Mets ça et va te coucher, ordonna-t-il en commençant à se déshabiller.
– Tu fais toujours ça ? En regardant ce placard, on dirait que tu vis avec une femme. Cela fait partie de ton… arrangement habituel ?
– Bien sûr que non ! Je n’ai jamais vécu avec une femme, je ne l’ai même jamais envisagé. Tu seras la première, quand j’aurai réussi à te convaincre, me dit-il en enlevant son T-shirt. Ce sera une transition facile quand je t’aurai convaincue, puisque tu auras des affaires à toi dans toutes mes propriétés. Comme je te l’ai dit, tu peux ajouter tout ce que tu veux. Et s’il y a des changements dans la décoration que tu aimerais faire, je t’en prie, n’hésite pas. Je sais que je peux être autoritaire et possessif avec mes affaires, mais je veux que tu saches que ce qui est à moi est à toi.
J’étais en train de déboutonner mon pantalon quand je me figeai. Les choses qu’il disait et ce ton indifférent ne s’accordaient pas dans ma tête.
– Tu ne peux pas être sérieux, dis-je doucement.
– À quel sujet ?
– Vivre avec moi.
– Je vois à ton air que l’idée ne te fait pas plaisir, mais je suis un homme très déterminé. Commence à t’habituer à cette notion.
Je continuai à me déshabiller en rejetant l’idée. Il essayait peut-être de me provoquer pour me forcer à parler des choses dont je ne voulais pas parler. Je n’en savais rien. Mais au lieu de me sentir piégée par l’arrangement qu’il proposait, je ne ressentais rien. Ma réaction fut le déni pur et simple, et je l’accueillis avec gratitude.
– Tu es fou, lui dis-je en enfilant la nuisette minuscule.
Je me glissai sous les couvertures luxueuses d’encore un autre de ses lits ridiculement grands. Je le sentis traîner près de moi, debout au-dessus du lit.
– Eh bien, je suppose que ce n’est pas la pire réaction que j’aurais pu obtenir. J’avais peur que tu quittes la maison en courant et en criant, alors c’est plutôt positif en comparaison, me dit-il d’une voix toujours indifférente.
Je l’avais déjà entendu utiliser ce ton au téléphone. Je me rendis compte que c’était la voix qu’il prenait pour les transactions commerciales.
Je l’entendis partir à la salle de bains sans fermer la porte. La douche se mit à couler. Je dormais déjà quand il me rejoignit au lit.
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